Malgré le projet de construction d’une usine de production nationale, le marché continue d’être inondé
Durant les vingt dernières années, le secteur immobilier a littéralement explosé dans notre pays. Jusqu’aux événements du 22 mars, des chantiers poussaient dans les quartiers comme des champignons et dans presque toutes les villes du pays. Dans le nord du pays l’éclaire métamorphose de la ville de Gao ne laisse aucun visiteur indifférent. En cinq ce sont des centaines d’immeubles qui ont poussé de terre le long de l’avenue menant à l’aéroport. À Bamako, de nouvelles cités paradisiaques surgissent de terre. Dans les vieux quartiers, les vielles maisons cèdent progressivement la place à des nouveaux immeubles multifonctionnels (logement pour les particuliers, Bureaux et/ou espaces commerciaux pour les entreprises). Ce boom immobilier a stimulé l’intérêt d’un groupe d’investisseurs indiens qui ont en chantier la construction d’une chaîne de production de ciment, composée de deux usines. La principale unité de production est basée à Gangontérie à Diamou dans la région de Kayes et la seconde est installée tout près à Dio dans le cercle de Kati. La nouvelle usine a sorti son premier sac de ciment, il y a environ un mois et demi.
La croissance de l’immobilier avait également dynamité le secteur de la quincaillerie (le commerce des matériaux de construction) poussant à la hausse le volume des importations du ciment. Mais, depuis l’annonce de la construction de la nouvelle cimenterie, le secteur des importations commence à se contracter. La liste des importateurs s’est fortement fondue en 2011 passant de 202 en 2008 à seulement 126 en 2011 contre un pic de 247 importateurs en 2009. C’est également à partir de 2009, que la liste a commencé à décroître. Ainsi en 2010, le nombre des importateurs tombe à 210 sur la liste. Selon certains vendeurs rencontrés, les importateurs ont eu peur de se retrouver avec un volume important de ciments importés vendu plus cher que la production nationale. Le cimentier local ambitionnait de vendre la tonne à 80 000 FCFA (prix carreau à l’usine). Le consommateur final pouvait accéder au sac à moins 5000 FCFA. Mais, compte tenu des facteurs imprévisibles liés à l’installation des équipements de l’usine mère à Gangontérie, la structure des prix initialement proposé par l’investisseur a été légèrement modifiée pour lui permettre de faire retour sur investissement en terme échu. Ainsi le prix carreau est passe de 80 à 90 000 FCFA et le consommateur final a le sac à 5000 FCFA.
Mais, à la lumière des statistiques recueillies auprès de la Direction nationale du commerce et de la concurrence (DNCC), on remarque de la réduction de la liste n’a pas fortement influé sur le volume des importations. Notre pays demeure encore l’une des terres nourricières des cimentiers des pays voisins. Selon des sources bien informées, une grosse banque de la place, après avoir donné son quitus pour participer au financement de notre nouvelle cimenterie se serait rétractée après. Le projet de cimenterie au Mali est intervenu à un moment où la Banque ouest africaine du développement (BOAD) avait participé au financement d’un projet d’extension d’une usine de ciment au Sénégal. Or, la BOAD est actionnaire dans la dite institution. Officieusement, les responsables de la banque ont justifié leur geste par la nécessité de sauver un partenaire stratégique au Sénégal. Le devoir de solidarité visait à lui permettre de faire retour sur investissement. La BOAD avait contribué au financement du projet d’extension d’une autre cimenterie au Sénégal. Or celle-ci avait misé sur le marché malien pour accroître sa capacité de production. Donc, en finançant un autre projet similaire au Mali, elle courrait le risque de ne pas se faire payer par son débiteur, qui pouvait lui reprocher le financement d’un concurrent au Mali.
Quoi qu’il en soit, à la lumière des chiffres recueillis auprès de la Direction nationale du commerce et de la concurrence (DNCC), force est de reconnaître que le volume des importations au Mali n’intègre pas encore la nouvelle donne. Car, en attendant la validation des chiffres de 2011, la situation des importations durant les années 2008 ; 2009 et 2010, – la seule vérité des chiffres faisant foi, présente un tableau pas optimiste. Le volume et les valeurs marchands vont crescendo :
2008 : notre pays importa 1 041 223, 480 tonnes pour une valeur de + 78 milliards Fcfa.
2009 : nous avons importé 1 188 294,934 tonnes pour une valeur de + 84 milliards de FCFA.
2010 : ces chiffres sont passés à 1 307 791,363 tonnes pour une valeur de + 87 milliards FCFA.
À l’analyse, on se rend compte que les chiffres sont très favorables encore à l’importation du ciment au Mali. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour notre économie.
Car, quel que soit le niveau d’organisation et de développement d’un pays l’importation peut venir à bout de son économie. Les pays les plus nantis d’Europe et d’Amérique souffrent actuellement des effets pervers de ce fléau à fortiori des économies faibles comme la nôtre. La crise économique avec ses conséquences sur la contraction du marché d’emploi dans ces pays doit en partie ses explications à la dépendance de leur économie à l’importation. Mais, tant que certains fonctionnaires corrompus y trouvant leur compte, ils feront tout pour diluer toutes les initiatives tendant à favoriser la production nationale du ciment, un produit de grande consommation.