Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aBamako.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Libération extrajudiciaire de terroristes présumés : Ce que gagneraient IBK et le Mali
Publié le lundi 15 decembre 2014  |  Le Prétoire




Le ciel grondera longtemps sur le pays suite à la libération conditionnelle de terroristes présumés la semaine dernière. Au delà de la charge émotionnelle que cela aurait engendrée, il est convenant d’en appeler au sens du discernement, donc de la mesure pour savoir davantage sur les tenants et les aboutissants d’une affaire relevant de savants stratagèmes.
Depuis quelques jours, le chaudron est en ébullition maximum, occasionnant une bulle sociale qui a jeté l’émoi sur toute une nation. L’évocation seule du nom de Mohamed Aly Ag Wadoussène, le meurtrier du garde Kola Sofara, parmi les prisonniers libérés, fait froid dans le dos ; qu’importe ! la raison d’Etat s’impose à tous, point-barre. Mais nombre des maliens se triturent les méninges pour comprendre cette notion de raison d’Etat qui transcende les lois nationales et heurte la sensibilité malienne et au-delà, la conscience collective. Il s’agit là d’une loi non écrite et une règle non édictée pour certains qui prônent la prééminence de l’intérêt supérieur de la nation par rapport à toute autre considération de quel que ordre qu’elle soit. Elle reste dans les prérogatives discrétionnaires du maitre des céans qui en use opportunément. Mais ce paradigme institutionnel peut-il être bien perçu par le commun des maliens ? Le doute est permis. Cependant, au nom du droit à l’information et pour une meilleure adhésion à la cause, il importe d’user de tact pour faire avaler la pullule avant que le peuple ne l’ingurgite au moyen de medias internationaux. Là s’arrête le commentaire. L’analyse, elle, est tout autre. Pour mieux appréhender les méandres de cette libération tant décriée, il faut remonter le temps, c’est-à-dire au 10 janvier 2012 où la France a décidé en toute conscience et en connaissance de cause non avouée, de venir en aide au Mali en proie à une Kyrielle de Jihadistes ayant juré de faire de notre pays un sanctuaire islamique. Au-delà de cette promptitude des Français, se cachait une volonté farouche de retrouver leurs compatriotes aux mains des nouveaux occupants. La suite des événements enrichie désormais les annales de notre histoire. Les otages français ont connu des fortunes diverses. Certains sont morts et les plus veinards ont retrouvé les siens. En dépit de cette performance militaire, il restait un certain Serge Lazarevic, codétenu de Philippe Verdon, Zigoullé en plein désert. L’alerte viendra de Niamey et d’une vidéo en ligne dans laquelle, l’otage, à partir de l’habitacle d’une voiture, donna des signes de vie. Dès lors, les choses s’accélèrent. Les autorités nigériennes comme à l’accoutumée, activent leurs traditionnels réseaux. Mohamed Akotey, le spécialiste des négociations en matière de rapt et représentant d’Aqmi au Niger est briefé afin de trouver une issue heureuse. C’est ce même Mohamed Akotey, faut-il le rappeler, qui avait permis en son temps, la libération des quatre employés d’Areva en 2013 au Niger. Très vite, ce renard du désert localise le Français qui serait aux mains d’Abdelkrim el Targui, un responsable d’Aqmi. Il fallait donc rassembler les pièces du puzzle. Le haut conseil pour l’unité de l’Azawad que dirige Algabass Ag Intallah et Ansar Eddine de Iyad Ag Gali sont alors conditionnés. C’est le début d’une longue tractation entre Niamey-Bamako-Paris et Kidal. Bamako pour sa part devrait lâcher le gros morceau Mohamed Aly Ag Wadoussène, neveu chéri d’Iyad Ag Gali, le chef d’Ansar Eddine, allié d’Aqmi ; avec lui, trois autres terroristes. La transaction se fera dans les meilleurs des conditions, avec à la clé, la libération de Serge Lazarevic. Mais dans tout ça, que gagnerait le Mali et IBK, quelles en seront les dividendes proprement-dites ?
Elles sont nombreuses dirons-nous ! En acceptant de libérer ces terroristes d’une rare dangerosité, le Mali gagnerait en estime et en considération auprès de la France. Toute chose permettant de faire vibrer la fibre sentimentale française afin que nombre de nos préoccupations puissent connaitre des issues favorables. N’a-t-on toujours pas crié sur tous les toits que c’est cette même France qui est dernière le Mnla au point de confisquer Kidal ? Cette libération conditionnelle ne peut elle pas nous valoir un coup de pouce de la métropole dans les négociations bloquées d’Alger ? Si c’est le cas espéré, cette libération de terroristes présumés ne vaudrait- t elle pas son pesant d’or ? Quand on sait l’influence certaine de la France sur le Mnla, l’idée est fort enthousiasmant. Et si la France était derrière la reprise instantanée des aides budgétaires des partenaires techniques et financiers auxquelles on assiste ces derniers temps ? Si s’en est ainsi, oui, le Mali gagnerait beaucoup en libérant ces prisonniers. En un mot comme en cent, si la France permettra de remettre dans le giron malien l’ultime otage malien dénommé « Région de Kidal » avec comme mesure d’accompagnement, la formation continuelle de nos soldats, la sécurisation de nos frontières, des appuis budgétaires des européens et la facilitation des aides multilatérales dont elle tient en partie les rênes, alors le Mali gagnerait beaucoup dans cette libération que les défenseurs des droits de l’homme jugent en dehors des règles de l’Etat de droit. Selon Mamadou Mama Maïga, ce spécialiste des questions du nord, si la libération de ces terroristes est la source de paix au Mali, saluons cela, sans oublier la mémoire de nos victimes. Pour lui, le Mali a accepté ce que la France ne fera jamais. Et de poser la question suivante : La France a perdu combien de soldats pour libérer le Mali ?, Dix, à ce jour, pour obtenir un seul compatriote vivant. Le contraste est patent. Mais IBK, dans tout ça, que gagnerait- il ?
A vrai dire, il en gagnerait beaucoup. Juger cet acte mal fondé ou bien fondé relève de la théorie de la relativité, du bon sens en fait. Mais le chef de l’Etat gagnerait autant en confiance qu’en inimitié. En confiance pour ceux-là qui voient dans cette libération un acte de haute portée patriotique et un sens élevé du devoir et de l’honneur pour un Mali libre. Quel malien n’aspire pas aujourd’hui à une République débarrassée de la racaille qui pilule dans le septentrion ? IBK y perd même le sommeil. A contrario, celui-ci verra sa cote d’impopularité prendre le large auprès de ceux- la qui pensent que cet élargissement extrajudiciaire n’est rien moins qu’une prime à l’impunité, une violation grave des droits des victimes à une justice réparatrice. L’histoire, nous apprend-t-on, est faite pour être racontée. Fasse Dieu que cette libération soit logée au panthéon des mesures de gloire qui feront rentrer le Mali dans une ère de progrès pour tous et de bonheur pour chacun.
Amadou SANGHO
Commentaires