Dans le cadre du programme national de réflexion et d’action sur les politiques foncières et de développement rural, notre réflexion nous a servi de cadre pour l’élaboration d’un plaidoyer pour l’accès des femmes au foncier et la sécurisation des terres des exploitations familiales dans un pays où leur accaparement a pris des dimensions inquiétantes. En effet, cette idée nous a permis d’alerter, de sensibiliser sur les problèmes du monde rural en général et les dangers de l’accaparement des terres en particulier et de proposer des alternatives aux nouvelles autorités politiques en faveur d’une politique de développement rural et des réformes foncières qui sécurisent la pérennisation exploitations familiales rurales. Il s’agit dès lors, de regrouper l’État, les responsables des collectivités locales, la plateforme paysanne (le CNCR), les ONG, les associations de femmes, les chercheurs, les religieux, la presse nationale et internationale, en vue de trouver des solutions idoines aux problèmes du monde rural et les dangers de l’accaparement des terres en particulier et d’œuvrer à faire de la problématique foncière un thème majeur des débats politiques au Sénégal.
Les autorités et les partenaires au développement devront également profiter de cette occasion pour procéder au lancement des différentes publications issues de la recherche action participative sur Genre et Foncier, réalisée avec l’appui du CRDI. De la même manière, il faudra lancer le premier jalon pour mieux réfléchir sur un futur programme d’aménagement ou de gestion des ressources en mettant en place des dispositifs de veille et d’alerte au niveau des communautés rurales. Ainsi, ces organisations devront s’engager pour le soutien des petits producteurs pour la défense de leurs droits et promouvoir un modèle agricole sénégalais durable. Ces organisations devront convaincre, en s’inspirant de l’expérience malienne dans ce domaine précis, que les exploitations familiales sont les plus aptes à assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires du pays, à fournir des emplois au monde rural et à contribuer à la sauvegarde des intérêts des générations futures. La création d’un ministère de l’Ecologie et de la Protection de la nature au Sénégal doit contribuer à renforcer les politiques de l’Etat dans le sens d’une reconnaissance de l’agriculture saine et durable, comme levier pouvant assurer la souveraineté alimentaire.
Cependant, ces dernières années, nos pays ont été confrontés à différentes stratégies d’accaparement des terres fertiles. La ruée vers les terres agricoles a ainsi pris une ampleur considérable en quelques années. La Banque mondiale souligne dans son rapport de 2010 que les transactions sur les terres agricoles porté sur 45 millions d’hectares en 2009, soit 10 fois plus de surfaces qu’au cours de la décennie écoulée. Cette évolution revêt des proportions inquiétantes en Afrique dans la mesure où 70% de ces transactions concernent ce continent. Les achats de terres concernent plus de 200 millions d’hectares dans le monde depuis 2000 (IIED. CIRAD. ILC. 2011, « Les droits fonciers et la ruée sur les terres »). Au Sénégal, le phénomène touche déjà 669 958 ha (chiffres Actionaid, ENDA PRONAT, IPAR), soit près de 30% des surfaces arables disponibles. Jusqu’à présent, l’accaparement des terres concerne davantage les acteurs nationaux que les acteurs étrangers. Il faut mettre en exergue que ces mêmes acteurs ont été largement encouragés par les programmes initiés par l’Etat depuis 2006 à travers le plan REVA (Retour vers l’agriculture), la GOANA (Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance), disqualifiant d’office l’accès des femmes au foncier en créant de réelles disparités de genres.
Abdoulaye A. Traoré
Doctorant en sociologie