L’opposition ne rejette pas le document, mais souhaite que son contenu soit amélioré pour éviter la division du pays.
Après les partis de la majorité présidentielle, c’était hier au tour des formations de l’opposition d’échanger avec la MINUSMA sur le projet d’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, projet élaboré par la Médiation et remise par elle le 26 novembre dernier à Alger aux Parties (gouvernement du Mali et groupes armés). Le représentant spécial par intérim du Secrétaire général des Nations-unies au Mali, Arnauld Akodjenou, a saisi l’occasion pour rappeler que les pourparlers entre les protagonistes maliens ont été entamés en juillet dernier dans la capitale algérienne. Après plusieurs étapes, a-t-il poursuivi, les Parties sont arrivées à un projet d’accord qui fait aujourd’hui l’objet des discussions. Le document, a-t-il expliqué, prend en compte un paquet de propositions sur les plans politique, institutionnel, de défense et de sécurité, de la justice et de la réconciliation. Arnauld Akodjenou a insisté sur le fait que le projet d’accord ne porte pas atteinte aux lignes rouges tracées par le gouvernement malien.
« L’accord qui sera signé aboutira à une refondation de l’Etat malien », a indiqué le patron de la MINUSMA tout en invitant les responsables des partis de l’opposition de contribuer à l’enrichissement du document de la Médiation. Il est revenu sur le fait que le document représente un projet qui est lui-même un ramassé des contributions venant des parties prenantes aux négociations. Selon Arnauld Akodjenou, la rencontre d’hier donnait l’occasion aux partis de réagir sur le projet d’accord en vue d’en corriger certains aspects. « Vos propositions seront partagées avec les parties aux négociations et la Médiation. Votre esprit critique est sollicité. Mais ce qui est le plus important, c’est le Mali. Sachez que le Mali n’est pas seul. Il est avec ses amis, ses voisins, ses proches, ses partenaires. C’est cet ensemble qui constitue la Médiation », a-t-il indiqué.
En outre, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies a tenu à souligner que la Médiation travaille à aider le Mali à retrouver la paix et à aller de l’avant. Dès qu’un accord sera signé, a-t-il annoncé, un comité de suivi entrera dans le jeu et des structures institutionnelles seront mises en place.
En réaction au préambule du patron par intérim de la MINUSMA, le responsable du Parti pour la renaissance nationale (PARENA), l’ancien ministre Djiguiba Kéita dit PPR, a estimé que le projet d’accord est loin d’être irréprochable. C’est pourquoi il a invité le gouvernement et les partis de la mouvance présidentielle à organiser une table ronde nationale en vue de se mettre d’accord avant la signature de l’accord final.
« Nous reprochons beaucoup de choses à ce projet d’accord, a déclaré sans ambages le responsable du PARENA. D’abord au niveau du préambule, nous estimons qu’il relaie une vision falsifiée de notre histoire. C’est une véritable contre-vérité de penser que le problème du Nord est dû au fait que l’Etat ne s’est pas investi là-bas, que les Nordistes sont exclus de l’administration. C’est faux et archi-faux. Nous disons qu’il faut enlever cette vision du préambule. Ensuite, nous devons montrer notre attachement à la constitution du Mali, à l’Accord préliminaire de Ouagadougou. Nous devons aussi réaffirmer les lignes rouges en indiquant avec précision le caractère unitaire de l’Etat malien. Je crois que lorsqu’on arrivera à corriger tout cela, beaucoup d’éléments dans ce projet d’accord vont tomber ».
PLUS UNI ET PLUS FORT. En guise de proposition, Djiguiba Kéita a estimé qu’il faut se référer aux possibilités offertes par la décentralisation pour résoudre les questions politiques et institutionnelles qui sont au centre des discussions à Alger. Au niveau des questions liées à la défense et sécurité, PPR a préconisé de rester dans le cadre des textes qui régissent les forces armées et de sécurité maliennes.
Le responsable de l’Union pour la république et la démocratie (URD), l’ancien ministre Salikou Sanogo, a salué une rencontre utile qui permettra aux partis de l’opposition de se prononcer sur un projet d’accord qui concerne toute la nation. Comme les autres partis, l’URD a des griefs contre le document de la Médiation, mais il ne rejette pas celui-ci. « Nous ne refusons pas ce document mais il comporte des éléments que nous contestons tels que la notion de région intégrée, le problème de quotas à réserver aux ressortissants du nord. Nous avons aussi des observations à faire au niveau des questions liées à la sécurité et à la défense », a-t-il indiqué. Le professeur Salikou Sanogo a assuré que l’opposition est disposée à faire des contributions de taille pour que le Mali se sorte plus uni et plus fort de la présente situation. Le responsable de l’URD a invité lui aussi le gouvernement à établir un cadre national afin que tous les fils du pays puissent parler de la même voix à propos du futur accord.
Quant au président de la Force citoyenne et démocratique (FCD), l’ancien ministre Djibril Tangara, il a remis en cause certains points du projet d’accord qui, selon lui, représenteraient un danger pour l’unité nationale. «Il y a certains points dans ce document tels que l’article 3 et l’article 8 qui ne vont pas vraiment dans le sens d’un Etat unitaire. Ces points parlent beaucoup du Nord alors que le Mali est un et indivisible. Il y a un autre article relatif aux cadis. Qui dit « cadi » se réfère directement à la religion. Cette disposition met par conséquent en cause la laïcité de l’Etat », a-t-il détaillé. Par ailleurs, le leader de la FCD s’est aussi élevé contre le fait que le projet d’Accord prenne en compte seulement la réalisation des infrastructures dans le Nord tout en oubliant que le Sud du pays a aussi besoin d’être développé. Selon l’ancien ministre, il est indispensable de tout faire pour retoucher le contenu du projet d’accord lors des négociations qui seront bientôt engagées dans la capitale algérienne.
M. KÉITA