Les circonstances qui ont amené un deuxième décès malien obligent à renforcer le dispositif de surveillance et à obtenir l’implication de tous .
L’heure est grave. L’on peut faire ce constat sans céder à la dramatisation de la situation et sans chercher à alimenter la psychose. Notre pays vient en effet d’enregistrer son deuxième mort, victime de la fièvre hémorragique à virus Ebola. Cela au moment même où les autorités sanitaires se félicitaient – à juste titre – de la célérité et de la rigueur avec lesquelles avaient été menées les actions de confinement de tous ceux qui avaient approché la première personne décédée. Le deuxième décès qui est survenu mardi concerne un infirmier de 25 ans, employé à la polyclinique Pasteur. Le jeune homme aurait été contaminé en soignant un imam guinéen qui est arrivé à Bamako en provenance de Kourémalé (du côté guinéen).
L’homme de religion aurait même séjourné dans une famille habitant un quartier de la Commune IV avant d’être admis dans des conditions encore non élucidées à la polyclinique où il décédera le 27 octobre dernier. Son corps a été rapatrié dans son pays. Mais le plus inquiétant, à ce niveau, c’est que le cadavre a transité par une mosquée de Djicorini Para pour la toilette mortuaire.
La part notable de zones d’ombre qui subsiste encore alimente de nombreux commentaires et, ne le cachons pas, de fortes inquiétudes. Certaines sources médicales affirment que c’est grâce à la collaboration de la partie guinéenne qu’il a été possible d’apprendre que le défunt imam était un cas suspect et qu’il avait lui-même avait enregistré des morts d’Ebola dans sa famille en Guinée. Une fois en possession de ces informations, la direction nationale de la Santé a actionné le mécanisme de surveillance des cas suspects. C’est ainsi qu’une équipe médicale a été envoyée sur place pour procéder à des prélèvements sur l’homme qui avait assuré les soins infirmiers de l’imam guinéen.
Soucieux de ne pas laisser le champ libre aux rumeurs et de donner le maximum d’informations disponibles sur la situation, le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique a animé hier une conférence de presse pour s’expliquer sur les investigations faites pour confirmer la présence d’Ebola chez le défunt infirmier, mais aussi sur les autres mesures prises. Ces mesures concernent le confinement de la polyclinique Pasteur et de la famille de l’infirmier ainsi que les dispositions prises pour répertorier les autres contacts suspects.
La conférence était animée par le secrétaire général du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, le Pr Ousmane Doumbia, le représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Dr Ibrahima Socé Fall et le directeur général du Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (CNAM), également président de l’équipe d’intervention rapide sur le terrain contre Ebola, le Pr Samba Ousmane Sow.
D’entrée de jeu, ce dernier a expliqué que l’imam guinéen aurait été reçu, selon les informations données par la polyclinique Pasteur, dans un tableau d’insuffisance rénale aigüe. Le malade, toujours selon la polyclinique, ne présentait alors aucun symptôme évocateur de la maladie d’Ebola. Le Pr Samba Ousmane Sow a aussi indiqué que les prélèvements effectués sur l’infirmier ont été analysés quatre fois pour éviter toute erreur possible. Les résultats obtenus ont été également envoyés pour confirmation à d’autres laboratoires à l’étranger avec les mêmes courbes.
Deux graves questions se posent. Tout d’abord, les journalistes présents se sont indignés de voir un tel cas suspect échapper au cordon sanitaire établi au niveau de la frontière guinéenne. Sur la question, le secrétaire général du département de la Santé et de l’Hygiène publique a rappelé que la notion de cas suspect est définie et règlementée par l’Organisation mondiale de la santé. Le Pr Ousmane Doumbia a expliqué qu’en la circonstance les mesures édictées en matière de détection ont été respectées.
La deuxième question s’impose d’elle-même. N’y a-t-il pas eu une négligence coupable de la polyclinique Pasteur ? Le secrétaire général du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique a expliqué que son département entend gérer sereinement et sans passion la situation. « Nous allons pousser plus loin nos investigations et au regard des dispositions règlementaires, si faute il y a, des mesures s’imposeront », a-t-il fait savoir.
Pour notre part, nous pensons que l’établissement de soins incriminé aurait dû être alerté par le fait que le patient qu’il avait accueilli venait et avait séjourné en Guinée. Outre l’information à faire remonter aux autorités sanitaires, la polyclinique Pasteur aurait dû prendre les précautions nécessaires pour préserver son personnel soignant, mais aussi les malades et autres usagers.
LES PRÉCAUTIONS NÉCESSAIRES. Le représentant de l’OMS a souhaité une bonne collaboration des journalistes dans la lutte contre Ebola.
Il faut éviter les informations sensationnelles, a-t-il souhaité. La presse doit continuer à donner des informations utiles sur les mesures de préventions contre la fièvre hémorragique. Ceci est important dans la lutte contre ce fléau, a relevé le patron de l’organisme onusien. La recommandation de ce dernier ne souffre d’aucune discussion, car il est indispensable de bloquer la montée de la psychose et d’apaiser nos compatriotes qui veulent avoir le cœur net sur les dispositions pratiques en cours pour éviter une propagation de la maladie à virus Ebola.
Il ressort des informations générales distillées à la presse que la polyclinique en cause a été confinée avec à l’intérieur plus d’une trentaine de personnes, malades et soignants compris. Le secrétaire général du département a expliqué que 45 personnes se retrouvent mises en observation dans la famille de l’infirmier décédé. Par ailleurs, 16 malades ayant été en contact avec le défunt ont été répertoriés et le département a pris les dispositions pour identifier aussi les contacts de ces malades.
Aujourd’hui, lorsqu’on écoute les avis qui se font entendre dans la rue bamakoise, l’on sent monter un début de panique. Les personnes avec lesquelles nous échangeons se demandent s’il n’est pas nécessaire d’envisager la fermeture des établissements scolaires de la capitale pour au moins 21 jours ; s’il ne faut pas interdire les regroupements publics d’importance. Obnubilés par la recherche de la sécurité et soucieux avant tout de voir circonscrite une éventuelle propagation de la maladie dans la capitale malienne, nos compatriotes donnent l’impression de ne pas être opposés à des mesures fortes.
Les autorités sanitaires n’iront certainement jusqu’à celles-ci. Mais aujourd’hui, la situation épidémiologique d’Ebola dans notre pays remet sur le tapis un certain nombre de questionnements. Notamment sur la meilleure manière d’aplanir les insuffisances du dispositif du dispositif de contrôle et sur la nécessité de veiller à l’observation de précautions élémentaires dans tous les établissements de santé, y compris ceux du secteur privé. De ces questions là, nous ne ferons pas l’économie après ce deuxième décès causé par la fièvre hémorragique.
B. DOUMBIA