Après la confirmation des soupçons du FMI par les rapports de la Cour suprême et du Bureau du Vérificateur général, le représentant du FMI au Mali, Anton Op De Beke est sorti du silence, samedi dernier à la maison de la presse. « Notre souci était que les bonnes pratiques des finances publiques n’avaient pas été suivies. Nos discussions avec le gouvernement se sont toujours concentrées sur les procédures budgétaires et de passation de marchés », a-t-il indiqué. Mais du point de vue budgétaire le problème majeur avec les deux transactions est qu’elles ont eu lieu essentiellement en dehors du processus budgétaire normal. Pour l’avion il y avait pas de ligne de crédit dans le Loi de finance 2014, et le contrat Guo Star était financé sur les lois de finances 2015 et 2016 qui ne l’ont pas encore été voté. En outre, la garantie de 100 milliards de francs CFA pour le contrat Guo Star n’avait aucune justification dans le budget. « L’achat de l’avion présidentiel et le contrat Guo Start ont été effectués sans appels d’offres. Ils sont faits à travers des ententes directes, c’est-à-dire, gré-à-gré. C’était le même pour le prêt bancaire à financer l’avion. Si un contrat est fait gré-à-gré, il faut toujours veiller aux surfacturations », selon Anton Op De Beke. Une communication à lire :
Je passerai maintenant au sujet de la conférence de ce matin, les rapports d’audit du Bureau de Vérificateur général et de la Cour suprême. Les rapports portent sur deux dépenses récentes par le Ministre de la défense et des anciens combattants, à savoir l’achat en Février 2014 d’un avion pour le Président à un coût pour le budget de 20 milliards de francs CFA, et un contrat signé en Novembre 2013 de CFA 69 milliards pour équiper l’armée. Ce dernier contrat passe par un intermédiaire Malien, Guo Star, et est soutenu par une garantie de 100 milliards de CFA octroyée par le gouvernement.
Quelle est l’implication du FMI dans ces audits? Le gouvernement du Mali est dans une relation programme avec le FMI. Ca veut dire que le gouvernement a demandé au FMI de soutenir financièrement, mais aussi avec des conseils et d’assistance technique, son programme de politiques économiques et financières. Pour faire ca, le FMI a accordé un prêt venant des ressources de sa Facilité Élargie de Crédit, donc le nom « programme FEC ». Ce prêt est de 23 milliards de francs CFA, à décaisser en tranches semestrielles de 2013 à 2016 sur bases des revues semestrielles.
Ce programme FEC contient un grand nombre d’engagements pris par le gouvernement. Un engagement clé est de passer des budgets annuaires prudents et de rester dans les limites de ces budgets. Un autre engagement clé est de pratiquer une bonne gouvernance en matière des finances publiques. Ces engagements assurent que le gouvernement n’empruntera plus qu’elle ne peut raisonnablement payer en forme de service de la dette, et ne dépensera pas au delà de sa capacité. En autres mots, l’objectif est d’assurer ce que nous au FMI appelons « la stabilité macroéconomique. »
Le programme FEC est revu deux fois par an. Le service du FMI effectue une mission au Mali et sur base de ses conclusions prépare un rapport au Conseil d’administration du FMI proposant l’approbation du prochain décaissement du prêt. Ces revues semestrielles évaluent la performance du gouvernement relative à ses engagements. Ils sont aussi l’occasion pour modifier le programme à la lumière de l’évolution des conditions économiques et les priorités politiques.
Le programme FEC actuel a été approuvé en Décembre 2013. Mi-mars 2014, une mission du FMI a séjourné à Bamako pour préparer la première revue. Ca est bien passé. À la fin de son séjour la mission a issu un communiqué de presse positif, et a annoncé que le Conseil d’administration du FMI discuterait la revue en Juin 2014.2 Mais rapidement cette bonne appréciation a commencé à changer.
Au début Avril 2014 les services du FMI apprendraient de la presse Malienne que le gouvernement avait acheté un nouvel avion pour le président. Cette dépense ne figurait pas dans la Loi de finance 2014, ni dans le projet de Loi de finance rectificative présenté au service du FMI pendant la mission de Mars. Il est avéré que le contrat avait été signé en Février 2014, et un prêt bancaire de 17 milliards de francs CFA avait été organisé en Mars 2014.
Les mêmes articles dans la presse mentionnaient aussi d’autres transactions hors budget. C’est comme ca que nous sommes tombés sur le contrat militaire Guo Star. Compte tenue de sa taille, et les circonstances douteuses de sa signature, nous l’avons inclus dans nos discussions avec le gouvernement.
Il était évident que lors de la présentation de la première revue au Conseil d’administration, les services du FMI devraient inclure ces transactions et se mettre d’accord avec le gouvernement sur une solution pour leurs implications pour la gestion budgétaire et la bonne gouvernance. Naturellement, ca a du être fait avec soin, et cela prendrait du temps. Par conséquent, en mai 2014 le FMI a informé au gouvernement que la première revue serait retardée au-delà de Juin. Après ca plusieurs bailleurs de fonds, sur le point de faire des décaissements de l’appui budgétaire importants –y inclus la Banque mondiale et l’Union européenne— annonçaient que ca leur obligeait de retarder ces décaissements jusqu’à ce que le FMI avait conclu un accord avec le gouvernement. Les bailleurs de fonds s’orientent généralement sur le programme FMI du gouvernement pour leur conditionnalité macroéconomique.
En Juin 2014, Madame le Ministre de l’Économie et des finances effectuait une visite de travail à Washington pour trouver une solution. Il y avait des divergences d’opinion sur la question quelles règles et régulations avaient été rompues. Par conséquent, une des mesures convenues était de demander au Vérificateur général et la Cour suprême de conduire des audits de ces deux dépenses, les aspects budgétaires et les aspects passation des marchés. Les rapports d’audit faisaient partie d’un ensemble de mesures. Les objectifs de cette ensemble était: à clarifier ce qui était arrivé; comme nécessaire et possible, d’apporter des corrections; et de renforcer le système des finances publiques afin de minimiser le risque d’une répétition.
Les deux cotes considéraient la transparence comme cruciale pour que le gouvernement regagne la confiance du public malien et des bailleurs de fonds. Par conséquent, une déclaration conjointe a été publiée à la fin de cette visite de Juin.3 Cette déclaration annonçait les deux rapports d’audit. Aussi elle informait qu’en Septembre 2014 une mission du FMI examinerait les rapports d’audit et les autres mesures prises, et sur cette base, essaierait de compléter le travail préparatoire pour la première revue du programme. En même temps cette mission préparerait la deuxième revue. Les deux revues seraient ensuite présentées ensemble, avant la fin de 2014, au Conseil d’administration du FMI. Si approuvés ces deux revues résulteraient dans deux décaissements de 3 milliards de francs CFA chacun.
Maintenant, c’est à quoi que les services du FMI font vraiment objection à propos de ces deux dépenses? Notre souci principal n’était pas les achats eux-mêmes. En d’autres mots, nous n’avons pas remis en question si le Président avait besoin d’un nouvel avion, ni si l’armée avait besoin des biens inclus dans le contrat Guo Star. Questions sur l’opportunité de ces achats sont certes légitimes, mais ils sont d’ordre politique, et donc se trouvent au dehors du mandat économique du FMI. Notre souci était que les bonnes pratiques des finances publiques n’avaient pas été suivies. Nos discussions avec le gouvernement se sont toujours concentrées sur les procédures budgétaires et de passation de marchés.
Du point de vue budgétaire le problème majeur avec les deux transactions est qu’elles ont eu lieu essentiellement en dehors du processus budgétaire normal. Pour l’avion il y avait pas de ligne de crédit dans le Loi de finance 2014, et le contrat Guo Star était financé sur les lois de finances 2015 et 2016 qui ne l’ont pas encore été voté. En outre, la garantie de 100 milliards de francs CFA pour le contrat Guo Star n’avait aucune justification dans le budget.
Le processus budgétaire est où les ressources publiques, toujours limitées, sont allouées aux priorités de dépenses, toujours nombreuses. S’il est bien fait, ce processus sert á la qualité des décisions prises et l’efficacité économique. Le processus budgétaire est un outil de transparence. Tous les revenus sont présentés de manière transparente dans le Loi de finance, et de même, toutes les dépenses doivent être inscrites dans le Loi de finance. Établi avec le concours de plusieurs parties prenantes, et basé sur la stratégie de développement du pays, le Loi de finance identifie les priorités du gouvernement. Finalement, t’Assemblée nationale examine, modifie et approuve le projet Loi de finance. C’est comme ca qu’il obtient sa légitimité.
La Loi de finance doit être exécutée tel qu’elle a été adoptée. Une règle d’or est que toutes les dépenses doivent avoir des lignes de crédit. Bien sûr, il y a toujours des circonstances imprévues. Il peut y avoir un changement dans les priorités de dépenses. Ou il peut y avoir une situation d’urgence. Pour gérer ces situations en préservant l’intégrité du processus budgétaire, il y a des règles. Des ressources peuvent être réaffectées d’une ligne de crédit à l’autre. Et si une toute nouvelle dépense prioritaire émerge, le gouvernement peut revenir à l’Assemblée nationale et lui demander d’approuver une Loi de finance rectificative qui permettrait son financement. Ceux sont les procédures budgétaires qui auraient dû être suivies pour l’avion et le contrat militaire. Maintenant, qu’en est-il des règles de passation des marchés? Leur but est d’assurer que le gouvernement obtient un bon rapport qualité-prix. Voilà pourquoi la procédure préférée est un appel d’offre concurrentiel. La concurrence entre les fournisseurs assurera que le gouvernement obtient les meilleurs prix. Des procédures impliquant moins de concurrence peuvent être justifiées, mais leur utilisation doit être réduite au minimum, et entouré de sauf gardes.
L’achat de l’avion présidentiel et le contrat Guo Start ont été effectués sans appels d’offres. Ils sont faits à travers des ententes directes, c’est-à-dire, gré-à-gré. C’était le même pour le prêt bancaire à financer l’avion. Si un contrat est fait gré-à-gré, il faut toujours veiller aux surfacturations. La justification était que ces deux achats étaient des biens militaires « exigeant le secret ». Donc ils étaient couverts par une exemption dans le code des marchés publics, le célèbre Art. 8. Á notre estimation, pour l’avion présidentiel, un avion civil, et pour la grande partie du contrat militaire, qui sont des fournitures non-sensibles, cette exemption a été abusée.
Lorsque la mission du FMI est venue en Septembre 2014 pour les deux revues, elle a rencontré plusieurs nouvelles informations. Surtout, elle a découvert que le contrat Guo Star n’était pas le seul contrat militaire sans financement adéquat dans la Loi de finance. En fait, Guo Star faisait partie d’un phénomène énorme. Les services des ministères de la Défense et de l’Économie et des Finances ont travaillé ensemble pour faire ressortir tous les contrats militaires signés en secret, et dehors des procédures budgétaires normales, utilisant l’Article 8. Il est apparu que, en plus du contrat de 69 milliards de CFA de Guo Star il y avait une douzaine d’autres contrats totalisant 66 milliards de CFA, dont la livraison était prévue pour 2014. Ainsi, le total des contrats militaires était de 135 milliards de francs CFA lorsque les fonds disponibles dans la Loi de finance 2014 n’étaient que de 35 milliards de CFA, un hors budget de 100 milliards francs CFA. La mission de Septembre a aussi eu l’occasion d’étudier le rapport final de la Cour suprême et une copie provisoire du rapport du Bureau du Vérificateur Générale. Elle a été impressionnée par la qualité professionnelle de ces deux rapports, et par les déclarations des auteurs qu’ils avaient été permis à travailler en toute indépendance. Pour ca, le gouvernement mérite d’être applaudi. Les rapports essentiellement confirmaient les faiblesses que le service FMI avait déjà observées dans l’application des règles budgétaires et de passation des marchés.
Mais les deux rapports ont découvert beaucoup d’autres faiblesses. En particulier, le rapport du Bureau du Vérificateur Générale a analysé la marge de Guo Star, l’intermédiaire malien, dans son contrat militaire. Le rapport a conclu que le contrat Guo Star contenait une marge de 29 milliards de CFA: la charge au ministère de la Défense était de 69 milliards de CFA, et les payements dus aux fournisseurs seulement de 40 milliards de francs CFA. Dans son rapport final, le BVG a réduit cette estimation de 29 à 25 milliards de francs CFA, prenant en compte que Guo Star fournissait également un financement. Une des biens dans le contrat sont les désormais célèbres « chaussettes mi-bas, » que Guo Star achetait en Chine pour 1.745 de francs CFA et revendait au ministère de la Défense pour 10.000 de francs CFA.
Le défi pour la mission de Septembre était de faire face à ces deux nouveaux éléments, la grande quantité de dépenses hors budget, qui menaçait la stabilité macroéconomique, et la mauvaise gouvernance lié au contrat Guo Star. Pour le programme du FMI à aller de l’avant, des mesures correctives étaient nécessaires, aussi comme des preuves de l’engagement du gouvernement de ne pas répéter de telles pratiques. La réputation du gouvernement était en jeu, mais aussi la réputation du FMI.
Dans un échange constructif le gouvernement et la mission sont arrivées à une solution satisfaisante…