Considérée, il y a peu, comme la principale pourvoyeuse du Trésor public en argent frais, la douane n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les déficits, dans le recouvrement des droits et taxes, se succèdent, mois après mois. D’ici la fin de l’année, ils avoisineront 60 milliards CFA. Une première au sein de l’administration des douanes.
Sur les 45,1 milliards CFA attendus, le 31 octobre dernier, la direction générale de la douane n’a réalisé que 12 milliards CFA. Soit un déficit de 33,1 milliards CFA. Gênée par cette contre-performance, la direction générale de la douane a poursuivi les recouvrements au-delà de la date prévue pour l’arrêt des écritures comptables : 05 novembre. Histoire sans doute de montrer, au ministère de tutelle qu’elle peut faire mieux.
Mais coup de théâtre : jusqu’au lundi 10 novembre, aux environs de 17 heures, les choses n’ont pas évolué. Du moins, comme la direction générale de la douane l’espérait. Les recettes étaient estimées à 15,8 milliards CFA. Et ce, après 41 jours de recouvrement. Selon nos informations, le déficit pour le seul mois d’octobre oscillera entre 17 et 18 milliards CFA.
Pour l’année en cours, l’objectif de recettes, fixé à la douane par le gouvernement et le FMI, est de 385 milliards CFA. Mais à l’allure où vont les choses, cet objectif ne sera pas atteint. A en croire nos sources, le déficit global, dans le recouvrement des droits et taxes, avoisinera 60 milliards CFA. Une première dans l’administration de la douane.
Sous les colonels Amadou Togola et Modibo Maïga, prédécesseurs de l’inspecteur général Moumouni Dembelé, actuel directeur général de la douane, la douane s’est toujours montrée à hauteur de mission. Les recettes se chiffraient, au bas mot, à 35 milliards CFA par mois. Avec des pics de 37, voire 38 milliards CFA. Sans « anticipations ». C’est-à-dire les droits et taxes perçus sur les marchandises n’ayant pas encore franchi le cordon douanier. Bien plus, sous les colonels Amadou Togola et Modibo Maïga, la douane a, toujours, dépassé ses objectifs de recettes de plusieurs milliards de nos francs.
Mais depuis près de deux ans, la douane cumule les contre-performances. Au grand dam du Trésor public, qui peine à faire face à ses charges. Surtout, après la suspension de tous les programmes budgétaires destinés à notre pays, par le FMI et la Banque mondiale, suite à l’achat du Boeing présidentiel.
L’origine des contre -proformances
A l’origine de ces contre-performances, la mauvaise gestion du personnel doublé d’un mauvais management. « Tous les cadres de la douane, susceptibles d’améliorer les recettes sont affectés à des tâches subalternes, au profit de ceux qui ne travaillent que pour leurs poches », déplore un haut cadre de la direction générale. Avant d’ajouter, déçu : « Jamais la douane malienne n’est tombée aussi bas ».
Un seul exemple : les containers qui devraient être dédouanés à 8 millions CFA l’est à 3 millions CFA. Seulement. On peut multiplier, à souhait, ces exemples. Qui ont précipité la douane dans l’agonie.
S’y ajoutent le mécontentement des opérateurs économiques et des transitaires. Lesquels accusent la direction générale de la douane de « discrimination » dans le traitement des dossiers. « Certains opérateurs économiques sont favorisés, d’autres sont défavorisés », indique un transitaire qui a requis l’anonymat. Et de conclure : « Tant que la douane fonctionne ainsi, ses recettes ne seront pas à hauteur de souhait ».
Si rien n’est fait pour inverser cette tendance, les prochains mois seront durs, très durs, pour le Trésor public. Un déficit de 60 milliards CFA dans une administration comme celle de la douane, c’est trop. Beaucoup trop. Surtout, pour un pays comme le nôtre. Surtout, pour un pays comme le nôtre, et dans le contexte actuel.
Oumar Babi