L’Organisation Non Gouvernementale, International Crisis Group (ICG), a publié son rapport annuel sur la situation politico-sécuritaire de la Guinée Conakry. Dans un document d’une vingtaine de pages, daté du 15 décembre dernier, l’ONG insiste sur le fait que, malgré les heures difficiles que vit actuellement le pays, les autorités doivent organiser coûte que coûte, la présidentielle comme prévue, courant 2015. Le président Alpha Condé, pour le bonheur du peuple guinéen, doit donc dépasser les querelles mesquines avec l’opposition et s’atteler au travail, pour le salut de la très fragile démocratie en place.
Le report sine die, des élections locales et l’échec du dialogue politique entre le pouvoir et l’opposition augurent que la tenue de la présidentielle tant attendue, et par les guinéens et par la Communauté internationale, sera très difficile, pour ne pas dire impossible. Car, pour être fidèle à une certaine logique démocratique, une élection présidentielle ne peut se tenir en omettant celles sur le plan local. Cela, bâclerait davantage le montage institutionnel de la Guinée et anéantirait les progrès substantiels accomplis.
Vue les difficultés qui s’érigent devant le président Condé, l’ICG propose deux options. Selon elle, dans un pays où la classe politique est fortement ethnicisée et où la population est en proie avec une épidémie d’Ebola qui plombe l’économie, il serait judicieux, dans un premier temps d’établir par le dialogue un cadre crédible pour la deuxième élection présidentielle libre de son histoire, cadre qui pourrait inclure un report négocié. Ce sera une manière d’enrayer le risque de l’instabilité et de la violence interethnique. Seconde option, pour réduire ce risque, l’exécutif guinéen, qui a la maitrise des institutions et du rythme politique, doit impérativement construire avec l’opposition et les partenaires un consensus minimum sur le dispositif électoral.
Plus loin, le rapport ne manque d’énoncer la cause pour laquelle, jusqu’à présent, la date de l’élection présidentielle n’est toujours pas fixée : « cause des bricolages des dernières années, le dispositif électoral souffre encore d’un flou normatif et institutionnel important,.. » lit-on, avant d’ajouter : "Même là où des règles claires existent, le système juridique peine à s’imposer comme recours crédible.
Manquent des institutions essentielles du point de vue électoral, en particulier la Cour constitutionnelle, qui doit remplacer la chambre constitutionnelle de la Cour suprême. Quant au dialogue enfin engagé en juillet 2014 entre pouvoir et opposition pour essayer de clarifier ce cadre légal, il a vite échoué, les deux parties ne s’accordant pas sur la version écrite des accords verbaux obtenus à la fin de ce dialogue".
Par ailleurs, l’ONG reconnait que les risques d’une intervention armée ne sont plus aussi importants que par le passé. Mais, elle déplore l’existence de tensions politiques qu’elle juge « inquiétantes ».
Vers la fin, le rapport propose quelques pistes de solution pour qu’il y ait au minimum un consensus entre le pouvoir et l’opposition pour les enjeux électoraux :
- Convier, à la demande du président Condé, le pouvoir et l’opposition à une nouvelle session de dialogue sur le dispositif électoral. Ce dialogue devra être fondé sur un travail préalable de chacune des deux parties, qui présenteront de façon précise, globale et réaliste, les aménagements qu’elles jugent nécessaires. Ce dialogue devra inclure une personnalité de haut rang issue de la présidence de la République.
- Convenir dans le cadre de ce dialogue d’un calendrier électoral réaliste, sans exclure un report de la présidentielle s’il s’avérait utile à une réelle amélioration du dispositif électoral ; compte tenu de l’importance des autorités locales dans l’organisation des élections et de leur remplacement controversé par des administrateurs nommés par l’exécutif, prévoir, à titre de mesure de confiance, la tenue des élections locales au minimum trois mois et au maximum six mois avant la présidentielle afin de laisser le temps aux élus locaux de s’installer dans leurs fonctions.
- Recomposer la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en reconnaissant pleinement son caractère politique, la totalité des commissaires devant être choisis de façon exclusive et paritaire dans le camp présidentiel et dans l’opposition, et y assurer un fonctionnement par consensus.
- Promulguer par décret présidentiel les lois organiques concernant l’Institution nationale des droits humains (INDH) et la Cour constitutionnelle telles que votées par le Conseil national de transition et prendre les dispositions pratiques, y compris budgétaires, nécessaires à l’entrée en fonction rapide de ces institutions.
- Dépêcher au plus vite, sur une demande des autorités guinéennes appuyée par l’opposition, une mission d’évaluation des Nations unies sur l’état des préparatifs électoraux.
- Préparer, à la demande des autorités guinéennes, des missions d’observation électorale crédibles et de long terme de l’Union européenne et de l’Union africaine, qui couvriront la présidentielle mais aussi, de façon exceptionnelle, les élections locales, au moins à Conakry, en Moyenne Guinée et dans la région de Nzérékoré.
Ahmed M Thiam