Prévue pour consacrer l’élaboration d’un préaccord puis un accord définitif qui sera signé ensuite à Bamako entre le gouvernement malien et les groupes armés du nord, la 3è phase des pourparlers d’Alger s’est terminée en queue de poisson, par la faute des rebelles. Les jeunes de seconde main, envoyés par les chefs rebelles (ils ont tous brillé par leur absence à Alger) sans feu vert de décision, se sont montrés non seulement vulgaires et arrogants à l’égard des autorités et du régime, traités de tous les noms d’Israël, mais aussi strictement fidèles à leur mandat de sabotage en se cramponnant bec et ongle sur leur idée de fédéralisme, donc de partition du Mali. Conséquence : la Médiation a cassé les travaux, renvoyé les parties et fixé la reprise des discussions à janvier 2015 avec comme message fort la convention coûte que coûte d’un accord de paix. Film d’un plan de sabotage programmé et savamment exécuté.
Lorsque les deux parties se quittaient à la fin de la 2è phase des pourparlers d’Alger en fin octobre dernier, la délégation gouvernementale et les groupes armés s’étaient vu remettre par la Médiation un document intitulé « Eléments pour un Accord pour la Paix et la Réconciliation». Toutes les parties devaient aller étudier le texte avec leur base et présenter leurs commentaires à la 3è phase. S’il n’y a pas d’objections majeures sur le fond, de nature à remettre en cause le processus de paix, il sera procédé à l’élaboration d’un préaccord puis un accord définitif à signer au Mali.
C’est ainsi que le 19 novembre dernier, les belligérants se sont retrouvés à Alger pour des « négociations » qui ont démarré le lendemain 20 novembre.
Mais, faudrait-il rappeler qu’il y avait trois niveaux d’interlocuteurs. Tout d’abord, l’Equipe de Médiation comprenant outre l’Algérie (chef de file), la Cedeao, l’Union africaine, l’Union européenne, l’OCI, l’ONU, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad. Elle est coordonnée par Ramtane Lamamra, ministre algériens des Affaires étrangères.
Il y a ensuite, la délégation gouvernementale qui comprend des membres du gouvernement, des experts et le Haut Représentant du chef de l’Etat et son équipe. Elle est conduite par Abdoulaye Diop, ministre des affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la coopération internationale.
Il y a enfin, les mouvements armés divisés en deux groupes. En premier lieu, la Coordination des mouvements de l’Azawad qui comprend le Mnla, Hcua et le MAA, en majorité des Arabes et Tamasheq de Kidal. En second lieu, la plateforme qui renferme la Cmpfr, le MAA dissident, la CPA, la CPS, et des experts en défense-sécurité, développement et décentralisation. La Plateforme est dirigée par Me Harouna Toureh et est composée de Peuls, Sonrhaïs, Bellah, Tamasheq et Arabes des régions de Tombouctou, Gao et Kidal.
A la cérémonie d’ouverture, toutes les parties étaient représentées dans la salle et ont pris la parole pour intervenir.
Déjà à ce niveau le représentant de la Coordination a évoqué le fédéralisme, causant une première entorse aux négociations.
Prenant la parole, le représentant de la Plateforme a refusé d’utiliser les mots qui fâchent et a tendu la main à la Coordination pour aller à la paix.
Au nom de la délégation gouvernementale, le ministre Abdoulaye Diop a fait un discours d’apaisement.
Enfin, la Médiation a naturellement appelé les Maliens à une paix des braves sans laquelle tout développement est impossible, surtout pour les régions du nord du Mali.
Des idées figées : Fédéralisme, Azawad
Ensuite, vinrent les séances de rencontres tripartites Médiation-Gouvernement-Coordination ou Médiation-Gouvernement-Plateforme. C’est dire que la Coordination et la Plateforme ne s’assoient jamais à la même table et le gouvernement et la Médiation sont toujours présents.
Le premier face à face, ce fut avec la Coordination des mouvements armés, installée à la gauche de l’équipe de Médiation.
D’entrée de jeu, les rebelles mettent sur la table leur idée de fédéralisme montrant du coup qu’ils n’ont eu cure du document sur « Eléments pour un Accord pour la Paix et la Réconciliation» dont l’étude avait été ajournée à leur demande un mois plus tôt. Les messagers de Intallah étaient venus avec des idées figées qui ont pour noms fédéralisme, République de l’Azawad, marginalisation des régions du nord, police territoriale etc. Malheureusement, le médiateur en chef les a suivis dans leur démarche au lieu de les arrêter et leur signifier qu’ils sont hors sujet. Ramtane Lamamra a passivement contribué au blocage depuis ce premier round.
Ce fut ensuite, le tour de la Plateforme de rencontrer la Médiation et le gouvernement (toujours placé à droite de celle-là). Les amendements sur plusieurs points du document « Eléments pour un Accord pour la Paix et la Réconciliation» ont été versés à l’équipe de la Médiation. Mais là aussi, le débat a été houleux à propos du terme « Azawad ». Les gens du MAA dissident ont défendu le maintien dans le futur accord de ce terme qui voudrait juste signifier une zone géographique, à l’image du Macina, du Kounari, du Guimballa, du Farimaké, du Kénédougou, du Bélédougou, du Wassoulou, du Mema. Mieux, soutiennent-ils, le mot Azawad est contenu dans tous les accords passés. Arguments contre arguments, au bout, les protagonistes ont convenu de retenir l’expression : « que certains appellent Azawad ».
Par contre, l’expression « Police territoriale » a été rejetée pour « Police municipale », avec cependant assez de garde-fous pour ne pas la confondre avec la police nationale.
Le récapitulatif montre un blocage net du côté de la coordination et un semi blocage avec la Plateforme qui a aussi beaucoup critiqué les forces de l’ordre et de sécurité maliennes ainsi que la gouvernance politique.
Ayant constaté la détérioration de la situation, l’équipe de la Médiation dépêche des émissaires pour rencontrer les deux parties et adoucir les positions. C’est d’ailleurs en ce moment que la vice-présidente aux affaires aux Nations unies a débarqué à Alger pour exiger que les parties aillent à la paix. Dans son plaidoyer, l’Américaine a mis en avant la lutte contre le terrorisme, qui, selon elle, ne pourra jamais aboutir sans la paix le nord du Mali et la bande sahélo-saharienne.
Les rebelles sabotent…
Elle a aussi eu le courage de dire que l’idée du fédéralisme n’est pas du tout bonne et saurait être envisageable dans le cas malien. « Le système de fédération est applicable aux USA, mais pas au Mali où le taux d’alphabétisation est faible », aurait-elle défendu.
C’est après tout ce travail de coulisse qu’une seconde rencontre avec la Coordination fut fixée. Et tout le monde espérait qu’on parviendrait dans les jours suivants à l’accord tant attendu. Mais, c’était compter sans la ferme détermination des rebelles à saboter les pourparlers.
En effet, au lieu de revenir à la raison et avec des propositions réalistes et réalisables, la Coordination vient carrément munie d’un document entièrement dédié au fédéralisme et portant Statut de l’Azawad. En fait, il s’agit du projet de traité de fédéralisme qu’elle brandissait depuis la phase inaugurale. Ce document consacre la partition du pays, avec la Fédération du Mali formée de l’Etat fédéré de l’Azawad et de l’Etat fédéré du Mali. Au terme de ce projet, l’Azawad englobe les limites territoriales administratives actuelles des régions de Tombouctou, Gao, Kidal, et une partie de la région de Mopti, plus précisément les arrondissements de Boni et Hombori dans le cercle de Douentza. Ce n’est pas tout. L’Etat fédéré de l’Azawad s’administre librement à travers un gouvernement dirigé par un président élu au suffrage indirect par les Assemblées régionales de l’Azawad ; un Parlement chargé de voter les lois qui seront appliquées sur le territoire de l’Etat fédéré ; un organe judiciaire en charge de rendre la justice sur tout le territoire de l’Etat de l’Azawad.
Les domaines relevant de la compétence exclusive de l’Etat fédéré de l’Azawad sont énumérés comme suit : l’environnement, la culture, l’administration territoriale, la sécurité intérieure, le maintien de l’ordre, la protection civile, l’aménagement du territoire, le budget territorial, la fiscalité locale, le développement social et économique, la protection sociale, l’éducation, la santé, le commerce, les transports, l’agriculture, l’élevage, les mines, la pêche , les industries, l’artisanat, le tourisme, le logement, l’aménagement urbain, l’eau et l’électricité, le réseau routier et l’équipement.
Mieux, les forces armées et de sécurité de l’Azawad sont constituées des combattants de mouvements de l’Azawad et/ou de ressortissants issus des populations de l’Azawad.
Pour les besoins du fonctionnement adéquat de l’Administration Générale de l’Etat de l’Azawad, est créée une fonction publique de l’Etat de l’Azawad dont les agents seront des fonctionnaires originaires de l’Azawad et issus des recrutements si nécessaires.
Bref, les rebelles ne proposent rien de bon pour l’avenir de l’Etat unitaire du Mali.
C’était le coup de trop. Le ministre Abdoulaye Diop prend ses responsabilités pour dire qu’il n’est pas mandaté pour discuter d’un quelconque fédéralisme, à fortiori d’un statut de l’Azawad.
Des médiateurs complices, des ministres muets
La Médiation non plus. Convaincue que la Coordination est blottie dans une logique de sabotage, la Médiation décrète l’arrêt des pourparlers. Elle convoque séparément chaque partie, dans l’ordre la Plateforme, la Coordination et la délégation gouvernementale. Elle remet à chacune un document intitulé « Projet d’un accord pour la paix et la réconciliation », à effet de revenir au mois de janvier avec des propositions concrètes aux fins d’élaboration d’un accord définitif. « OBLIGATOIREMENT », aurait précisé d’un ton très ferme, le médiateur en chef Ramtane Lamamra.
Aux groupes armés, le ministre algérien a passé deux messages forts : revenir avec une délégation de 3 personnes maximum par groupe et avec des délégués ayant pouvoir absolu de décider sans devoir en référer à qui que ce soit. Parce que, dit-il, il n’y aura pas de « prochaine fois » en dehors de la signature officielle du futur accord au Mali.
Les parties furent libérées et priées de quitter le territoire algérien.
Il convient cependant de revenir sur un aspect qui a fondamentalement marqué cette 3è phase des négociations d’Alger : pendant la deuxième rencontre avec la Coordination, les rebelles ont versé tout leur venin sur les autorités maliennes, l’Etat, le régime et IBK, au vu et au su du Médiateur algérien et dans la plus grande passivité des ministres Diop et Sada Samaké. Malversations, magouilles, détournements, vols, surfacturations, trafic de drogue, corruption à grande échelle au sein de la police, de la gendarmerie, de la garde et de la justice, mal gouvernance, insécurité, Boeing 737, chaussettes achetées à 10 000F/la paire, etc. le tout sur fond d’injures (parfois grossières), tout y est passé dans la bouche de ces rebelles, vulgaires et arrogants.
Au lieu de les stopper net et leur montrer qu’ils dévient du sujet, le coordinateur de la Médiation a laissé les rebelles vomir sous le regard acquiescent des autres membres de la médiation, notamment les Algériens qui se marraient sans retenue à chaque invective des bandits. C’est de la complicité flagrante.
Mais, ce que certains observateurs condamnent, c’est que ni le ministre Abdoulaye Diop (chef de la délégation gouvernementale), ni son collègue de l’intérieur, Sada Samaké (tous insultés…) n’ont levé le petit doigt pour réagir, rétablir la vérité et remettre les « vagabonds » dans leurs petits souliers.
Autant, le ministre Diop a été héroïque dans son refus à engager les négociations sur une quelconque partition du Mali, autant, il aurait péché en s’abstenant de défendre l’honneur du gouvernement malien.
Sékou Tamboura