Son acte de bravoure a été récompensé mardi: le
Malien Lassana Bathily est devenu français onze jours après avoir aidé des
juifs à se cacher lors de la prise d’otages de l’épicerie casher de la Porte
de Vincennes à Paris.
Devant une salle comble, Lassana, ému, les mains croisées sur son corps
frêle, n’ose regarder le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, à ses
côtés pour lui remettre un passeport français, un "livret de citoyen", une
"médaille" et deux livres, dont l’un de Raymond Depardon.
L’homme, musulman de 24 ans, chemise blanche et costume sombre, se dit,
dans un français hésitant, "très heureux" d’avoir obtenu la nationalité
française, saluant la France, "pays des droits de l’Homme" et "pays d’accueil".
"Nous donnons ce soir l’une des plus belles images de notre pays", a jugé
Manuel Valls.
Celui qui est arrivé de son Mali natal en France en 2006 est devenu "le
symbole d’un islam de paix et de tolérance", a estimé Bernard Cazeneuve.
"C’est un de ces hommes dont le courage, le sang-froid, l’altruisme, se
révèlent dans les moments de grands périls", a-t-il ajouté, en référence à la
prise d’otages du 9 janvier dans le magasin Hyper Cacher, où quatre juifs sont
morts.
Ce jour-là, peu avant 13H00, Lassana Bathily, salarié de l’épicerie casher,
se trouve au sous-sol lorsqu’il entend claquer des coups de feu dans le
magasin.
"J’ai tout de suite pensé à Charlie Hebdo", témoignera par la suite Lassana
Bathily auprès de l’AFP.
Deux jours auparavant, le 7 janvier, Chérif et Saïd Kouachi, deux frères,
avaient ouvert le feu au siège de l’hebdomadaire satirique, tuant 12 personnes.
- Mon coeur m’a fait agir -
Dans le supermarché, l’assaillant, Amédy Coulibaly, délinquant devenu
islamiste radical et agissant en coordination avec les frères Kouachi, a
ouvert le feu avec une kalachnikov sur les employés et les clients, à quelques
heures du shabbat. 23 personnes se trouvent à l’intérieur. Quatre seront tuées
par le preneur d’otages.
Des otages, dont un bébé, empruntent alors un escalier où Lassana Bathily
leur ouvre la porte de la chambre froide pour les y cacher et, a-t-il
expliqué, débranche le système de réfrigération.
Ensuite, il emprunte le monte-charge pour s’enfuir: trente minutes après le
début de l’attaque, il est dehors, auprès de la police, à qui il apporte son
aide.
Lassana Bathily a joué "un rôle primordial" en apportant des renseignements
sur "l’intérieur de la supérette", "en particulier sur les issues", et "en
décrivant les otages et le preneur d’otages", a estimé le patron du Raid,
Jean-Michel Fauvergue, mardi sur BFMTV.
Coulibaly a été tué dans l’assaut des forces de l’ordre, presque en même
temps que les frères Kouachi qui s’étaient eux retranchés dans une imprimerie
de la banlieue parisienne.
"Les gens me prennent comme un héros, mais je ne suis pas un héros", a
commenté Lassana Bathily après avoir reçu son passeport français. "Mon coeur a
parlé et m’a fait agir", a-t-il poursuivi, assurant qu’il n’y avait "pas de
questions de communauté".
D’anciens otages évoquent le courage d’autres personnes à l’intérieur du
magasin, citant le jeune homme abattu alors qu’il tentait de s’emparer d’une
arme du jihadiste, ou la caissière ayant affirmé à Coulibaly que plus personne
n’était caché dans les chambres froides, alors que six clients et un enfant y
étaient encore réfugiés.
"Chacun a résisté à son échelle", estime une proche d’ex-otage.
"Rien ne le forçait à sauver ces gens-là...", a considéré le président de
l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), Sacha Reingewirtz, présent mardi
à la cérémonie au ministère de l’Intérieur. Il est de "plus en plus difficile
de trouver une figure d’identification", mais avec "Lassana, la jeunesse en a
une. Il incarne le respect", a-t-il estimé.
bat-bur/at/fm