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Cheick Modibo Diarra lors de l’Assemblée générale de l’ONU : «Les Maliens, du Nord comme du Sud, attendent légitimement votre solidarité agissante»
Publié le lundi 1 octobre 2012  |  Le 22 Septembre


Cheick
© AFP
Cheick Modibo Diarra, Premier Ministre de la République du Mali participe à l`Assemblée générale des Nations Unies le 26 Septembre 2012, à New York


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Permettez-moi, tout d’abord, de vous adresser les chaleureuses félicitations de la délégation du Mali pour votre brillante élection à la présidence de la 67ème session de l’Assemblée générale.

Le choix porté sur votre personne consacre, s’il en était besoin, la reconnaissance de vos qualités de diplomate chevronné. Il est aussi un hommage rendu à votre pays, la Serbie, qui entretient avec le mien d’excellentes relations d’amitié et de coopération.

Soyez assuré, Monsieur le Président, de la disponibilité totale de ma délégation à œuvrer avec vous pour une pleine réussite de votre mandat.

Dans le même esprit, je voudrais exprimer ma haute appréciation à l’endroit de votre distingué prédécesseur, l’Ambassadeur Nassir Abdulaziz Al-Nasser, pour la manière remarquable avec laquelle il a dirigé les travaux de la précédente session.

Je saisis également cette occasion pour saluer chaleureusement Monsieur Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies, pour son engagement constant en faveur des idéaux de notre organisation commune.

«L’ajustement ou le règlement des différends internationaux par des moyens pacifiques» que vous avez bien voulu proposer comme thème central du débat général, s’inscrit de façon opportune, dans le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies, dont les dispositions pertinentes visent à circonscrire les foyers de tension par la négociation, la médiation, la conciliation, l’arbitrage, le règlement judiciaire, le recours aux organismes ou accords régionaux ou par d’autres moyens pacifiques.

Ce thème est d’une brûlante actualité au regard des multiples crises et conflits qui menacent sérieusement la paix et la sécurité internationales.

Le règlement des différends par des moyens pacifiques revêt une dimension toute particulière pour mon pays, le Mali, fermement attaché aux idéaux de paix et de stabilité qui, cependant, traverse aujourd’hui l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. Sa partie septentrionale est occupée par des bandes armées composées de terroristes intégristes, narcotrafiquants et autres criminels de tout acabit.

Les droits les plus élémentaires de la personne humaine y sont violés continuellement par une horde de vandales sans foi ni loi. A ce sujet, le Gouvernement du Mali vient de saisir la Cour pénale internationale pour l’examen de ces actes odieux, qui ne sont ni plus ni moins que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Flagellations, amputations de membres, exécutions sommaires, viols, lapidations, mais aussi pillages, destructions de sites et monuments culturels et historiques sont le lot quotidien des populations du Nord du Mali meurtries et désemparées.

Ce constat douloureux et alarmant a amené le Président de la République par Intérim à requérir, le 1er septembre 2012, l’aide de la CEDEAO pour recouvrer les territoires occupés et lutter contre le terrorisme. Des demandes similaires ont été adressées au Conseil de sécurité des Nations Unies, à travers le Secrétaire général; ainsi qu’à la République Française, aux Etats-Unis d’Amérique, à l’Union Africaine et à l’Union Européenne.

Cependant, je tiens à souligner avec force que la résolution durable de la situation au Sahel requiert une coopération plus renforcée et dynamique entre les Etats de la bande sahélo saharienne. A cet égard, le Gouvernement du Mali reste favorable à la tenue d’une rencontre au sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la région du Sahel, avec l’appui des Nations Unies et d’autres partenaires, afin de soutenir et de renforcer les capacités et le dispositif de coordination des mécanismes régionaux en place.

Dans le cas spécifique de notre espace commun, les pays du champ (Algérie, Niger, Mali et Mauritanie) ont mis en place des mécanismes comme le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) basé à Tamanrasset (Algérie), les patrouilles mixtes et les droits de poursuite… Mais force est de reconnaître que ces mécanismes ont besoin d’être pleinement opérationnels. C’est le lieu d’appeler à l’appui de la communauté internationale pour la mise en œuvre effective de ces mécanismes.

Ma délégation voudrait ici souligner avec force que la situation d’agression et d’occupation que vit le Mali dans son septentrion est une conséquence collatérale majeure de la crise libyenne, comme en témoigne le Rapport de la mission conjointe des Nations Unies et de l’Union Africaine sur l’évaluation de l’impact de la crise libyenne dans la région du Sahel, adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies en janvier 2012.

La présence aujourd’hui de groupes terroristes de diverses nationalités sur notre sol et dans la région du Sahel est une situation qui doit mobiliser toute la Communauté internationale, pour une action concertée, rapide et efficace, car cette menace ignore les frontières.

C’est le lieu de réaffirmer la détermination du Gouvernement du Mali à poursuivre l’œuvre entamée avec les autres pays du champ dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et les velléités irrédentistes et subversives dans la bande sahélo-saharienne.

Parallèlement à cette démarche, je voudrais réaffirmer l’engagement du Président de la République par Intérim et du Gouvernement du Mali à négocier avec nos compatriotes qui ne sont pas des terroristes. Je l’ai souvent dit et je le répète du haut de cette tribune des Nations Unies: au Mali, nous n’avons ni peur ni honte de négocier, mais nous n’allons pas négocier avec des terroristes, nous ne sommes pas prêts à négocier les questions qui remettent en cause l’intégrité du territoire, l’unité nationale et la laïcité de la République.

La situation qui sévit dans le septentrion du Mali du fait de l’occupation a eu pour conséquence la détérioration des conditions humanitaires, déjà précaires, avec son flot de déplacés à l’intérieur et de réfugiés dans les Etats voisins.

Du fait de la crise, environ 353 177 personnes ont été forcées de fuir le Nord du Mali, dont 84 402 déplacées internes et 268 775 réfugiés dans les pays voisins.

La crise a également compromis l’accès à l’éducation de 560 461 enfants en âge scolaire, dont 300 000 scolarisés avant la crise, l’endommagement des structures éducatives et des équipements, le déplacement de 85% des enseignants et de 10 000 élèves vers le sud, et de 50 000 enfants en âge scolaire vers les pays voisins, et l’occupation des écoles par les victimes d’inondations au sud.

Comme vous pouvez le constater, le Mali fait face à des besoins humanitaires énormes, en termes de logements, d’alimentation, de services de santé, d’éducation et de nutrition pour les réfugiés, les déplacés et les soutiens de famille.

Durant son séjour dans la région, le Haut Commissaire aux réfugiés des Nations Unies a déclaré le 31 juillet 2012, je cite: «la crise au Mali est l’une des urgences humanitaires les plus négligées du monde». Il a révélé que, sur un appel de fonds de 153 millions de dollars US, le HCR n’a reçu que 49,9 millions de dollars US pour faire face à cette crise humanitaire.

La Secrétaire générale adjointe des Nations Unies chargée des Affaires humanitaires, Madame Valérie Amos, au cours de sa visite au Mali au mois d’août dernier, a rappelé le besoin de 213 millions de dollars pour faire face à la crise humanitaire qui frappe actuellement mon pays. C’est dire que la situation humanitaire ne cesse de se dégrader, accroissant ainsi le coût de l’intervention.

Je voudrais ici réitérer les remerciements du peuple et du Gouvernement du Mali aux pays frères et à tous les partenaires de bonne volonté, pour l’accueil et l’hospitalité offerts à nos compatriotes et pour leurs généreuses contributions.

J’en appelle donc à davantage de mobilisation de tous les partenaires et amis du Mali ainsi qu’à la coordination de l’aide en faveur des Maliens déplacés ou réfugiés.

Un Gouvernement d’union nationale a été mis en place, le 20 août 2012, avec pour misions fondamentales la libération rapide des régions Nord du pays ainsi que l’organisation d’élections démocratiques, transparentes, justes et crédibles.

Dans la perspective du recouvrement de l’intégrité territoriale, nous sollicitons l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité autorisant, sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, l’intervention d’une force militaire internationale, afin d’aider l’Armée malienne à reconquérir et à sécuriser le territoire national.

Le Gouvernement du Mali souhaite la présence immédiate de cette force pour appuyer les forces de défense et de sécurité du Mali dans l’accomplissement de leurs missions régaliennes de reconquête et de préservation de l’intégrité territoriale et de protection des personnes et des biens.

Le Peuple malien nourrit l’espoir que les membres du Conseil de sécurité accorderont une bienveillante attention à cette requête.

Je voudrais saisir cette occasion pour réitérer la reconnaissance du peuple et du Gouvernement du Mali à la CEDEAO, à l’Union Africaine et à l’Organisation des Nations Unies pour les efforts qu’elles ne cessent de déployer afin de juguler, de façon durable, la crise au Mali, crise qui menace également la stabilité de la sous-région, de l’Afrique voire au-delà.

Notre session se tient à un moment où les pays en développement sont confrontés à de nombreux défis majeurs, notamment les conséquences de la crise économique et financière, le fardeau de la dette extérieure, la baisse de l’aide au développement.

Face à cette situation, il y a lieu d’approfondir la réflexion sur de nouvelles stratégies de mobilisation de ressources supplémentaires stables et prévisibles pour assurer le financement des programmes de développement et l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécurité alimentaire et de l’environnement.

Les changements climatiques constituent l’un des défis majeurs auxquels le monde est confronté. La survie de notre planète se trouve menacée par des calamités naturelles causées par ce phénomène, qui affecte gravement les conditions de vie dans les pays sahéliens comme le mien, à travers notamment l’avancée inexorable du désert, l’ensablement des fleuves, particulièrement le fleuve Niger, la détérioration de l’écosystème, les inondations et les mauvaises répartitions de pluies.

Je tiens à souligner la nécessité de trouver des réponses appropriées à cette grave situation, afin d’éviter des répercussions dramatiques sur le développement durable dans les pays les plus vulnérables.

L’Organisation des Nations Unies a un rôle crucial à jouer dans l’édification d’un nouvel ordre mondial, fondé sur la justice, la solidarité et le développement durable.

Aussi, afin de faire face aux défis actuels et futurs, il importe que l’ONU, dans son mode de fonctionnement actuel, soit revue pour tenir compte de la nouvelle configuration mondiale, fondamentalement différente de celle qui prévalait au moment de sa création.

Cette révision devrait permettre, entre autres, de corriger le déséquilibre historique qui continue d’exclure l’Afrique du cercle restreint des pays membres permanents du Conseil de Sécurité.

Pour terminer, je voudrais que vous conveniez encore une fois avec moi que la situation au Mali est une manifestation des enjeux de la sécurité au Sahel, qu’elle doit par conséquent faire l’objet d’un traitement global avec les mécanismes appropriés des Nations Unies.

Il y a donc urgence à agir, d’abord pour abréger les souffrances des populations maliennes et ensuite pour prévenir une situation similaire, sinon beaucoup plus complexe, pour les peuples du Sahel voire le reste du monde.

Il y a également urgence à agir, car les activités criminelles et terroristes dans le Nord du Mali et les risques sécuritaires qu’elles font peser aujourd’hui sur l’ensemble de la sous-région sont, à terme, une menace sérieuse pour le reste du monde.

Il y a enfin urgence à agir pour la reprise de la coopération avec nos partenaires bilatéraux et multilatéraux, afin de consolider une République fondée sur des valeurs laïques et démocratiques.

Aujourd’hui, notre peuple est gravement affecté. Mais les Maliens n’ont pas perdu espoir, car convaincus du soutien des autres nations, dont vous êtes les décideurs et les représentants ici.

Les Maliens du Nord comme du Sud attendent légitimement votre solidarité agissante pour sortir de cette crise.

Notre peuple est convaincu que son appel à la solidarité internationale sera entendu et suivi de mesures appropriées. Les Maliens savent que vous en avez les moyens. Ils attendent vos actions décisives et diligentes.

Il y va de la sécurité et de la stabilité de notre sous-région, de l’Afrique et du monde.

Je vous remercie de votre bienveillante attention.
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