La conférence des cadres du PARENA du samedi 20 décembre au CICB a permis au premier responsable du parti de jeter un regard critique sur la gestion du pays. Passant à la loupe la gouvernance du Mali de ces quinze derniers mois, le président du Parti pour la renaissance nationale (PARENA), Tiébilé Dramé, a décrit son pays comme un dangereux royaume de l’impunité, où tout est accepté. Mêmes les actes les plus répréhensibles comme ceux occasionnant des conséquences dramatiques pour le peuple sont tolérés voire félicités.
Il a souligné que les négociations de paix d’Alger traînent, par incompétence et un manque de vision des autorités. Avant d’appeler à des concertations nationales pour mieux peser sur ces discussions.
Le premier exemple de ce règne de l’impunité est qu’en mai 2014, à l’issue des combats des 17 et 21 mai, près de 200 jeunes Maliens, membres de l’administration préfectorale, des forces armées et de sécurité sont morts à Kidal, des dizaines de pick-ups équipés d’armes de guerre, une dizaine de BRDM, des blindés légers, des camions de transport de troupes, des citernes ont été récupérés par les groupes rebelles au détriment de nos forces. « Les efforts de refondation et de re-motivation de l’armée ont ainsi été sapés. Les FAMA ont dû quitter leurs positions. Les unités qui sont restées sont confinées sous contrôle onusien à Tessalit et à Ménaka, Par dessus tout, l’État, qui se redéployait progressivement, a cessé d’exister dans la région de Kidal, dans une bonne partie de la région de Gao et dans les immensités désertiques du Nord de Tombouctou… « , a-t-il rappelé.
Et de pointer un doigt accusateur : » L’homme de gouvernement, le politique qui est directement responsable de la situation décrite ci-dessus, celui dont les décisions aventureuses, les actes hasardeux ont provoqué tant de morts, tant de pertes militaires et politiques, tant de revers pour la nation, cet homme est toujours en place! C’est cela l’impunité. Quel message est ainsi envoyé aux jeunes générations? Que l’on peut causer tant de torts à son pays, » foyi tè b’o a la »! ( sans aucune conséquence) « .
Ingénierie financière d’essence financière mafieuse
Comme deuxième exemple, Tiébilé Dramé indique que la Section des comptes de la Cour suprême et le Bureau du Vérificateur Général (BVG) ont mis le doigt sur une immense ingénierie financière d’essence mafieuse avec des sociétés-écrans établies dans des paradis fiscaux, de transferts de milliards dans des comptes à l’étranger.
Dans tout autre pays, dira-t-il, des mesures conservatoires auraient conduit à l’éloignement même temporaire de ceux qui ont été associés à ces affaires. « Mais au royaume de l’impunité » foyi ma bo a la » (sans aucune conséquence) « .
Pour le leader du PARENA, dans les deux cas, ceux qui sont concernés par ces faits graves continuent tranquillement leurs activités, passent à la télévision tous les soirs, tiennent des réunions, même des congrès, comme c’est le cas le week-end à Sikasso!
Et le premier responsable du parti du bélier blanc d’ajouter que le PARENA continue de croire que par le dialogue et la diplomatie, les Maliens peuvent restaurer la paix, l’unité et la cohésion de leur Nation. C’est en cela que le PARENA salue les efforts des voisins du Mali, de l’Afrique et de la communauté internationale pour aider les Maliens à se retrouver. Ce parti d’opposition estime toutefois que les documents provisoires issus des pourparlers d’Alger ne sont pas de nature à restaurer durablement la paix et la concorde au Mali. A bien des égards, ils recèlent les germes de l’affaiblissement du Mali, de la division et de la guerre civile intercommunautaire.
Manque criard de vision
Tiébilé Dramé dénonce, en outre, » les déclarations contradictoires et les tergiversations des premiers mois du quinquennat d’IBK (un jour, je ne laisserai aucun rebelle se hisser à mon niveau, un autre, je ne négocierai que quand les groupes auront déposé les armes, le lendemain, je suis prêt au dialogue sans condition), les aventures désastreuses de Kidal au mois de mai sont les illustrations du manque criard de vision et de schéma de sortie de crise.
La faiblesse de la direction malienne engluée dans des scandales financiers, l’érosion de notre crédibilité extérieure et le rapport des forces créé sur le terrain à la suite de la visite du Premier ministre à Kidal ont eu incontestablement des effets sur les négociations d’Alger. »
Le PARENA préconise un compromis respectueux de la Constitution, fondé sur ce que son leader appelle » les balises contenues dans l’Accord de Ouagadougou (intégrité du territoire, unité nationale, forme laïque et républicaine de l’État) ainsi que sur les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment la 2100 « .Il invite les groupes armés signataires et adhérents à l’Accord de Ouagadougou à honorer leurs signatures et leurs engagements.
Germes de crises futures
Le parti fait de nombreuses propositions et recommandations adressées au gouvernement aux groupes armés et aux populations, avant de souligner que certaines propositions du gouvernement nécessitent débat parce-que portant les germes de crises futures. Morceaux choisis : l’idée d’élire au suffrage universel direct le président de l’exécutif régional.
Un tel mode d’élection, a relevé M. Dramé, entraînera l’écrasement de sensibilités minoritaires. Quand on sait que la crise du Nord pose la question de l’expression de minorités communautaires, on se demande comment une telle proposition a pu germer et prospérer.
» Le PARENA plaide pour un nouveau Pacte national de paix et de bonne gouvernance qui sera traduit dans une nouvelle architecture institutionnelle rationalisée, simplifiée et moins coûteuse: suppression de l’élection présidentielle au suffrage universel, suppression de la fonction de Premier ministre, élection du président de la République par le parlement élu au scrutin proportionnel, élection des gouverneurs de toutes les régions du Mali par des assemblées régionales élues à la proportionnelle.
Une nouvelle Constitution marquera notre détermination commune à ouvrir une nouvelle ère de notre histoire après avoir tiré tous les enseignements de la profonde crise que nous traversons « , a conclu le conférencier.
Cette communication faite devant un parterre de personnalités politiques de l’opposition et de la majorité mais aussi de représentants du corps diplomatique a donné lieu à un débat assez riche sur l’amélioration de la gouvernance IBK pour un lendemain meilleur pour le peuple malien.
Bruno D SEGBEDJI