Porté au pouvoir juste par 77% d’électeurs maliens qui ont réellement voté sur un total de 6 829 696 électeurs inscrits, soit 2 354 693 de maliens sur une population globale de 15 006 372, selon des chiffres du Ministère de l’Administration territoriale, le président Ibrahim Boubacar Keita n’aura t–il pas été finalement la grande déception de l’année 2014 ? Son grand Peuple n’est il pas désenchanté ? Ces questions méritent d’être posées au regard des graves manquements aux lois de la République et à la non satisfaction des besoins vitaux de ses concitoyens qui se sont mobilisés pour son élection. Ils broient malheureusement aujourd’hui du Noir. Retour sur les ombres et quelques lueurs d’un an de gouvernance.
A l’aube de la nouvelle année2015 les Maliennes et les Maliens s’interrogent encore et toujours sur l’avenir de leur pays. Tant les attentes ont été déçues et les espoirs brisés, par un régime qui a tout promis.La vérité finira toujours par triompher disait le sage de Horokhoto, Fily Dabo Sissoko. Cet adage s’applique encore aujourd’hui à la situation difficile qui prévaut dans notre pays.
L’année 2014 avait été décrétée par les autorités comme celle de la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Quel beau slogan pour un Peuple,lassé d’entendre dans les rapports du VEGAL que des milliards sont toujours détournés en toute impunité. Les partisans du président élu avaient vite jubilé et ses adversaires furent plus prudents. Comment IBK, fruit du même système pouvait-il y arriver si vite ? estimaient-ils. Malheureusement, l’histoire aura donné raison à ses détracteurs qui n’ont jamais cru à ce projet. De mémoire de maliens, de l’indépendance à nos jours, jamais le nom de notre pays n’a été autant cité dans des scandales rocambolesques, trimballé dans la boue, bafoué dans sa dignité et dans son intégrité morale. Pour une fois, le Mali a été à la une des média nationaux et internationaux. Le premier scandale fut lié à l’achat de l’avion présidentiel et des contrats d’équipements militaires. L’Opposition ayant eu vent de la passation des marchés à des sociétés fictives, a vigoureusement interpellé le gouvernement pour qu’il s’expliquât sur les deux affaires qui continuent de faire couler beaucoup de sueur froide pour ceux qui ont tripatouillé dans les caisses de l’État, et de grosses larmes pour le Peuple endolori.Le Premier ministre Mara lors de sa Déclaration de Politique Générale avait défendu en bon avocat du président de la République les deux sulfureux dossiers. Il est allé jusqu’à dire que l’avion acquis sous ATT n’avait aucun papier qui atteste son appartenance à l’État Malien. L’avion serait même techniquement mauvais. Quant à celui acquis sous IBK, il appartiendrait non seulement aux 15 millions de maliens, mais aussi qu’il aurait été acquis dans toutes les conditions de transparence et de clarté à la suite d’un prêt contracté à la BDM-SA et qu’il aurait coûté 20 Milliards de FCFA. Le Président de la République, pour en rajouter à la polémique, a non seulement taxé ses opposants de méchant, mais aussi donnera un autre prix à l’avionsoit 17 Milliards. La tragi-comédie sera prolongée par la Ministre des finances qui à son tour portera les chiffes à 21 Milliards.L’affaire Tomi Michel, un Corse dont le nom est cité dans plusieurs scandales tant en France que dans certains pays africains comme le Mali, le Gabon et le Cameroun. Le journal Français « le Monde » va loin en citant IBK comme le filleul de Michel Tomi et qu’ils seraient même des associés dans beaucoup d’affaires comme le Fortune’s Club, le Casino de Bamako et le PMU Mali. Le Peuple médusé observait avec surprise et étonnement le cirque qui se déroulait sous ses yeux. Le populiste PM Mara improvisera le 17 Mai une visite à Kidal pour, dit-il, aller s’imprégner de la réalité sur le terrain en feignant d’oublier superbement les engagements que l’Etat Malien avait pris à Ouagadougou. Dans les Accords de Ouagadougou Il avait été clairement dit que les pourparlers commenceraient 60 jours après l’investiture du président de la République. Cette visite considérée comme de la provocation de la part des autorités de Bamako par les groupes armés du nord, sera effectuée plus de 6 mois après. Les conséquences ont été la perte totale de cette partie du nord après un combat mal préparé des FAMA et surtout la perte en vies humaines et matériels.
Autres faits marquants de l’année 2014 c’est la rupture avec les bailleurs de fondscomme le FMI, la BM et l’UE, qui ont constaté des manquements graves à l’orthodoxie financières dans les procédures de passation des marchés publics tels que le contrat d’armements et l’avion présidentiel. Ils suspendront leurs aideset exigeront, pour la reprise de leur coopération, une enquête et des sanctions pour les coupables. Les rapports d’enquête, de la Section des comptes de la Cour suprême et celui du Bureau du Vérificateur Général furent alarmants : 29 Milliards de surfacturation et la mise en cause de plusieurs proches collaborateurs du président de la République.Décidément, l’année de la lutte contre la corruption et de la délinquance financière se sera transformée en année de la corruption à grande échelle. Avec cette suspension de l’aide budgétaire les départements ministériels ont vu leurs budgets réduits à plus de 70% et le BSI presque supprimé, paralysant ainsi les activités économiques avec comme conséquence le licenciement des travailleurs dans le secteur privé pour des raisons financières. Il faut noter également que les tarifs d’eau et d’électricité et même les prix des denrées de première nécessité prirent l’ascenseur. Ce qui contribuera à mettre en ébullition le front social. Ces soubresauts mettront l’UNTM sur la sellette. Acculée par ses militants, la principale centrale syndicale passera à l’acte en déposant un préavis de grève de 48 heures. Face à l’indifférence et au mépris des autorités, les travailleurs débrailleront pendant 2 jours les 21 et 22 aout 2014. A l’évaluation, la grève aura été suivie par plus de 90% des travailleurs. Ce qui effrayera les autorités qui prendront langue par la suite avec la centrale. Un autre préavis de grève, de 72 heures sera tout de même, déposé sur la table du Gouvernement le 2 octobre suivant. Un compromis sera finalement trouvé pour éviter cette autre grève qui aurait eu des conséquences désastreuses pour l’économie et pour le social. L’Opposition, fidèle à sa ligne politique, critiquera et proposera des solutions sans jamais réussir àobtenir du président de la République une adresse à la nation pour s’expliquer sur toutes ces affaires scandaleuses. Elle demandera également sans succès la démission de ministres et autres cadres impliqués dans les détournements de fonds.Le gouvernement Mara face aux aspirations du Peuple se mêlera les pédales. Lui qui aurait son propre agenda pour 2018, multipliera les descentes sur le terrain pour implanter son parti. La Ministre de l’Éducation, après avoir relevé la presque totalité des directeurs de CAP et d’académie au profit des militants du RPM, sans aucun rappel à l’ordre de sa hiérarchie, organisera dans un amateurisme totalet inédit les plus calamiteux examens de Baccalauréat et de DEF de l’histoire du Mali. Le Ministre de la justice, dans une tribune qu’il s’est crée, ne s’est jamais gêné d’exhiber ses proies à la face du monde. Pour ensuite cautionner voire justifier la libération sans jugement de terroristes qui ont commis des crimes tant au nord qu’au sud, en échange du dernier otage français au Sahel, Serge Lazarevic. Les pourparlers d’Alger piétinent toujours. La délégation pléthorique envoyée par le gouvernement peine à se frayer un chemin. La liste des points négatifs est loin d’être exhaustive.
Mais nous nous en voudrions fortement si par honnêteté intellectuelle nous ne reconnaissions pas certains points positifs. On peut mettre à l’actif du Président, la Liberté d’expression qui est toujours une réalité au Mali. Aucun Homme, qu’il soit de la Presse ou de l’Opposition ou tout simplement le citoyen lambda, ne s’est senti menacé pour l’instantà cause de ses idées et opinions. Il est à noter aussi que pour la première fois les fonctionnaires vont bénéficier d’une augmentation conséquente de leur salaire. Nous n’oublierons pas la grande mobilisation financière de Tianjin faite en Chine à hauteur de 5500 Milliards de F CFA pour relancer l’économie du Mali. Même si Tiebilé Dramé du PARENA et Soumaila Cissé de l’URD demeurent sceptiques quant à la concrétisation de tels engagements difficiles à mobiliser sans une méthode et une bonne organisation que le gouvernement Mara et IBK n’ont pas. Il faut enfin noter la lutte pour le moment réussie contre la maladie à virus Ebola. Une maladie qui a fait des ravages tout autour de nous, est en passe d’être maitrisée grâce à la grande mobilisation du Peuple et surtout à la forte implication des autorités maliennes avec le président de la République comme premier soldat sur le front. Le bilan est a la date du 26 décembre : zéro cas d’infection et zéro cas de décès. L’amorce de dialogue avec la réception de membres l’Opposition à Koulouba fait partie des points positifs du régime, même si l’Opposition crie à un dialogue de sourds.
Il est à espérer que l’année 2015 sera meilleure que 2014 etverra, certainement, s’effondrer sur les sables mouvants de Téghargar, nos multiples problèmes tant sur le plan politico-sécuritaire que sur le plan socio-économique. C’est à ce prix, que notre pays retrouvera son lustre et son aura d’antan.
Ainsi, pour éviter les erreurs du passé voici quelques bonnes résolutions pour 2015. Après la signature des nouveaux accords d’Alger avec les groupes armés, il sera nécessaire de mettre en place un nouveau gouvernement beaucoup plus resserré avec un premier ministre issu du RPM, le parti majoritaire à l’Assemblée nationale pour conforter notre Démocratie. Il sera aussi urgent de renouer rapidement le fil du dialogue avec l’Opposition en prenant en compte ses critiques et ses propositions de sortie de crise. L’ORTM devra cesser d’être la voix du gouvernement pour se tourner résolument au service de l’information et de la formation d’une conscience civique et citoyenne du Peuple. Il faudra pour ce faire engager de véritables débats contradictoires avec l’Opposition et la Société civile sur les grandes questions de la Nation.Si le président de la République veut réellement réussir son mandat, il lui faut descendre de Koulouba et être à l’écoute du Peuple. Sinon le réveil pourrait être sera brutal qu’à Dieu ne plaise. L’échec d’IBK sera l’échec du « politique » au Mali. Un bon sujet de dissertation à traiter pour 2015.
Youssouf Sissoko