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Conflits autour des bourgoutières (2) : Dans le labyrinthe des coutumes
Publié le mercredi 17 decembre 2014  |  L’Essor




Les conflits entre éleveurs naissent, le plus souvent à l’occasion des revendications de titre de Djowro ou des tentatives de destitution de Djowro.

Les sources auxquelles le juge fait appel embrouillent davantage le faisceau des éclairages Le Substitut du Procureur près le Tribunal de première instance (TPI), Modibo Coulibaly retrace la complexité des affaires jugées. Selon lui, on entend par conflits du bourgou tous les litiges qui naissent dans la zone, où cette plante pousse. Ce sont des conflits entre agriculteurs, entre agriculteurs et éleveurs, entre éleveurs et enfin entre pêcheurs.

Les conflits entre agriculteurs naissent assez souvent entre le bailleur d’une portion de terre et son locataire au sujet du paiement des redevances et de la transformation du droit du locataire en droit de propriété. En effet, certains locataires refusent souvent de payer la redevance coutumière au bailleur ou payent moins que ce qu’ils lui doivent. Parfois c’est le bailleur lui-même qui, soit dans une intention spéculative, soit le plus souvent pour faire expulser son locataire, monte les enchères en augmentant les redevances qui ne doivent, au regard de la coutume, qu’être symboliques. Ainsi, le Substitut du Procureur a rappelé le jugement N°39 du 7 Mars 1991, où il a été jugé par le tribunal civil de Mopti que la redevance exigée par la coutume est purement symbolique et a pour but de rappeler à celui qui s’en acquitte que la terre qu’il exploite est la propriété d’autrui. Conflit qui fait date dans les annales. Que ladite redevance est fonction des possibilités, de la franchise et du degré de gratitude de chaque exploitant. Les conflits entre agriculteurs et éleveurs peuvent résulter du fait qu’un agriculteur veut transformer un harima, autrement dit un pâturage réservé aux vaches laitières pour la consommation domestique après le départ des animaux pour la transhumance, en champ de cultures. L’éleveur s’opposera tout naturellement à ce détournement de l’objet du prêt. Un autre exemple, où un Djowro affecte une partie de son domaine pastoral à un agriculteur contre redevance, celui-ci refuse par la suite d’exécuter les termes de ce contrat. Le Djowro réclamera naturellement son déguerpissement.

Les conflits entre éleveurs naissent, le plus souvent à l’occasion des revendications de titre de Djowro ou des tentatives de destitution de Djowro qui gèrent les bourgoutières ou même parfois de l’empiétement d’un Djowro sur l’espace pastoral d’un autre Djowro (affaire célèbre TPI Mopti N°14 1991 opposant Baba Hawa Dicko à Kola Dicko, Cour d’Appel de Mopti arrêt N°44 du 19 Août 1992 entre les mêmes parties). L’affaire malheureuse et regrettable de Tanti-Diolel opposant les communautés villageoises de Sossobé et Salsalbé qui a fait date dans les annales de la justice, où 29 personnes sont mortes pour une bourgoutière d’une superficie d’à peine 2 hectares. Les pêcheurs aussi s’affrontent à la justice. Il s’agit généralement de revendications de propriété coutumière de pêche sur une portion du fleuve, d’un bras de fleuve ou d’une mare. Dans tous les cas de figures, le règlement judiciaire de conflits de bourgou est très complexe pour le juge. Coutumes diverses et non codifiées. Ainsi, chaque fois que ce dernier est saisi d’un conflit de bourgou, il se pose la question de savoir quel droit appliquer ? La solution ou la décision qu’il prendra, pourra-t-elle éteindre définitivement le litige ? Notre pays a une économie essentiellement agro-sylvo-pastorale, d’où la nécessité de protéger et sécuriser les droits du pasteur, de l’agriculteur et le pêcheur sur la terre et les eaux à travers une œuvre de codification en matière domaniale. Or, il n’en est rien. La promulgation de l’actuel code domanial et foncier, avait suscité des espoirs qui, malheureusement, ont été douchés.

En effet, il est évident que le code domanial est inadapté au plan économique et juridique. Il n’a été élaboré que pour les besoins du citadin. L’économie reposant sur l’agriculture, l’élevage et la pêche, le code est complément muet sur les activités pastorales occupant le 2ème rang de l’économie nationale. Il se contente juste de dire que les litiges en matière coutumière relèvent de la compétence du juge civil et qu’en la matière, c’est la coutume qui s’applique. Or, on sait que les coutumes au Mali sont assez diverses et elles ne sont pas écrites, ni codifiées. A Mopti particulièrement, zone où subsistent ces conflits, cette lacune est très perceptible. Crise foncière latente. En effet, quand les litiges naissent devant les tribunaux, malgré la présence des assesseurs de la coutume des parties, l’application d’une règle de droit déterminée s’avère difficile. Aussi les témoins s’ingénient toujours à faire des dépositions partisanes, les uns et les autres interprètent les coutumes dans le sens de leurs intérêts propres. L’inexistence d’une raison écrite oblige le juge à faire un exercice assez difficile pour dire le droit en confrontant les arguments des parties au procès et les différents témoignages à la lumière de sa propre science et de la science des assesseurs. Ces derniers eux-mêmes, se confondent, du reste, sur des raisons non écrites sujettes le plus souvent à des déformations. Les difficultés d’interprétations des coutumes dues aux contradictions qu’elles contiennent influent négativement sur l’exactitude des décisions de justice. Cependant, devant la juridiction pénale répressive, certains litiges qui ont trait aux infractions portant atteinte aux décisions administratives concernant les bourgoutières à savoir l’opposition à l’autorité légitime, dommage à la propriété ou aux cultures, voies de fait etc. trouvent aisément une solution par l’application des dispositions du code pénal. Dans tous les cas de figures, une crise foncière est latente dans la région si des dispositions judiciaires adéquates ne sont pas prises, comme on le verra dans la dernière partie de cet exposé.
M. COULIBALY
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