Kourémalé (Mali) - A peine descendu de voiture, le président malien se lave consciencieusement les mains, pour donner l'exemple face à un ennemi insaisissable. Dans le Sud, frontalier de la Guinée, ce n'est plus la résurgence jihadiste qui menace, mais Ebola, qui a fait cinq morts dans le pays.
Sur un ruban de bitume, le cortège de dizaines de véhicules officiels s'arrête à Kourémalé (120 km au sud de Bamako), à cheval sur la frontière avec la Guinée, où habitait un imam guinéen dont le décès a entraîné la mise sous surveillance de la quasi totalité des 554 contacts potentiels identifiés, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Le président Ibrahim Boubacar Kéita harangue ensuite les médecins et infirmiers maliens assis sous une tente: "Ne laissez personne franchir la frontière sans prendre sa température, restons vigilants pour vaincre Ebola".
Le personnel médical acquiesce. "Dans notre nouveau dispositif, les véhicules venant de Guinée sont désinfectés. On prend systématiquement la température des passagers", explique le chef d'équipe, le Dr Mamoute Diarra.
Sur des murs, des messages de prévention: "Ebola est une maladie craintive (sic), faisons très attention", "Conjuguons nos efforts pour faire face à Ebola qui tue", ou encore "Attention ! Prenez toutes les précautions pour que la maladie ne s'installe pas".
"Dans le nord du Mali, nous avons des problèmes avec des rebelles et des islamistes", remarque Malick Kanté, le représentant local du Conseil national des jeunes du Mali (CNJ), qui participe à l'opération de sensibilisation.
"Ici au Sud, maintenant, c'est Ebola qui veut nous empêcher de dormir. De part et d'autre, la lutte doit être implacable", affirme-t-il, précisant que 150 jeunes Maliens de Kourémalé sont mobilisés pour cette campagne.
Chaque matin, des volontaires donnent un coup de main aux médecins, chargés des contrôles à la frontière. D'autres jeunes circuleront à moto dans les environs de la ville, pour surveiller les possibles entrées clandestines de malades venant de Guinée.
- 'Magouilles à la frontière' -
Du côté sud de la ville, plusieurs dizaines de Guinéens se sont regroupés pour accueillir le chef de l'Etat malien.
"Nous, nous avons vraiment peur d'Ebola, mais nous avons aussi peur de voir les frontières se fermer", confie Ali Kourouma, un jeune chômeur guinéen. Son voisin partage la même angoisse, bien que M. Kéita ait catégoriquement exclu une telle mesure.
Issa Camara chauffeur de taxi guinéen, s'inquiète pour ses affaires. Depuis le renforcement des contrôles à la frontière, il n'a plus de passagers.
Non loin de lui, un policier local, sanglé dans une tenue de cérémonie, explique que parmi les mesures prises pour renforcer les contrôles, figure "la fermeture de plusieurs points de passage entre les deux pays. Seul le principal poste frontalier de Kourémalé restera ouvert".
Il dénonce "plusieurs magouilles" qui ont permis à l'imam guinéen, déjà manifestement malade, de franchir la frontière.
Décédé le 27 octobre à la clinique Pasteur à Bamako, le vieil homme a contaminé un infirmier, mort le 11 novembre, ainsi qu'un médecin de l'établissement. Un ami de l'imam venu lui rendre visite et une personne habitant une maison de Bamako où il a transité sont également décédés, selon les autorités sanitaires.
Selon une autre source policière, "à la frontière de Kourémalé, dans une clinique de Kourémalé, et à Bamako, des complices à cause d'une affaire d'argent ont aidé le vieux Guinéen".
Une fillette décédée d'Ebola à Kayes (ouest), le premier cas signalé au Mali, mais qui n'a pas entraîné de contamination, est entrée dans le pays par la même frontière, selon les autorités.
Une information judiciaire a été ouverte lundi soir.
"Mais pour nous ici, l'heure est à la lutte sans merci contre la maladie", a souligné le ministre de la Santé Ousmane Koné, appelant à la vigilance.
Un terme également martelé par le président Kéita lors d'un meeting devant quelques milliers de ressortissants maliens et guinéens pour clore sa visite."
"Nous allons vaincre Ebola", a-t-il assuré, "mais cela va dépendre de notre mobilisation, de notre détermination".
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