Une série d'attentats terroristes ont été perpétrés à travers l'Afrique de l'Est et de l'Ouest en 2014, alors que l'Afrique s'efforçait de répondre aux menaces immédiates et de rechercher des stratégies à long terme pour s'attaquer aux causes profondes du terrorisme.
Selon les analystes, cependant, les événements de cette année montrent que l'adoption d'une stratégie globale est indispensable, car la réponse inégale de l'Afrique est largement inefficace face à une menace terroriste croissante qui change constamment de tactique.
L'ANNÉE LA PLUS SANGLANTE
L'année 2014 aura été l'une des plus sanglantes de l'histoire. Le nombre de personnes tuées dans des attentats terroristes ces cinq dernières années a franchi la barre des 10.000 au Nigeria et atteint les 800 au Kenya, où 300 agents de sécurité ont été tués. Les organisations terroristes ciblent des mosquées, des églises et des marchés.
Au cours du premier semestre de 2014, 2053 civils auraient été tués dans 95 attaques dans plus de 70 villes à travers le Nigeria, y compris à Abuja. La plupart étaient des attentats à la bombe et des attaques dans des marchés, des villages et des mosquées ciblant les musulmans pro-gouvernementaux.
Grâce aux assauts menés par les forces africaines conjointes, les Shebab, un groupe terroriste somalien notoire, ont été massivement expulsés des villes et villages de Somalie, mais le groupe a tout de même réussi à perpétrer des attentats non seulement en Somalie, mais aussi au Kenya voisin, ciblant des églises et des pasteurs chrétiens et tuant exclusivement des Chrétiens dans d'autres attaques afin d'inciter à la haine religieuse.
Anneli Botha, une chercheuse spécialisée dans la lutte contre le terrorisme à l'Institut d'études de sécurité (ISS) basé à Nairobi, a déclaré que les attaques lancées par le groupe islamiste nigérian Boko Haram et les Shebab s'étaient intensifiées en 2014.
Les deux groupes ont montré qu"'ils ne se limitaient plus à un pays spécifique, mais posaient une menace pour la sécurité de l'Afrique de l'Ouest et de l'Est toutes entières", a déclaré Mme Botha à Xinhua.
UNE RIPOSTE INTENSIFIÉE
"Il faut répondre à ces insurrections par une riposte intensifiée", a déclaré à Xinhua Olusegun Akinsanya, diplomate nigérian et directeur régional de l'ISS.
"Nous avons besoin de partenariats et de la mise en œuvre de stratégies convenues au niveau continental pour lutter contre les groupes", a déclaré M. Akinsanya, qui a appelé à appliquer les résultats d'un sommet des dirigeants de l'UA sur le terrorisme ayant eu lieu à Nairobi le 2 septembre dernier.
Les participants au sommet du Conseil de sécurité et de paix de l'Union africaine avaient demandé l'intensification de la réponse à toutes les attaques terroristes et avaient rappelé qu'une attaque contre n'importe quel pays africain serait considérée comme une attaque contre tous.
Les dirigeants africains avaient convenu au sommet de Nairobi d'accélérer la mise en place d'une puissante unité de lutte contre le terrorisme et de nommer de hauts responsables du renseignement pour former un groupe de renseignement continental.
Ce groupe de renseignement proposé contribuerait à la lutte contre les insurgés. Les dirigeants africains ont également proposé la mise en place d'une Unité régionale de mise en commun des renseignements afin de renforcer la lutte contre le terrorisme.
"Rejoindre les efforts militaires pour ramener la paix et la sécurité était la réponse inévitable à nos menaces terroristes et sécuritaires", a déclaré le président kenyan Uhuru Kenyatta, qui a ajouté que les Shebab, ressentant le danger de cette pression militaire intense en 2012, avait rejoint le groupe terroriste Al-Qaïda, qui a financé la radicalisation de la jeunesse dans les mosquées pour soutenir ses attaques terroristes.
DES OPÉRATIONS MILITAIRES INEFFICACES
Mme Botha a estimé que les interventions militaires dans le nord du Nigeria et en Somalie avaient été des solutions inefficaces. Les arrestations massives et les perquisitions de mosquées au Kenya ont apparemment renforcé l'influence des Shebab.
"Dans l'ensemble, aucun de ces pays ne comprend les facteurs à l'origine de ces organisations, ni n'a développé ou mis en œuvre des stratégies de riposte efficaces", a expliqué Mme Botha.
"Les principales causes des problèmes de sécurité dans ces régions sont la mauvaise gouvernance, l'abus de pouvoir des forces de sécurité (...) conduisant à la frustration et à la marginalisation de certains groupes", a averti Mme Botha.
Le directeur exécutif de la Fondation de la paix mondiale, Daniel Omondi, a déclaré à Xinhua que les mesures de lutte contre le terrorisme au Kenya n'étaient pas parvenues à éradiquer les racines du problème et exigeaient un révision complète.
UNE BATAILLE POUR REMPORTER L'ADHÉSION DE LA JEUNESSE
Les analystes soulignent le danger de perdre la bataille pour l'adhésion de la jeunesse face aux groupes terroristes. En effet, l'adhésion des jeunes à ces groupes a été stimulée par la pauvreté et les taux de chômage élevés et elle pourrait bien définir l'avenir de la sécurité de l'Afrique.
"Nos jeunes sont sensibles à l'extrémisme à cause du chômage et de leur faible estime d'eux-mêmes", a déclaré M. Omondi.
Les Shebab, une branche affiliée à Al-Qaïda, ont profité de leur longue présence en Afrique de l'Est pour recruter massivement des jeunes locaux et leur dispenser une formation pour qu'ils combattent à leurs côtés.
Le Kenya a été l'épicentre de la radicalisation de la jeunesse en raison de la pauvreté, de l'absence de système de sécurité sociale et de la faiblesse de la police.
Les forces de sécurité kenyanes ont perquisitionné en octobre des mosquées dans la ville côtière de Mombasa pour débusquer des jeunes radicalisés. Selon la police, les mosquées ont été utilisées comme des lieux de recrutement pour les réseaux terroristes.
Hassan Abdikadir, un conseiller jeunesse du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), a déclaré que les réseaux terroristes avaient recruté des jeunes vulnérables pour grossir leurs rangs.
"Une majorité de jeunes Kenyans n'ont pas de sources de revenus durables et les terroristes leur promettent monts et merveilles", a expliqué M. Abdikadir.
M. Omondi a regretté que les djihadistes se soient propagés dans les bidonvilles et les villages reculés où la pauvreté et la marginalisation sociale posent de gros problèmes.
"Selon certaines sources, les Shebab et d'autres groupes terroristes appâtent les jeunes chômeurs avec un salaire mensuel de 600 dollars. Cela devrait tirer la sonnette d'alarme pour les décideurs politiques, les dirigeants civils et les chefs des forces de sécurité", a déclaré M. Omondi.
Le gouvernement devrait intensifier les programmes d'emploi des jeunes pour réduire la criminalité, le terrorisme et la toxicomanie, a-t-il ajouté.
Les analystes soulignent que les gouvernements africains devraient se concentrer sur les interventions à long terme tels que l'éducation, la formation professionnelle et les activités génératrices de revenus pour empêcher les jeunes de rejoindre les groupes terroristes.
Les pays devraient également utiliser leur influence plutôt que la force brute pour contenir les idéologies radicales qui alimentent le terrorisme.
"Nous avons besoin d'un changement de paradigme pour gagner la guerre contre le terrorisme qui a englouti la région. Les organes de sécurité et leurs partenaires civils doivent adopter une approche globale pour lutter efficacement contre le terrorisme", a déclaré M. Omondi.