Un pas en avant et deux en arrière. C’est le moins que l’on puisse dire avec le dossier du Mali au plan international où tout le monde est d’accord que ce qui se passe au nord-Mali, non seulement est inacceptable, mais nécessite une action urgente. Mais curieusement, aucune résolution n’a été prise par les Nations unies, malgré la demande insistante du Premier ministre Cheick Modibo Diarra et le plaidoyer du Président français, François Hollande, qui ont invité la communauté internationale à hâter le pas dans sa prise de décision en faveur du soutien actif au Mali. Au contraire, des voix se sont même élevées pour prendre leur contrepied et faire douter de l’efficacité d’une opération militaire, pendant qu’au sein de la Cédéao et des pays du champ comme l’Algérie, la Mauritanie, le Niger, et autres, l’ardeur se refroidit si l’on ne se retire pas carrément des engagements en faveur du Mali.
L’Assemblée générale des Nations unies tant attendue par les pays africains pour voir évoluer le dossier relatif à l’intervention militaire d’une force internationale pour libérer le nord du Mali, a été un véritable coup d’épée dans l’eau. En effet, malgré les propos assez fermes du Premier ministre Cheick Modibo Diarra qui a sollicité «l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité pour la mise en place d’une force militaire internationale», la communauté internationale traîne encore les pieds. La demande officielle du Mali qui était présentée comme une condition pour que la communauté internationale se penche sur la question, a été certes entendue, mais rangée dans les tiroirs, pour le moment. Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a nécessité d’intervenir pour aider le Mali, mais on s’en tient aux déclarations d’intention. Point de résolution pour au moins donner forme à cette intervention. En lieu et place, on jette le doute sur l’efficacité d’une solution militaire, en évoquant des dégâts collatéraux et une éventuelle catastrophe humanitaire, comme s’il n’y en avait pas déjà.
Attendre au moins un an
A vrai dire, la communauté internationale n’a pas encore répondu aux attentes du Mali et continue de s’agiter stérilement, en allant de rencontre en rencontre, sans apporter du concret en mesure de rassurer les populations des localités sous contrôle des groupes armés et pour qui un jour de plus dans cette situation est intolérable.
Pourtant, même si, comme l’a si bien dit le Premier ministre Cheick Modibo Diarra à la tribune des Nations unies, que l’heure n’est plus aux négociations, mais à l’acte, rejoignant en ce sens le Président français François Hollande qui disait qu’il n’y a «pas de temps à perdre», du côté de l’Onu on tente déjà de faire croire que si une intervention militaire devait avoir lieu, elle ne pourrait intervenir que dans six mois, voire un an. En effet, le scénario le plus optimiste prévoit que si la résolution est votée au milieu du mois d’octobre, la force internationale ne pourrait être opérationnelle qu’en fin d’année 2012. Mais il faut surtout retenir l’autre hypothèse soutenue par des experts de l’Onu qui pensent que pour mettre en place la force internationale il faut au moins six mois, sans compter le temps qu’il faudra pour rassembler les fonds nécessaires à l’opération. Ce qui pourrait aller à un an au moins.
Pourtant, le président en exercice de l’Union africaine, Boni Yayi, disait que les textes de l’organisation panafricaine permettaient d’intervenir sans avoir recours à l’Onu. Pourra-t-il user d’une telle procédure vu l’urgence de la question ? Difficile à affirmer si l’on sait que, déjà, une certaine opinion nationale, au Mali, ne veut pas d’une force internationale et a commencé à fustiger Boni Yayi, Blaise Compaoré et Alassane Ouattara qui se sont distingués par leur propension à défendre l’idée de la mobilisation d’une force internationale pour agir au Mali. Il y a aussi le fait qu’en Afrique, on n’a que sa langue pour parler. Mais point de moyens logistiques et financiers. Cette dépendance des mêmes pays qui sont les patrons de l’Onu et de son Conseil de sécurité obligent la Cédéao et l’Union africaine à calmer leurs ardeurs. Et les grandes puissances ont compris que la recherche d’une résolution pour le Mali sous-tend l’acquisition de leurs engagements matériels et financiers, à défaut d’un envoi de forces pour assurer la faisabilité de l’opération militaire. Elles ne veulent pas pour le moment donner leur accord car la crise sévit un peu partout et creuse les trésoreries. En plus, les échecs en Afghanistan, au Pakistan et dans d’autres zones de conflit, poussent les grandes puissances à réfléchir sur l’usage aveugle de la force, d’où leur réticence.
Défections de pays amis
Pendant que les populations du nord du Mali attendent d’être délivrées avec l’appui de la Cédéao qui a promis entre 3100 et 3300 hommes, certains pays-membres commencent à se retirer du projet initial, sous le prétexte de problèmes intérieurs qui sont prioritaires. C’est le cas du Burkina Faso et du Liberia qui ont décidé de ne pas fournir de troupes. Le Bénin, le Burkina et le Sénégal qui sont menacés par la présence des terroristes au nord du Mali ne proposent pourtant qu’une participation symbolique avec une unité réduite de moins de 500 hommes dont la plupart des policiers.
Le Niger, le Nigeria et le Togo devaient composer le gros de la troupe avec, pour chacun, 600 hommes à mobiliser. Mais après concertation avec l’Algérie qui ne veut point d’une guerre contre les islamistes dont les chefs sont des Algériens, le Niger a décidé de ne plus participer à l’opération militaire. Rappelons que la logique de l’Algérie est une vision égocentrique au détriment du Mali. En effet, l’Algérie craint qu’une opération militaire ne pousse les chefs de guerre à se replier vers ce pays et à y répandre des opérations djihadistes comme du temps du Fis et du Gspc dont ils sont des produits. Et il y a des doutes justement sur l’Algérie qui laisse Aqmi s’approvisionner librement chez elle en vivres, carburant et pièces de rechange à Tamanrasset.
Un autre pays du champ qui devait être au cœur de l’opération a décidé de tourner le dos à une opération militaire conjointe pour ne s’occuper que de sa sécurité intérieure. Il s’agit de la Mauritanie qui a quand même rassuré que son territoire ne sera jamais utilisé comme base de repli. Faut-il croire ce pays sur parole si nous savons qu’il sert de base au Mnla ? Là gît une incertitude.
Il apparaît que, pour le moment, le Togo et le Nigeria restent les pays les plus engagés pour constituer une force de la Cédéao. Pour le Nigeria, cela se comprend aisément car il y a bien une jonction entre le Mujao et le Boko Haram qui a donné un coup de main pour la prise de la ville de Gao au nord du Mali. A ces deux pays, il faut ajouter le Tchad, conscient de la menace terroriste en tant que pays de la bande sahélo-saharienne, mais surtout possédant une armée aguerrie en matière de guerre dans le désert, en plus d’un bon équipement militaire. Son appui sera déterminant.
Organiser d’abord des élections, selon les Américains
Mais il faudra surtout espérer la logistique promise par l’Europe, notamment au niveau du matériel aérien pour le transport des troupes, les renseignements. Il reste à confirmer la participation des drones américains pour des opérations de frappes aériennes chirurgicales ciblées, en mesure de porter un coup dur aux islamistes en décapitant les différentes katibas et brigades. Rappelons que pour les Etats-unis, il faut d’abord organiser des élections pour avoir des dirigeants légitimes qui pourraient prendre en charge les négociations. Mais négocier quoi et avec qui restera toujours le point de blocage de la voie pacifique. La guerre est inévitable et il faut s’y préparer, même si la Mission d’intervention de la Cédéao au Mali (Micema) peine à être mobilisée.
En effet, dans cet environnement de défections, d’incertitudes et de manœuvres dilatoires de certains pays de la communauté internationale, le Mali doit chercher, à travers un sursaut d’orgueil national, à prendre son destin en mains. C’est là où il faut donner raison à ceux qui clament que notre pays doit d’abord compter sur ses propres forces et se préparer en conséquences pour aller à la reconquête de la partie du territoire occupée par les bandits armés. C’est aussi cela la voie de salut du capitaine Sanogo et le Cnrdre qui pourront, après la victoire, convaincre du bien-fondé de leur coup d’Etat et avoir ainsi droit à tous les honneurs et aux grades.