Lorsqu’un coup d’Etat est mené dans le but de neutraliser un régime légitime et légal, le pouvoir deviendra, à n’en point douter, un instrument d’oppression du peuple et de restriction des libertés, publiques et individuelles. Mais, lorsqu’un coup d’Etat est perpétré dans l’unique dessein de faire chuter un régime qui, en plus de s’éterniser au pouvoir, lèse le peuple dans ses droits les plus élémentaires et pille le pays de ses richesses, sous une pression populaire hors norme, la Justice, la transparence dans la gestion des deniers publics tendent leurs bras. C’est ce qui s’est passé dans le pays des Hommes intègres. Il s’agit d’un coup d’Etat que l’on peut qualifier de « populaire » ou encore de « coup d’éclat ».
31 octobre 2014, une date mémorable pour nos frères burkinabés. L’équivalent du 26 mars 1991 au Mali. Blaise Compaoré, monarque constitutionnel, auréolé de son image de pacificateur et de médiateur dans la sous-région, pensait qu’il pourrait, de ce fait, rester éternellement au pouvoir, après 27 ans d’exercice. Il a été sourd aux multiples avertissements, et de la classe politique burkinabé et des chefs d’Etats ouest africains, et surtout à l’appel incessant du peuple qui lui demandait de partir. François Hollande, lui aussi, s’était mis dans le ballet en exhortant au « cher Blaise » de ne pas modifier la Constitution.
Conscient du fait, qu’il ne pourrait modifier l’article 37 de la constitution limitant le nombre de mandats présidentiels par la voie des urnes et rempiler pour un nouveau mandat, en homme politique rusé qu’il est, il voulait passé par voie parlementaire. Si la majorité des 2/3 votait pour le projet de modification, une nouvelle Constitution aurait été née et le référendum ne se serait pas tenu.
Mais le peuple ne l’entendait pas de cette oreille. Le vote ne put avoir lieu et le siège de l’Assemblée Nationale a été pris d’assaut par une foule de manifestants en colère, le 30 octobre. Le lendemain, Blaise quittait le palais de Kosyam, pour, dans un premier temps, une destination inconnue. Ensuite, l’on apprendra qu’il s’était rendu à Yamoussoukro et ensuite au Maroc. Dernièrement, il est de retour en Côte d’ivoire.
Ca y est, c’est fait ! Le despote Compaoré n’est plus au pouvoir. Certes, mais il va falloir batailler dur pour le peuple burkinabé afin que sa révolte populaire devienne une Révolution dans tous les sens du terme.
D’ici un an, des élections présidentielles seront organisées, ardemment souhaités par les burkinabés pour qu’elles soient libres et transparentes. Ce sera le principal défi de la transition. Son président, Michel Kafando, a été investi, le 21 novembre. Mais les militaires ne sont pas loin. Le Lieutenant-colonel, Isaac Zida qui gouvernait le pays les heures suivant le putsch est devenu premier ministre. Trois autres militaires composent le gouvernement de transition.
Incontestablement, un vent de Liberté et de Justice souffle sur le Faso. A la demande du peuple, les dossiers Norbert Zongo et Thomas Sankaré ont été ré ouverts. Le premier ministre de Transition, ZIda, ne jure que par la lutte contre la Corruption et la délinquance financière.
Le Combat ne fait donc que commencer pour les Hommes intègres. L’Etat n’existe que pour le peuple. A la masse populaire de jouer son rôle dans le suivi de la gestion du pouvoir. A la classe politique d’être la lanterne qui doit éclairer l’Etat dans son devoir quotidien de gouverner.
En somme, au vue de ce qui s’est passé dans le pays frère et voisin du Faso, le Combat de Thomas Sankaré n’aura pas été totalement vain. Il disait, près de 30 ans plutôt : « Je souhaite que mon action serve à convaincre les plus incrédules qu’il y a une force, qu’elle s’appelle le peuple ». Blaise Compaoré l’en a appris à ses dépens.
Ahmed M. Thiam