Comme tant d’autres élus du Nord, la situation actuelle préoccupe le maire de Gao, Sadou Harouna Diallo. Il estime qu’il y a urgence, que la communauté internationale ne doit pas laisser traîner le problème du Mali et les Maliens doivent absolument s’unir contre le mal.
Le Prétoire : Selon la logique des Nations unies, l’intervention militaire au Nord du Mali n’est pas pour aujourd’hui. Alors que pour vous, élu d’une localité sous occupation, notamment Gao, il y a urgence. Qu’en dites-vous?
Sadou Harouna Diallo : Les Nations unies ont des intérêts géopolitiques, qui n’ont rien à voir avec ce que nous voyons, avec la réalité du peuple. Je félicite le Président Hollande qui n’a pas écouté le chantage qui a été fait. Parce qu’il a bien compris que quatre à cinq otages, il ne faut pas les troquer contre tout un peuple. Je le félicite pour sa grandeur d’âme. Et si l’on ne se bat pas contre ces terroristes rapidement, cela va être comme en Afghanistan. Les Nations unies ont échoué en Afghanistan, en Iraq et en Libye. Elles ne font que des échecs. Moi, j’en appelle au peuple malien; parce que si le peuple s’unit et s’engage d’une même volonté, les Nations unies prendront la chose autrement. Je ne comprends pas qu’un pays comme les Etats unis d’Amérique demande au Mali d’aller d’abord aux élections, avant de parler de la libération du Nord. Quand on touche une mouche américaine, les Usa interviennent militairement. Mais au Mali, c’est tout est un peuple qui est attaqué. Ce pays ne négocie pas avec les terroristes quand il est concerné. Encore une fois, je demande aux Maliens de prendre conscience. Vous n’ignorez pas l’influence que les Usa ont sur l’Onu. Ban Ki-Moon est un pion des Usa. Je vous dis, clairement, dès que le Qatar a la main mise sur une rébellion ou une guerre, les Usa font la sourde oreille. Parce ce que le Qatar est un pays très puissant qui fait chanter les puissances occidentales. Au début, je pensais que les Maliens allaient comprendre depuis le jour où le représentant des Usa est venu dire ici, au Mali, qu’il faut d’abord aller aux élections. C’est impossible d’aller aux élections avec plus de la moitié du territoire occupée. Moi, si le Mali va aux élections sans le Nord, je cesserai d’être Malien et je l’ai dit sur les antennes de radios internationales. Et tous les ressortissants du nord du Mali pensent comme moi. Je le dis et le répète, notre destinée est entre nos mains. On ne peut pas attendre que les autres prennent leur temps et décident à notre place. L’opinion internationale, en dehors de la France, est en train de nous berner avec ses histoires de négociations.
Pour vous donc, pas question de négocier ?
Pour négocier, il faut être en position de force. Le Mali est en position de faiblesse. S’il négocie dans cette position, cette situation reviendra dans cinq ans. En plus, ce que ces gens revendiquent n’est pas négociable. Nous tenons à notre laïcité, à l’intégrité de notre territoire. Si jamais le Mali opte pour une négociation, cette guerre ne finira jamais. Négocier, ce n’est pas rendre justice aux nombreux orphelins, aux veuves et autres victimes. Au Nord, il y a des gens qui ont tout perdu et n’ont plus où aller. Moi, personnellement, j’ai perdu deux milliards de francs CFA. Je fais partie des élus du Nord qui ne peuvent plus s’y rendre. Parce que j’ai travaillé avec l’armée malienne pendant neuf ans. Par ailleurs, j’estime qu’il ne faut pas ouvrir les écoles dans le Nord en temps de guerre. Parce que cela est suicidaire. C’est exposer les enfants aux dangers que représentent ces terroristes.
Avez-vous un appel à lancer ?
J’interpelle les partis politiques pour leur dire que nous sommes les représentants du peuple. Maintenant que le peuple a le plus besoin de nous, il faut qu’on fasse preuve de grandeur en laissant de côté nos petites querelles pour que la Mali aille de l’avant. Je crois que le gouvernement que nous avons actuellement en place est impuissant face à cette situation. Il le sera davantage s’il n’a pas le soutien du peuple. Le peuple malien est resté inerte au moment où il fallait réagir. Mais si, tous, nous nous donnons la main, la situation peut évoluer autrement. Ensemble nous vaincrons !