A la faveur de la démocratie des années 1990, des nouvelles structures ont vu le jour dans la plupart des pays africains. Il s'agit des Instances de Régulations des Média. Les modèles et les dénominations varient selon les Etats.
Au Mali depuis mars 1991, nous assistons à une évolution vertigineuse du paysage médiatique parallèlement au processus de la démocratisation politique. Il y a sans doute, une prolifération de journaux et radios privés à laquelle s’ajoute l’audiovisuel privé.
Un vide juridique sera très bientôt comblé avec l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi portant création de la Haute Autorité de la Communication (HAC).L’ordonnance portant création de la HAC est déjà sur la table des élus de la nation. Mais malgré l’adoption de cette loi force est de reconnaitre qu’il existera toujours au Mali deux Instances de Régulation de la Communication : le Comité national de l’Egal Accès aux Média d’Etat (CNEAME) et le Conseil Supérieur de la Communication (très prochainement remplacé par la HAC après adoption de la loi). Le CNEAME restera pour veiller à l’équilibre et au pluralisme de l’information au sein des média d’Etat uniquement.
Il ne peut être présentement dissout tant que la Constitution du 25 février 1992 n’a pas été modifiée. Car celle-ci annonce en son article 7 la création d’un organe indépendant chargé d’assurer l’égal accès de tous aux Média d’Etat et son statut est fixé par une loi organique.
La loi N° 093-001 du 6 janvier 1993 qui crée le CNEAME lui assigne comme mission d’assurer l’égal accès de tous aux Media d’Etat dans les conditions fixées par les loi et règlement intérieur en vigueur, en veillant d’une part à l’équilibre et au pluralisme de l’information en tenant compte des différentes sensibilités politiques, économiques, culturelles et sociales du pays et d’autre part à une gestion équitable du temps d’antenne et de l’espace rédactionnel consacrés aux candidats et aux formations politiques pendant les campagnes électorales.
Après plus de deux décennies de pratiques de régulation de l’espace de la communication, les deux organes de régulations que sont le CSC et le CNEAME ont montré leurs limites. D’où l’impérieuse nécessité pour le Mali de se doter d’un seul et unique organe de régulation tel que souhaité par les professionnels des Media et les acteurs du secteur.
Que de journées de réflexion !Que de séminaires ! Que d’ateliers et de fora tenus ! L’heure est certainement venue pour que notre pays se dote enfin d’un organe de régulation de la communication. C’est le lieu de rentre un vibrant hommage aux hommes et femmes qui se sont battus pour l’avènement de la HAC.
Une chose est de se doter de beaux textes, une autre est de les appliquer. Or l’un des grands problèmes de notre pays, c’est de vouloir des textes « taillés sur mesure « . On veut diriger une structure, on élabore des textes pour pouvoir prendre la tête ou on veut éliminer telle ou telle structure ou la tête d’un tel ne me plait pas, on supprime telle ou telle disposition d’un texte. C’est dommage ! Mais c’est souvent comme cela que ça se passe. Ce n’est pas normal !
Bref !Le problème de la régulation des Media s’est toujours posé et se pose encore avec acuité quand on jette un regard critique sur le paysage médiatique malien de mars 1991 à nos jours.
En écoutant certaines radios privées et en regardant le contenu des programmes de certaines chaines de télévision publiques et privées au Mali, on est scandalisé, révolté et même indigné. Des Séries de films étrangers qui contribuent plus à la dégradation de nos mœurs.
Avec la HAC, l’espoir est certainement permis pour enfin moraliser et assainir véritablement le secteur de la communication. Ceci est également valable pour la presse écrite, où on assiste à des dérapages de toute sorte.
Comme je l’ai dit plus haut l’Assemblée nationale va adopter bientôt le texte régissant la Haute Autorité de la Communication. L’ordonnance qui est présentement sur latable de l’Assemblée n’est pas sans reproche. Il est vrai qu’un effort immense a été consenti par les acteurs du secteur mais force est de reconnaitre à mon humble avis que certaines dispositions méritent d’être revues notamment la composition de la HAC et certaines de ses missions. On doit se convaincre que la régulation des Media n’est pas seulement une affaire des professionnels des Media autrement dit des journalistes et des communicateurs. Ne doivent pas siéger à la HAC que des juristes et des hommes de Media non ! Autant à mon avis il faut des juristes, des journalistes mais aussi des sociologues, des hommes de cultures, des chercheurs, des universitaires,…. Il faut plusieurs « regards croisés « .
Par rapport à la composition de la future HAC : l’article 26 de l’ordonnance stipule que la HAC est composée de trois membres désignés par le Président de République, trois désignés par le Président de l’Assemblée nationale et trois membres désignés par les organisations professionnelles des Medias. Déjà les professionnels des Medias ont choisi leurs représentants. A mon humble avis, il y a lieu de revoir à la hausse le nombre de membres composant la HAC. Au vu des multiples missions assignées à l’organe neuf (9) membres me paraissent insuffisants. On me rétorquera que ce n’est pas le nombre qui importe mais la qualité, oui ! Mais je demeure convaincu que ces neufs (9) ne pourront pas faire face aux grands défis qui les attendent. Je suggère d’aller à douze (12) en incluant les hommes de cultures, la société civile, les chercheurs, les professeurs d’université, entre autre.
Je pense que dans ce cas de figure qui est la HAC, il ya lieu de » verrouiller « pour éviter le « naufrage « . Parmi les trois désignés par le Président de la République et celui de l’Assemblée nationale il faut préciser » dont un juriste » ou » dont un professionnel de la communication « . Les journalistes ne sont pas forcément les meilleurs communicateurs et vice versa. Il faut éviter de faire de l’amalgame. On est dans un domaine sensible et complexe.
A mon avis le » verrouillage » permet de faire un bon choix sinon on se retrouvera avec » des militants » et non des professionnels. Je souhaite que soient donc ajouté aux trois (3) autres membres pour compléter à douze (12). Je sais que dans la plupart des organes de régulation de la communication les membres sont au nombre de neuf (9). Mais ce qui est valable ailleurs peut ne pas l’être au Mali, surtout que l’histoire du paysage médiatique et de son évolution au Mali est différente de celle de pas mal de pays, même de la sous-région qui ont déjà une expérience avérée et une pratique reconnue en matière de régulation des Media.
En effet l’article 27 de l’ordonnance dispose qu’il faille « justifier d’une expérience professionnelle d’au moins dix ans « . Dix ans me paraissent trop. Cinq ans d’expérience professionnelle me semblent suffisants surtout que cette notion d’ »expérience professionnelle » est sujette à polémique et mérite qu’on y définisse tous les contours.
Ce qu’il faut éviter par contre, c’est de désigner des personnes qui n’ont rien à avoir avec les missions assignées à l’autorité de Régulation, qui n’ont rien à voir avec le secteur de la Communication. On a besoin surtout des hommes et des femmes compétents, intègres qui mesurent le poids de leur responsabilité. L’ordonnance parle également de l’indépendance de l’organe. Ceci me parait très important. Effectivement la HAC doit disposer d’une indépendance réelle par rapport à toute influence économique et politique. Elle doit disposer d’un réel pouvoir décisionnel et être une Autorité forte de Régulation car la régulation est un levier économique, social et culturel très important.
Un autre point qui a beaucoup retenu mon attention, c’est celui de la représentation de la HAC au niveau régional et subrégional respectivement par des antennes et des bureaux (cf. article 3 de l’ordonnance). Là vont subsister beaucoup de problèmes qui, certainement seront surmontés au fil du temps. Tout ceci m’amène à dire que neuf (9) membres arriveront difficilement à faire fonctionner la HAC quand bien même existera toute une administration composée d’un personnel d’appui. L’accent doit être mis à ce niveau sur la qualité des ressources humaines qui, malheureusement font cruellement défaut dans notre pays. Surtout qu’on assiste présentement du départ massif à la retraite des cadres compétents. Lorsque la relève est loin d’être assurée tout le monde sait que la qualité des sortants de nos écoles et Universités reste à désirer.
Enfin, les missions assignées à la HAC sont nobles et pertinentes avec des attributions d’autorisation de création, d’installation, d’exploitation des services privés de communication audiovisuelle des attributions d’alerte, de veille, de consultation, de recherche, de contrôle et de sanctions.
Une structure du genre HAC ne vaut que par la qualité des hommes et des femmes qui l’animent et je souhaiterais que l’Assemblée nationale, pour être mieux édifiée sur certains aspects de la Régulation, dans le cadre des séances d’écoute entende des personnalités du monde de la communication dont l’expérience et l’expertise avérées sont indéniables. Aussi, il ne faut pas se faire d’illusion, sans moyens économiques, techniques, logistiques, financier et matériels, la HAC sera une « coquille vide « . Que Dieu nous en garde !
Moussa Soro SY, Journaliste