A peine descendu de voiture, le
président malien se lave consciencieusement les mains, pour donner l'exemple
face à un ennemi insaisissable. Dans le Sud, frontalier de la Guinée, ce n'est
plus la résurgence jihadiste qui menace, mais Ebola, qui a fait quatre morts
dans le pays.
Sur un ruban de bitume, le cortège de dizaines de véhicules officiels s'est
arrêté à Kourémalé (120 km au sud de Bamako), à cheval sur la frontière avec
la Guinée, où habitait un imam guinéen dont le décès dans une clinique de la
capitale malienne a entraîné la mise sous surveillance de plus de 570
personnes.
Le président Ibrahim Boubacar Kéita harangue ensuite les médecins et
infirmiers maliens assis sous une tente: "Ne laissez personne franchir la
frontière sans prendre sa température, restons vigilants pour vaincre Ebola".
Le personnel médical acquiesce. "Dans notre nouveau dispositif, les
véhicules venant de Guinée sont désinfectés. On prend systématiquement la
température des passagers", explique le chef d'équipe, le Dr Mamoute Diarra.
Sur des murs, des messages de prévention: "Ebola est une maladie craintive
(sic), faisons très attention", "Conjuguons nos efforts pour faire face à
Ebola qui tue", ou encore "Attention ! Prenez toutes les précautions pour que
la maladie ne s'installe pas".
"Dans le nord du Mali, nous avons des problèmes avec des rebelles et des
islamistes", remarque Malick Kanté, le représentant local du Conseil national
des jeunes du Mali (CNJ), qui participe à l'opération de sensibilisation.
"Ici au Sud, maintenant, c'est Ebola qui veut nous empêcher de dormir. De
part et d'autre, la lutte doit être implacable", affirme-t-il,précisant que
150 jeunes Maliens de Kourémalé sont mobilisés pour cette campagne.
Chaque matin, des volontaires donnent un coup de main aux médecins, chargés
des contrôles à la frontière. D'autres jeunes circuleront à moto dans les
environs de la ville, pour surveiller les possibles entrées clandestines de
malades venant de Guinée.
- 'Magouilles à la frontière' -
Du côté sud de la ville, plusieurs dizaines de Guinéens se sont agglutinés
pour accueillir le chef de l'Etat malien.
"Nous, nous avons vraiment peur d'Ebola, mais nous avons aussi peur de voir
les frontières se fermer", confie Ali Kourouma, un jeune chômeur guinéen. Son
voisin partage la même angoisse, bien que M. Kéita ait catégoriquement exclu
une telle mesure.
Issa Camara chauffeur de taxi guinéen, s'inquiète de son côté pour ses
affaires. Depuis le renforcement des contrôles à la frontière, il n'a plus de
passagers.
Non loin de lui, un policier local sanglé dans une tenue de cérémonie
explique que parmi les mesures prises pour renforcer les contrôles, figure "la
fermeture de plusieurs points de passage entre les deux pays. Seul le
principal poste frontalier de Kourémalé restera ouvert".
Il dénonce "plusieurs magouilles" qui ont permis à l'imam guinéen, déjà
manifestement malade, de franchir la frontière.
Décédé le 25 octobre à la clinique Pasteur à Bamako, le vieil homme a
contaminé un de ses proches et un infirmier, morts eux aussi, tandis qu'un
médecin de l'établissement a été contaminé.
Selon une autre source policière, "à la frontière de Kourémalé, dans une
clinique de Kourémalé, et à Bamako, des complices à cause d'une affaire
d'argent ont aidé le vieux Guinéen".
Une fillette décédée d'Ebola à Kayes (ouest), le premier cas signalé au
Mali, mais qui n'a pas entraîné de contamination, est entrée dans le pays par
la même frontière, selon les autorités.
Une information judiciaire a été ouverte lundi soir.
"Mais pour nous ici, l'heure est à la lutte sans merci contre la maladie",
a souligné le ministre de la Santé Ousmane Koné, faisant état de "577
personnes non infectées à ce stade mais ayant pu avoir des contacts avec des
porteurs du virus en observation" et appelant à la vigilance.
Un terme également martelé par le président Kéita lors d'un meeting devant
quelques milliers de ressortissants maliens et guinéens pour clore sa visite."
"Nous allons vaincre Ebola", a-t-il assuré, "mais cela va dépendre de notre
mobilisation, de notre détermination".
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