L’intervention armée de la CEDEAO pour libérer le nord du Mali pose problème dans l’armée malienne. Après le coup de sang de son porte-parole Bakary Mariko, qui s’opposait à toute venue des troupes de la CEDEAO, le capitaine Sanogo lui-même s’est voulu assez rassurant: sans rejeter le principe de l’intervention de la CEDEAO, il l’a cantonnée aux seuls cas où l’armée aurait besoin d’aide. Depuis lundi dernier, il semble que l’armée ait finalement mis de l’eau dans son vin et admis que les troupes de la CEDEAO utilisent Bamako comme base stratégique. On aura compris toutefois que cette concession de l’armée n’a été faite que du bout des lèvres…
En fait, l’arrivée des troupes de la CEDEAO comporte des dangers pour le capitaine Sanogo et ses hommes.
Le premier, c’est qu’ils n’ont aucune chance de garder le contrôle des opérations militaires alors que leur but est, au contraire, de diriger la guerre et de réduire la CEDEAO à un soutien logistique et aérien.
Le second danger, c’est que la troupe de la CEDEAO, qui sera probablement dirigée par un général nigérian et financée par les puissances occidentales, n’aura recours, pour faire la guerre, qu’à des officiers maliens hautement qualifiés; or ces officiers se rencontrent, en général, parmi les colonels et généraux ayant gagné leurs galons sous Alpha ou ATT et dont, par conséquent, se méfie le capitaine Sanogo.
Troisième danger pour le chef du CNRDRE: une fois les régions du nord reconquises, les chefs d’Etat de la CEDEAO pourraient vouloir dicter leur loi politique au Mali. Or ces chefs d’Etat, qui ne sont que des porte-parole de l’ONU et de l’Occident, veulent un retour total de l’armée malienne dans les casernes, la dissolution du CNRDRE et la transmission de la réalité du pouvoir au président civil. Chacun sait que quoique président et Premier ministre en titre, Dioncounda et Cheick Modibo Diarra subissent la loi de l’armée; d’ailleurs, même après la future élection présidentielle, la réalité du pouvoir n’échappera pas à l’armée qui n’a quitté officiellement Koulouba que pour mieux l’occuper…en douce. Et si, à la faveur de la présence de ses troupes au Mali, la CEDEAO décidait d’imposer ses vues politiques par la force ? L’armée malienne pourrait-elle lui résister ?
Enfin, une victoire militaire de la CEDEAO au nord donnera l’occasion à ses chefs d’Etat d’imposer au Mali un schéma de règlement politique qui pourrait aller jusqu’au fédéralisme. On sait que le MNLA (mouvement séparatiste) a été créé de toutes pièces par Paris et équipé par la Mauritanie pour lutter contre AQMI et moyennant la promesse d’une large autonomie du noerd-Mali; on sait aussi que c’est avec la bénédiction française que Blaise Compaoré a sauvé de la mort le chef du MNLA, Bilal Ag Chérif, afin, le moment venu, de l’imposer comme interlocuteur du gouvernement malien. En somme, les connexions entre la France, le Burkina, la Mauritanie et le MNLA sont telles que la CEDEAO pourrait, après la victoire militaire, imposer au Mali un Accord qui, au lieu d’éteindre pour de bon la rébellion, ne ferait que l’étouffer pour un court laps de temps.
C’est en raison de tous ces périls que Sanogo voulait les armes de la CEDEAO mais pas les soldats. Malheureusement pour lui, le Mali, dont l’armée se trouve en piteux état, n’est plus à même de faire prévaloir sa volonté.