Après une entame poussive, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, semble désormais amorcer une nouvelle phase de sa gouvernance à la tête de l'Etat malien. A bientôt dix-sept mois aux commandes de l'Etat malien IBK finit, petit à petit, par retrouver une certaine respectabilité aux yeux des partenaires du pays au point de se faire inviter dans les capitales occidentales pour mobiliser des ressources susceptibles d'impacter positivement le destin de ses compatriotes.
Ce n’est point exagéré de souligner que le président IBK a eu une entame de pouvoir des plus difficiles de l’histoire du Mali démocratique. Mais, les observateurs pronostiquent désormais quelque chance de succès de la gouvernance IBK qu’ils conditionnent essentiellement au retour de la paix dans les régions septentrionales, à travers la signature d’un accord de paix global définitif entre le gouvernement et les groupes armés du Nord. Ce qui devrait dégagera l’horizon du pouvoir IBK qui suscite bien de sympathie.
Après sa participation fort remarquée à la marche républicaine à Paris, le 11 janvier dernier, le président de la République sera, dans les prochains jours, en visite officielle en Allemagne, en Suisse et dans d’autres capitales occidentales. Le locataire du palais de Koulouba devrait tirer un certain nombre de bénéfices de ses déplacements pour son peuple. Comme sa visite en Chine, plusieurs contrats et projets de développement devraient découler de ces visites. IBK jouit dorénavant d’une certaine respectabilité après les sombres épisodes de l’avion présidentiel et du contrat des équipements militaires. Lesquels avaient conduit à mettre le pays quasiment au ban de la communauté internationale, avec la réprobation du FMI, de la Banque mondiale et des principaux bailleurs bilatéraux.
Jeu de la répentance
Mais, par une courageuse volonté de rectifier le tir, IBK a joué le jeu de la répentance en suivant scrupuleusement les recommandations des institutions de Bretton Woods (l’audit et les sanctions des coupables), notamment celles de Christine Lagarde (FMI) en étalant le dossier sur la place publique. Afin que le meilleur diagnostic soit fait et les remèdes appropriés administrés. Dans ce sens, les sanctions judiciaires sont vivement attendues pour que l’effet pédagogique de la chose conduise un retentissant « plus jamais ça ! »
Par ailleurs, le président de la République avait également annoncé qu’il lutterait contre la corruption. C’est à ce niveau que le constat est en deçà des attentes. Avec l’appui de l’ex- ministre de la Justice, Me Mohamed Ali Bathily, le pouvoir s’est timidement attaqué à la corruption mais l’on peine à voir les retombées de cette lutte. Car le chef de l’Etat a commencé, durant ses premiers mois à Koulouba, à traquer l’hydre de la corruption, en n’entravant pas les procédures dans plusieurs dossiers importants, mais cette lutte semble prendre du plomb dans l’aile.
«Nul n’est au-dessus
de la loi»
Des enquêtes ont été diligentées, des hommes d’affaires et des fonctionnaires ont été placés en détention, la justice elle-même n’a pas échappé au coup de balai : plusieurs juges considérés comme corrompus ont été suspendus et incarcérés. « Personne n’est au-dessus de la loi, pas même vous », répète IBK à ses collaborateurs.
Pour donner corps à ce qui est un leitmotiv chez le président, les députés ont adopté, en mai 2014, un projet de loi sur l’enrichissement illicite qui doit renforcer l’arsenal de la lutte contre la délinquance financière. De son côté, Boubou Cissé, le ministre des Mines, a procédé, en août, à l’annulation de près de 130 titres miniers concédés par les régimes précédents.
Enfin, concernant les négociations de paix avec les groupes armés du nord du pays, les premières discussions à Alger se sont soldées par la signature de deux documents importants : la cessation des hostilités et la feuille de route des négociations. Beaucoup s’accordent d’ailleurs à dire que le futur du Mali ne se jouera pas à Bamako mais à Alger.
Reconstruction
de l’armée
Après avoir « nettoyé les écuries d’Augias », comme il le dit lui-même, IBK a lancé le vaste chantier de la reconstruction de l’armée. Mais celle-ci sera longue et le chef de l’État ne pourra disposer, pour la mener, de l’un de ses collaborateurs les plus expérimentés : l’ex-ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, contraint à la démission après la débâcle de Kidal du 21 mai.
Cette indécision a été particulièrement frappante concernant la situation dans le Nord. Alors qu’il disposait de soixante jours pour entamer les négociations, selon l’accord de Ouagadougou signé avant son élection entre le gouvernement de transition et les groupes rebelles, IBK a longtemps traîné les pieds. « Il aura fallu la défaite de Kidal pour qu’il se décide enfin à négocier, mais il était alors en position de faiblesse », peste un officier.
Pendant ce temps, la situation sécuritaire s’est aggravée dans le Nord, où une partie du territoire, reconquis en 2013 avec l’aide des troupes françaises et africaines, a été à nouveau abandonnée aux rebelles et aux jihadistes. Tous ces manquements devraient servir de leçon pour le nouvel homme fort du Mali qui doit tirer profit de la nouvelle embellie qu’il s’est forgée pour réussir sa mission.
Bruno D SEGBEDJI