Après 25 jours d’audience, la deuxième session de la Cour d’Assises de l’année 2014 a pris fin le vendredi dernier à la Cour d’Appel de Bamako où, sur les cent affaires, seulement seize ont été renvoyées à une prochaine session, soit un taux d’exécution de 84 %. Cependant certaines difficultés demeurent auxquelles il faut palier pour une meilleure justice.
Au plan des sanctions privatives de liberté, sur les dossiers qui ont pu être jugés, 29 accusés se sont vus condamner à la prison ferme. Pratiquement autant ont été tout simplement soulagés de leurs chefs d’accusation (28), quinze ont bénéficié du sursis et l’action publique a été éteinte par la Cour dans seulement trois dossiers.
Cependant il est regrettable de constater le nombre élevé de condamnations par contumace qui se chiffrent, à la fin de cette deuxième session, à 30. Chose qui montre qu’il y a encore des efforts à fournir pour doter l’enquête préliminaire de moyens matériels efficaces afin de mieux traquer ceux qui ont choisi une autre voie que celle prévue par la loi.
L’instruction et l’enquête préliminaire toujours mises en cause
S’agissant des sanctions pécuniaires, la Cour a ordonné le remboursement de plus de 246 millions FCFA en plus des intérêts civils et les amendes qui ont été respectivement évaluées à 18 705 000 FCFA et 5 100 000 FCFA.
Si l’on peut se féliciter des objectifs atteints au cours de cette dernière session des assises, il y a tout de même des difficultés qu’il faut vaincre si on veut condamner le coupable et relaxer l’innocent. Il s’agit notamment des deux étapes décisives au cours de la procédure : l’enquête préliminaire et l’instruction. De graves failles ont été constatées à ces niveaux, notamment à l’instruction où on al’impression d’un travail bâclé. Et, le procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, Daniel Tessougué a convenu, dans son discours de clôture que, ayant tous les moyens à sa disposition, un « dossier d’instruction doit être un chef d’œuvre » contrairement à ceux qui sont renvoyés très souvent devant la Cour d’Assises.
« Trop fréquemment, un laxisme coupable conduit à bâcler le travail, tant et si bien qu’il est très aisé de voir l’incompétence ou l’inconscience…Dans les deux alternatives, ces défauts ne sèyent guère à une telle fonction « , a-t-il affirmé. Autre difficulté qui peut être due à un manque de professionnalisme, ce sont les citations à comparaitre d’où le renvoi de plusieurs dossiers (16) souvent pour complément d’informations ou, plus grave, pour vice de procédure. Dans une affaire opposant le ministère public à Mamadou Traoré et Seydou, ce dernier avait déjà obtenu une ordonnance de non-lieu notifiée au procureur de la commune III et à la partie civile qui n’ont fait aucun appel, mais il s’est tout de même retrouvé dans l’arrêt de renvoi rédigé par la chambre d’accusation.
Les piques de Téssougué au département de la Justice
Citant les difficultés par lui constatées au cours de la session qui vient de se terminer, le procureur général n’a pas manqué d’envoyer des piques à son département de tutelle qu’il a accusé de graves retards dans la mise en place des fonds alloués aux assises. « Il est malheureux que ce soit à deux ou trois jours avant le début des sessions, que leur financement soit fait « , a-t-il regretté avant d’ajouter que « si on pense que ceux qui sont en charge de disposer de l’honneur, de la liberté voire de la vie de leurs concitoyens sont incapables de gérer correctement des ressources financières, autant les décharger de la responsabilité de juger « .
En effet, depuis plusieurs années, les sessions des assises sont confrontées à des difficultés financières que d’aucuns jugent émanant de la mauvaise foi que d’un manque de ressources à proprement parler. A l’image de la première session de cette année où il a fallu remuer ciel et terre pour le démarrage des travaux. Et, quand ils ont commencé enfin, on a failli, après quelques jours d’audience, assister à leur suspension pour…le fait que les avocats ne percevaient pas leurs per diem journaliers. Une chose est sûre selon Daniel Tessougué, « pour atteindre la perfection, il faut mettre chaque acteur de la justice dans de bonnes conditions de travail…nous ne demandons que le minimum possible « a-t-il dit avant de rassurer que « si la Cour d’Appel et les autres juridictions disposaient de ressources humaines, matérielles et financières conséquentes, les lourdeurs dont on affuble la justice seront très vite de tristes souvenirs « .
Aboubacar DICKO