L’attaque contre le camp de Nampala en début de semaine n’a pas encore révélé ses dessous, mais elle prouve que l’incendie enclenché par les djihadistes au nord peut embraser même Ségou. Pire, l’ombre de cette attaque plane sur la reprise des négociations au moment où des hommes politiques ne partagent point l’optimisme béat du gouvernement. Pour ne rien arranger à la situation, l’on doute qu’à Kidal une guerre larvée de succession finisse par étendre le brasier qui risque de compromettre la signature d’une paix durable.
Finalement, trop d’embuches se dressent contre cette énième reprise du dialogue engagé à Alger entre le gouvernement et les groupes armés du nord. Décédé en décembre dernier, le chef traditionnel des Touareg de l’Adrar des Ifoghas devra être remplacé par un homme consensuel au sein de la communauté. Une guerre de succession larvée a depuis éclaté.
Par ricochet, ce bras de fer entre les prétendants « au trône » pourrait avoir un impact sur la reprise des négociations d’Alger, surtout que certains membres influents des groupes armés engagés dans les négociations nourrissent l’ambition de succéder au patriarche. Des voix se sont déjà élevées pour s’opposer à l’intronisation d’un rejeton du vieux considéré comme étant trop proche de Bamako.
Plus inquiétant, c’est la présence d’un vautour, le chef terroriste Iyad Ag Ghali, qui n’a cessé de roder dans la zone, échappant curieusement à la traque des troupes françaises et onusiennes. Assoiffé de pouvoir, Iyad aussi voudrait jouer un rôle de leadership dans la communauté Touareg, malgré qu’il fasse l’objet de poursuites internationales.
L’ombre d’une guerre de succession
La disparition du vieux Intalla est l’occasion pour Iyad de peser de tout son poids sur les questions concernant la région de Kidal. Et il fera certainement la guerre pour au moins placer un de ses proches à la tête de la communauté. Il dispose encore de moyens financiers et matériels qui pourraient servir cette cause, exacerbant forcement la recrudescence des violences dans le nord du pays.
Il n’y a pas que la dernière attaque contre l’armée malienne qui soit inquiétante. Le GATIA qui représente des Touareg fidèles à l’Etat et d’autres communautés du nord demeurent sur le pied de guerre pour défendre leurs intérêts menacés par les groupes armés représentés à Alger. Les actions terroristes de ces derniers mois avait prioritairement visé les positions des casques bleus et des forces Barkhane dans le nord du pays.
Mais les auteurs de toutes ces violences ont un agenda caché. Ils prennent le soin de ne pas revendiquer leurs attaques afin de brouiller les pistes. Une stratégie qui semble être payante jusqu’ici. Si les forces Barkhane ont pu mettre la main sur un chef terroriste peu après la libération de l’otage Serge Lazarevic, on est loin de pouvoir mettre la main sur les responsables des groupes radicaux qui écument la zone.
L’attaque contre Nampala, une localité de la région de Ségou, est une bravade qui souligne à quel point l’architecture de défense du Mali est encore vulnérable. Le cri de ralliement des djihadistes suffit largement pour identifier les auteurs de l’attaque, du moins leur idéologie. Les plus radicaux des mouvements armés ont rejeté le processus d’Alger, refusé de renoncer au terrorisme et certains se sont retirés dans la zone proche de la Mauritanie voisine. En outre, un deal qui ne dit pas son non lie toujours tous les mouvements armés. On en a eu la preuve avec la déculottée de l’armée malienne à Kidal le 21 mai 2014.
Les diatribes de Soumana Sacko
Le contexte d’insécurité n’est pas le seul obstacle à la reprise des négociations d’Alger. Rien ne va plus à Bamako au sujet du document présenté par le médiateur. De vives critiques sont émises par des partis politiques et la société civile. Certains, comme l’ancien Premier ministre Soumana Sacko, rejettent en bloc ledit document qu’ils considèrent comme un piège pire que l’autonomie.
La société civile et les partis politiques sont loin de l’optimisme affiché par le gouvernement. Au fond, c’est la méthode du gouvernement qui est critiquée. Beaucoup souhaitent une concertation suivie sur les engagements que le gouvernement prend au nom du peuple malien. Le représentant du président aux négociations estime par contre que le temps lui est compté.
Selon Modibo Keïta, réunir les forces vives de la nation demande beaucoup de temps alors que les négociations sont censées reprendre au début de janvier. Tout ce qu’il veut, c’est que les critiques et suggestions lui soient directement adressées afin qu’elles soient incorporée au document qu’il défendra autour de la table des négociations.
Soumaila T. Diarra