La ville de Bamako est en proie à l’insécurité. Ces derniers temps, le phénomène prend de l’ampleur au nez et à la barbe des forces de sécurité qui, comme toujours, se plaignent de l’insuffisance de moyens logistiques mis à leur disposition pour faire face à la situation. Conséquence ? Les populations, particulièrement celles des quartiers périphériques, souffrent le martyr. Elles ne dorment plus que d’un œil au moment où les tenants du pouvoir persistent dans le laxisme, faisant croire que tout va bien au plan sécuritaire. La réalité ? Pendant qu’une partie du nord échappe à l’Etat, le sud, précisément Bamako, bascule dans une insécurité sans précédent. Le règne de la terreur ? Sans doute.
De mémoire des Bamakois, jamais le niveau du banditisme n’a atteint un tel seuil dans la capitale. Plus un jour ne passe sans que des pauvres citoyens ne fassent les frais de cette insécurité galopante qui concerne pratiquement tout le Mali. Vols, braquages, viols et autres actes, à la limite odieux, sont devenus le quotidien des Bamakois. Ces actes, perpétrés aussi bien la nuit qu’en pleine journée, sont très souvent accompagnés de mort d’hommes. Ce ne sont les habitants de Boulkassobougou , de Marseille où celles de Sébénicoro qui diront le contraire. Aujourd’hui, pour ces populations, c’est une lapalissade de dire qu’elles sont à la merci des bandits. Ils (bandits) y opèrent quand et comme ils veulent. Pas plus tard que 7 décembre dernier, six familles de Sangarébougou (précisément dans une zone appelée Marseille) auraient été dépouillées de leurs biens par des cambrioleurs-armés. L’acte, rapportent des sources, a eu lieu dans la même nuit et dans une même rue de ce quartier populaire de la capitale. Inédit, vous avez dit ? Pourtant, ce genre d’opération serait fréquent dans ces zones où les braqueurs défient carrément les forces de l’ordre. Nous avons approché le 12 arrondissement pour en savoir davantage. Malheureusement, nous n’avions réussi à soutirer des responsables de ce commissariat aucune information par rapport à ces braquages. Les policiers rencontrés sur place ont opposé un refus poli, mais ferme à notre demande. « Nous ne sommes pas autorisés à parler sans un ordre de notre hiérarchie » affirment-ils.
Aveu d’impuissance de la police
Cependant, un policier confie (si ce n’est un aveu): «l’insécurité a atteint une proportion inquiétante ces temps-ci. Et la police, comme toujours, traque les bandits ; mais nous sommes limités par l’insuffisance des moyens matériels. Il y a aussi le manque de personnel. Mais ce que nous déplorons le plus, c’est le manque de collaboration des populations. Celles-ci doivent s’impliquent, en dénonçant les bandits qui terrent parfois dans ces mêmes quartiers ». En clair, les agents sont dépassés par la situation. Ils mettent en avant la vétusté ou le manque de matériel roulant pour tenter de justifier leur absence sur le terrain… Quoi qu’il en soit, il est aujourd’hui évident que les bandits sévissent dans cette zone. Et cette situation est, d’une part, entretenue par l’absence des forces de sécurité sur le terrain.
Cette situation n’est pas spécifique à la commune I. Le centre ville (commune II et III) connaît également l’essor du grand banditisme. Certes, le vol de motos (particulièrement les Jakartas) s’amplifie à la veille des fins d’année ; mais la situation, cette année, se passe de tout commentaire. Les voleurs vont jusqu’à étaler leurs prétentions au grand jour, en affichant (aux rondpoints) le nombre de motos à cibler. Et tout indique que les bandes sont déterminées à atteindre les quotas qu’elles se sont fixées. En effet, des usagers sont attaqués et dépouillés de leur engin en longueur de journée. « On m’a pris ma Moto, il y a une semaine, derrière l’ancien ministère des fiances. C’est fait dans les environs de 20 heures » confie S. Keïta, une victime. A son camarade d’ajouter « qu’on ne peut plus circuler à Moto dans la zone ACI au-delà de 21 heures ». Les forces de sécurité ne peuvent ne pas être au courant des nombreux vols perpétués dans la zone ACI. Mais elles ne sont vraisemblablement pas inquiétées par la situation. Ainsi, on rencontre rarement les patrouilles de la police dans cette zone. Aujourd’hui, des policiers sont même soupçonnés d’être une partie du problème. Et l’on ne croit plus aux « histoires » du ministre de la Sécurité, Général Sada Samaké, qui croit pouvoir assainir ce « corps pourris jusqu’aux os » à travers de simples discours.
Face au laxisme des autorités, revoilà la justice populaire
Puisque le ministre semble incapable d’endiguer le fléau, les Bamakois se rendent désormais justice, en brûlant vif tout voleur qui se fait prendre la main dans le sac. C’est ce qu’on appelle « l’article 320 ». Fréquemment, des voleurs subissent cette justice populaire. Cette donne expliquerait d’ailleurs la nouvelle cruauté des bandits qui abattent désormais à bout portant leur cible. Ils (bandits) auraient même fait circuler (dans les localités de Sébénicoro, Mamaribougou…) un message dans ce sens.
Au-delà de la police, les Bamakois s’interrogent sur le rôle de la gendarmerie et de la garde nationale qui, bien qu’étant des forces de sécurité, curieusement restent cloitrer dans leur caserne. A Bamako, il n’y a plus de grandes opérations policières pour traquer les malfrats et sécuriser la ville. Que dire de ces patrouilles conjointes (police, gendarmerie et garde nationale) qui étaient périodiquement organisées à travers toutes les communes ? Toute la politique sécuritaire des autorités actuelles semblent se limiter aux discours. Tant pis pour les citoyens !
Les Bamakois sont indignés par le laxisme des autorités qui ne semblent guère prendre conscience de l’insécurité qui gagne la capitale. Au même moment, le Président de la République, lui, renforce sa garde prétorienne et se fait escorter par des véhicules remplis d’hommes armés jusqu’aux dents. Pour sa part, le ministre de la sécurité intérieure, interpellé récemment à l’Assemblée nationale sur la situation sécuritaire, n’a pas dit toute la vérité aux Maliens. En réalité, l’on assiste à l’instauration de la terreur à Bamako, une ville livrée aux bandits…
Issa B Dembélé