La marche de la Coordination des organisations des patriotes du Mali (Copam) a été reportée sine die. Cette marche avait pour objectif de demander au gouvernement et au CNRDRE l’organisation rapide d’une convention pour désigner les organes de transition. Dans l’entretien ci-dessous Hamadoun Amion Guido, le président de la Copam évoque les raisons de ce report, la crise au nord. Pour lui, celle-ci a ses racines à Bamako.
Les Echos : Pourquoi votre marche a été reportée ? Est-ce que ce sont les autorités qui ne l’ont pas autorisée ?
Hamadoun Amion Guindo : Chaque fois que nous prévoyons d’organiser une activité, 24 h avant nous nous rencontrons pour évaluer la mise en œuvre de la décision. C’est ainsi que lundi, le directoire de la Copam s’est réuni avec ses commissions d’organisation et de communication. Nous avons évalué la situation sociopolitique et au regard des informations qui nous sont parvenues, nous avons estimé qu’il fallait reporter la marche d’abord pour des raisons de sécurité. Parce que depuis quelques jours il y a des choses qui se passent à Bamako et nous avons estimé qu’il n’était pas prudent d’engager beaucoup de monde et qu’il est possible qu’il y ait des infiltrations de tout bord. Nous avons donc des doutes sur la sécurisation réelle de la marche ; qu’il fallait prendre de recul. Mais comme cette marche avait pour objet de demander qu’on aille immédiatement à une convention nationale, nous avons pris des dispositions pour que effectivement au niveau de la Primature et du CNRDRE on puise aller à la convocation de cette convention nationale
Les Echos : Que répond la Copam aux Maliens qui estiment que vous les politiques êtes beaucoup plus préoccupés par les délices du pouvoir que la résolution de la crise au nord ?
H. A. G. : Il y a deux interprétations ou deux visions très différentes à ce sujet. Tous les Maliens prennent le problème du Nord en priorité. Tous les Maliens sont du Nord comme du Sud. Il y a un brassage ethnique au Mali au point que quand vous touchez quelqu’un du Sud, vous touchez celui du Nord ou celui de l’Est. Le Mali est un et nous nous retrouvons tous dans cette unité-là. Cela dit, il faudrait qu’on ouvre les yeux. Il y a eu un changement de pouvoir le 22 mars et ce n’est qu’aux environs du 20 avril que nous avons eu un gouvernement. Du 22 mars au 20 avril, il n’y avait pas d’interlocuteur au Mali. Et s’il n’y a pas d’interlocuteur, il n’est pas possible d’engager une action encore moins au nord.
Maintenant, nous avons un gouvernement en place, mais quelque part il se crée à Bamako un banditisme avec des mercenaires, des contre coups d’Etat. L’armée n’arrive pas à se retrouver en elle-même avec des confrontations entre bérets rouges et bérets verts. Dans ces conditions, je dis que nous ne donnons pas le temps au nouveau gouvernement qui a été mis en place de se pencher sur le Nord bien que cela soit sa préoccupation essentielle. Autant il y a des hommes et des femmes déterminés à libérer ce pays dans sa totalité et venir en aide aux populations du nord, autant il y a d’autres Maliens et des Maliennes qui ne veulent pas que le Mali aille à cela.
On assiste à une certaine remise en cause des événements du 22 mars. Tout est fait à Bamako pour qu’on n’avance pas sur l’essentielle. D’aucuns diront que c’est une affaire du pouvoir. Nous ne pouvons pas le nier parce que quand vous changez un régime, un système, admettez qu’il y a beaucoup d’enjeux et d’intérêts autant personnels que collectifs. Ceux-là qui, aujourd’hui, ont été détrônés ou qui se sentent menacés dans leur chair et dans leur famille font une certaine légitimité de se défendre, mais nous nous aurions souhaité que cette défense se fasse au regard du droit et non pas dans la violence.
On ne peut pas imposer à tout le monde d’avoir la même vision, la même réaction. Il est fondamental aujourd’hui que si nous voulons avoir de percées réelles dans le recouvrement de la totalité du territoire malien, il faut maîtriser la situation à Bamako parce que cette crise du Nord a ses racines à Bamako ici. C’est à partir de Bamako que certaines instructions partent pour déstabiliser, donner des informations. Si nous ne maîtrisons pas totalement la situation à Bamako, il ne serait pas facile à un gouvernement de s’engager au nord bien que nous sentions que sur le terrain, du côté du Niger et de la 5e région, il y a des percées de l’armée malienne. Cependant, la crise du nord n’est une affaire simple.
Les Echos : Certains jeunes, supposés proches de la Copam assiègent depuis le 22 mars l’Assemblée nationale. Les députés sont menacés. Que pensez-vous de ces agissements ?
H. A. G. : Dans un premier temps il y a eu effectivement des jeunes du Mosad (Mouvement pour la sauvegarde de la démocratie) qui ont occupé pendant 23 jours l’Assemblée nationale. Leur raison est qu’ils estimaient que l’Assemblée nationale était quelque part complice de tout ce qui est arrivé au Mali. Mais je pense qu’après certaines interventions, notamment celle du Premier ministre, ces jeunes ont accepté de se retirer et de laisser les députés aller au travail. Mais après le communiqué final d’Abidjan qui a ignoré complètement le peule malien, la Constitution, l’accord-cadre et aussi la Déclaration de Ouaga, ces jeunes ont dit que cela n’était pas acceptable.
En réaction à ce communiqué final d’Abidjan, ils ont réoccupé le terrain. En fait, ils n’empêchent pas les députés de travailler. Si les députés veulent travailler, ils ont la latitude d’aller et de travailler normalement. Mais les jeunes disent qu’ils vont marquer leur présence en face pour leur dire qu’ils sont là présents, mais sans violence. Mais après le sommet de Dakar qui a remis les choses dans le contexte normal, je pense que les jeunes tireront les leçons de cette affaire et que nos honorables pourront continuer à travailler. Après avoir échangé avec ces jeunes, nous avons constaté qu’à leur niveau il n’y a pas de violence.
Propos recueillis par
Denis Koné