L’attribution de la 3e licence à Planor Afrique revient au devant de la scène judiciaire. Le Pôle économique s’en est saisi. L’heure est aux enquêtes préliminaires. Des personnes sont entendues en qualité de témoins.
Plus d’une année après sa cession à 55 milliards de F CFA à Planor-Afrique d’Apollinaire Compaoré, dans des conditions décriées en son temps par un rapport du Bureau du Vérificateur général (BVG), la justice malienne est entrée dans la danse. Le procureur général près le Pôle économique et financier a ouvert une information judiciaire, qui consiste à savoir s’il y a eu "délit de favoritisme" dans l’attribution de ladite licence, comme il a été mentionné par le Végal Amadou Ousmane Touré dans son rapport.
Les enquêtes préliminaires ont commencé par l’audition en tant que témoins de quelques personnalités proches du dossier. La première personnalité à être entendue par la brigade de recherche du Pôle économique est Bréhima Tolo, ministre des Télécommunications, des Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication (Ntic) sous la transition. D’autres personnes membres de la Commission technique d’appui (CTA) composé des cadres de départements ministériels qui avaient un avis consultatif pour l’attribution de la licence, ont été également entendues à ce jour. Le président du Syndicat libre de la magistrature (Sylima), Adama Yoro Sidibé, membre de la CTA, en sa qualité de conseiller technique au ministère du Commerce, de l’Industrie et des Mines au moment des faits, que nous avons pu joindre a bien précisé qu’il s’agit bien d’une enquête préliminaire et non d’interpellation judiciaire. Mais il a fait savoir qu’il n’a nullement reçu une convocation pour être écouté à cet effet.
Lumière sur les conditions d’octroi de la 3e licence
L’enquête sur le délit de favoritisme vise à mettre la lumière sur les conditions d’octroi de la 3e licence à Planor-Afrique, conformément à l’article 49 du code des marchés publics. La direction générale des marchés publics (DGMP) dont le DG doit être aussi entendu de même que le gouvernement de la transition, qui a attribué la licence par entente directe au conseil des ministres, ont leur interprétation du fameux article 49, qui admet "qu’un marché peut être conclu par entente directe en cas d’urgence". L’interprétation faite entend par urgence, le fait que le Mali était en guerre contre les terroristes qui venaient d’attaquer Konnan et qu’il fallait rapidement attribuer la 3e licence pour renflouer les caisses de l’Etat. Cette thèse est loin d’être partagée par des financiers qui croient plutôt à une bande de mafia organisée.
Le gendarme enquêteur va chercher à comprendre si l’urgence pouvait écarter la possibilité de juger l’appel d’offre infructueux et lancer un nouvel appel d’offre. Dans cette affaire, Planor-Afrique était dans un groupement avec Cesse Teknotélécom à raison de 33 milliards de F CFA pour Planor-Afrique et 22 milliards de F CFA pour Cesse. Celui-ci a été écarté dans des conditions jugées opaques après avoir été déclaré défaillant. C’est là que le délit de favoritisme prend tout son sens avec son lot de pots de vins distribués entre des membres de l’ex-junte militaire et du gouvernement de transition et surtout le fait d’avoir ignoré la reprise de l’appel d’offre.
Depuis l’attribution définitive de la 3e licence marquée par le paiement total des 55 milliards de F CFA en 2013, Planor-Afrique qui a pris le nom commercial d’Alpha Télécom Mali (Atel- Mali), n’a à ce jour réalisé aucun investissement pour son installation dans notre pays. Selon des informations, il cherche encore à signer un contrat avec un équipementier.
Moussa T. Touré