C’est sous une forte pression de la communauté internationale que le ministre de la Défense, Yamoussa Camara, a déclaré, ce samedi 22 septembre à Abidjan, que le Mali accepte le déploiement de la CEDEAO à Bamako. Cette déclaration fait suite à son entretien avec le président en exercice de la CEDEAO, Alassane Dramane Ouattara (ADO). Jusque-là, les autorités maliennes refusaient toujours que des forces étrangères s’installent à Bamako. Mais elles ont fini par accepter un déploiement « discret » de la CEDEAO dans la capitale.
Le ministre malien des Affaires étrangères Tieman Coulibaly (gauche) et le ministre malien de la Défense Yamoussa Camara (droite), lors de la réunion de la Cédéao à Abidjan le 17 septembre 2012.
Arrivé le vendredi dernier à Abidjan, le ministre malien de la Défense a transmis le message du Président Dioncounda Traoré à ADO. La veille, il avait déjà reçu la réponse du président ivoirien à sa demande d’intervention de la CEDEAO pour reconquérir le Nord du Mali. Mais la CEDEAO exigeait la présence de forces ouest-africaines à Bamako pour assurer la coordination des opérations dans le Nord, une proposition qui que le Mali avait rejetée. Aux dires du ministre malien de la Défense, la méfiance viendrait non pas des autorités, mais des populations maliennes qui, selon lui, restent très attentive à ce déploiement d’une force militaire étrangère au Mali. Selon certaines indiscrétions, le déploiement « discret » de cette force de la CEDEAO à Bamako permettra d’installer une représentation de cette force seulement dans la capitale. Mais au lieu d’être cantonné dans le Sud du pays, le reste de cette force ira au Nord pour récupérer les régions du Nord occupées par les rebelles armés, mais sous la coordination de l’armée malienne. Le 27 juillet dernier déjà, la CEDEAO avait décidé de bloquer une cargaison d’armes destinée au Mali dans le port de Conakry. Cette mesure a choqué les Maliens et alimenté une certaine suspicion sur les motivations de la CEDEAO et sa bonne volonté à sortir le Mali de sa crise. Ces dernières semaines, cette question a été évoquée lors des nombreuses réunions de l’organisation ouest-africaine, et elle pourrait bien avoir trouvé une solution : d’où ce changement de ton venant des autorités maliennes.
Revirement de situation
Pour la CEDEAO, la normalisation de la situation au Nord-Mali passe par la résolution de la crise politique au Sud du Mali. Dans les capitales ouest-africaines et les chancelleries « occidentales », on pense aujourd’hui que le Mali est loin d’une sortie de crise qui se poursuit au contraire avec les sorties inattendues et intempestives du l’ex-chef de l’ex-junte militaire. ATT avait été renversé suite à un « vrai faux coup d’Etat » et le Capitaine Sanogo pense toujours qu’il est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Cette prétention au pouvoir se base sur un motif fallacieux : ses compagnons (du putsch) font partie d’une armée qui entend avoir les moyens militaires de reconquérir le Nord, soutient-il. Un Nord que des éléments de cette même armée avaient pourtant abandonné aux mains des rebelles en pratiquant systématiquement un repli dit « stratégique ». Mais avec le temps, il est vite apparu que l’ex- junte est dépourvue de détermination guerrière. La CEDEAO, qui espère aujourd’hui sortir le Mali de l’ornière, se trouve prise en tenaille entre une junte qui n’entend s’occuper que de ses petites affaires et des rebelles radicaux qui entendent transformer leur aspiration politique en revendication religieuse. Au niveau de la CEDEAO, il est vite apparu que malgré les engagements de l’ex- junte, le Capitaine Sanogo n’entend toujours pas céder la place aux autorités de la transition. Le gouvernement a donc rapidement été amené à « sauver les meubles » au Sud et à s’engager dans une solution de sortie de crise avec le bloc sous-régional. Dès lors, quel est le diagnostic de la CEDEAO ?
Depuis le départ d’ATT, le Mali continue de s’engouffrer dans sa crise. Certes, l’ex-junte n’a pas engagé d’action militaire, au Nord encore moins. Mais les revendications des autorités de la transition n’ont pas été prises en considération. Bien au contraire, il est vite apparu que lesdites autorités entendaient laisser les mains libres à l’ex-junte qui, avec l’aide de l’armée, tarde à affronter les rebelles du Nord qui en profitent pour y renforcer l’ancrage de leur « charia » tout en disant « ouverts au dialogue », mais à condition que Bamako accepte l’application de cette « charia », et cela, depuis le discours du Président Dioncounda Traoré adressé à la Nation ce vendredi 21 septembre. « Nous acceptons la main tendue de M. Traoré, mais à une seule condition : que le Mali applique la charia, la loi de Dieu. C’est la seule condition », a déclaré le porte-parole des islamistes sur RFI avant d’ajouter : « Si les gens du Sud (du Mali) veulent la négociation avec l’application de la charia, nous sommes d’accord. Mais si c’est la guerre qu’ils veulent, nous sommes d’accord aussi. Dieu est le plus fort ». C’est pour toutes ces raisons et bien d’autres qu’il apparaît opportun que la communauté internationale isole l’ex-junte et ses alliés afin que le gouvernement malien reste le seul partenaire crédible. Telle est la stratégie adoptée par la CEDEAO et dont le point d’appui reste les autorités maliennes. Toute chose qui explique la rencontre du ministre malien de la Défense avec le Chef de l’Etata ivoirien et président en exercice de la CEDEAO ce samedi 22 septembre 2012.