Dans son rapport No 14/337 sur le Mali, le Fonds monétaire international (FMI) demande aux autorités maliennes d’accroître les recettes fiscales de près de 0,5 % du PIB par an et d’alléger les contraintes administratives pour les contribuables tout en appliquant des réformes ambitieuses de la politique et de l’administration fiscales.
En effet, selon ce rapport, le Mali dispose du potentiel nécessaire pour faire passer ses recettes fiscales d’environ 15 % du PIB aujourd’hui à environ 20 % du PIB. La transparence est utilisée comme moyen de parvenir à un consensus politique en faveur d’une réduction des exonérations fiscales. Les autorités continueront de publier un inventaire de l’ensemble des exonérations prévues dans les codes des impôts, des douanes, des mines et des investissements, et autres textes de loi, ainsi que tous les coûts budgétaires y afférents. Notons qu’ici en 2013, les exonérations fiscales ont représenté 4,2% du PIB (dont 2,9% du PIB sur les impôts recouvrés par la Direction des impôts et 1,3% du PIB sur les impôts recouvrés par la Direction des douanes), soit environ 29 % des recettes fiscales, qui se sont établies à 14,7% du PIB.
Pour le FMI, les autorités durciront aussi le régime des exonérations fiscales en créant un fichier permettant d’en suivre l’utilisation et les dates d’expiration. Elles renforceront aussi leurs capacités pour vérifier les déclarations fiscales des sociétés minières et examiner s’il est possible d’améliorer la progressivité de leur régime fiscal afin de saisir certains des bénéfices exceptionnels réalisés lorsque les cours sont très élevés. A souligner que pour cela, les autorités reçoivent l’assistance technique du FMI par l’intermédiaire du fonds fiduciaire spécialisé dans la gestion de la richesse en ressources naturelles afin de renforcer leur capacité de recouvrer les recettes exigibles des sociétés exploitant les mines d’or.
Les réformes des administrations fiscale et douanière visent à en accroître le rendement en renforçant le respect des obligations fiscales, en simplifiant les procédures et en renforçant la coopération entre les directions concernées pour mieux cibler les audits fiscaux et réduire la fraude fiscale. «Dans ses travaux, le comité mixte de renseignements et d’investigations économiques et financières a identifié des anomalies dans les déclarations fiscales d’environ 80 % des importateurs et 90 % des fournisseurs de l’État» indique le FMI dans ce rapport. Selon des informations, il semble que la sous-déclaration par les importateurs de leur chiffre d’affaires aurait pu atteindre un montant aussi élevé que 500 milliards de FCFA par an en 2011-2012. Si le total de ce montant représente un revenu imposable non déclaré, la perte de recettes fiscales aurait pu alors être de l’ordre de 150 milliards de FCFA (2,8 % du PIB) par an. Ainsi, la Direction des impôts cible ses audits sur ces sociétés en 2014-2015.
Toujours selon le même rapport, afin d’améliorer le fonctionnement de la TVA, le système de recouvrement et de remboursement sera simplifié, avec notamment le relèvement du seuil d’assujettissement qui passe de 30 millions de FCFA à 50 millions de FCFA et par l’alignement de la gestion des contribuables par segmentation sur ce seuil. Le Mali doit simplifier aussi sa législation fiscale pour faciliter l’administration et le respect des obligations fiscales, en commençant par l’institution d’un impôt synthétique à taux unique pour les petits contribuables.
Réformer la politique de prix des carburants
Dans la loi de finances 2013, les autorités ont commencé à présenter des estimations du coût budgétaire de l’ajustement partiel des prix des carburants en fonction des variations des cours mondiaux du pétrole. Les recettes fiscales pétrolières sont tombées de 3 % du PIB en 2005 à moins de 1 % du PIB en 2013 en raison de la faible répercussion des cours internationaux du pétrole sur les prix intérieurs des carburants.
Pour arrêter puis, à terme, inverser l’érosion des recettes fiscales provenant des produits pétroliers, les autorités ont mis fin à la pratique consistant à fixer la valeur administrative (utilisée pour le calcul des taxes) en dessous de la valeur de marché. Pour commencer, elles calculent et publient le montant de la subvention afin de rendre transparente la perte de recettes. En 2014, la subvention à la consommation de produits pétroliers devrait, d’après les projections, atteindre 76 millions de dollars, soit 0,6 % du PIB. Et, en juin 2014, les autorités ont mis en place un nouveau mécanisme d’ajustement des prix en vertu duquel les variations des prix intérieurs reflètent celles des prix d’importation à l’intérieur d’une «marge de sécurité» de +/ -3 %. La suppression complète de la subvention sera précédée de la mise en œuvre d’une stratégie graduelle prévoyant l’identification des bénéficiaires, l’élaboration de mesures pour protéger les couches les plus vulnérables de la population et une stratégie de communication pour expliquer les raisons de la réforme.
Renforcer la transparence des finances publiques
Pour le FMI, les autorités doivent accélérer l’exécution des réformes de la gestion des finances publiques pour améliorer le cadre réglementaire et la gestion des dépenses. Elles transposent en droit malien les directives de l’UEMOA concernant la transparence des finances publiques, les lois de finances, la comptabilité publique, la classification budgétaire, ainsi que le plan comptable et le tableau des opérations financières de l’État (TOFE), tout en appliquant ces directives.
Selon le même rapport, les autorités maliennes doivent introduire progressivement un budget basé sur des objectifs, à compter de la loi de finances 2016, en vue d’accroître l’efficacité des dépenses publiques. Les mesures qui permettront d’améliorer l’exécution du budget sont entre autres établir des dates butoirs précises pour l’exécution du budget; raccourcir le traitement et renforcer la transparence des appels d’offres pour les marchés publics; améliorer la sélection, l’exécution, le suivi et l’évaluation ‘ex post ‘des projets d’investissement et appliquer les recommandations concernant un audit de la chaîne de la dépense pour simplifier le contrôle des dépenses et éviter la corruption et les arriérés de paiement. Enfin, les autorités doivent prendre aussi des mesures pour renforcer les structures de contrôle interne et externe et accélérer la production de comptes publics vérifiés.
Pour l’institution financière, les autorités maliennes centraliseront progressivement leurs encaisses (qui étaient jusqu’à une date récente réparties entre plus de 3.000 comptes principalement auprès de banques commerciales) sur un compte unique du Trésor auprès de la banque centrale. «Cela permettra au Mali de se conformer à l’exigence de l’UEMOA de l’unité de la trésorerie, de renforcer le contrôle des encaisses, d’accélérer l’exécution des paiements et de réduire les emprunts» souligne le gendarme de la finance mondiale.
A souligner ici que la première étape, réalisée en juin 2014, a consisté à transférer et à consolider la quasi totalité des 179 comptes principaux de l’administration centrale et du Trésor et la deuxième phase de consolidation, qui suivra en 2015, portera sur les comptes de la centaine d’institutions publiques et administratives, à commencer par celles qui reçoivent les transferts budgétaires les plus élevés. Entre-temps et selon les informations, les autorités contrôlent de manière plus stricte les comptes bancaires des ministères et autres organismes publics, et déclarent les mouvements sur ses comptes. «La mise en place de la nouvelle application comptable intégrée d’ici fin juin 2015 facilitera la gestion de trésorerie. Cette application permettra d’automatiser la production de rapports réguliers, détaillés et consolidés sur l’exécution du budget et le TOFE » note le FMI.
S’en tenir à une stratégie d’endettement prudente
Les autorités prévoient de combler la majeure partie de leurs besoins de financement extérieur par des dons et des emprunts concessionnels. Selon l’analyse de viabilité de la dette (AVD), le risque de surendettement du Mali reste modéré, évaluation inchangée par rapport à celle de l’AVD précédente. Cependant, souligne le FMI, «la viabilité de la dette reste sensible à un durcissement des conditions financières, à une baisse des envois de fonds des expatriés et de l’investissement direct étranger, et à un choc sur les exportations en raison de la prépondérance de l’or dans les exportations». Toutes choses qui expliquent que les autorités ont donc l’intention de recourir essentiellement à des dons et à des emprunts assortis d’un élément de libéralité minimum de 35 % (critère de réalisation continu). Elles solliciteront toutefois un déplafonnement des prêts non concessionnels au moment de la troisième revue pour financer les projets d’investissement à haut rendement qui ne peuvent être financés à des conditions concessionnelles mais ne menacent pas la viabilité de la dette. Indiquons par ailleurs que le Comité national de la dette publique, nouvellement créé, a pour mission de renforcer la gestion de la dette en analysant tous les contrats d’emprunt et de garantie de l’État avant leur signature, ainsi que d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie de gestion de la dette publique, qui sera actualisée chaque année et annexée à la loi de finances.
A retenir par ailleurs que les autorités maliennes ont engagé un cabinet d’audit indépendant pour déterminer l’encours des arriérés intérieurs accumulés par l’État, en grande partie en 2012 à la suite du gel des dépenses publiques. En se fondant sur les informations présentées par l’administration, le cabinet d’audit a identifié des arriérées potentiels d’un montant de 167 milliards de FCFA (3,1 % du PIB), dont 95 milliards de FCFA (1,7 % du PIB) ont été validés. Le reliquat fera l’objet d’une vérification croisée avec les données des sociétés privées.
Aussi, en 2013 le gouvernement a apuré 30 milliards de FCFA (0,6 % du PIB) du montant validé. Il devrait apurer le reliquat (65 milliards de FCFA, soit 1,1 % du PIB) d’ici fin 2014, après avoir vérifié que les sociétés sont à jour de leurs obligations fiscales. Il a aussi constitué une provision (15 milliards de FCFA, soit 0,2 % du PIB) pour apurer les arriérés intérieurs dans la loi de finances 2015.
Dieudonné Tembely