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L'Indépendant N° 3112 du 28/9/2012

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Une source militaire bien informée le révèle sous anonymat : « L’armée malienne possède les moyens pour reconquérir le nord ».
Publié le mardi 2 octobre 2012  |  L'Indépendant


Armée
© Autre presse par DR
Armée malienne


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Un reportage de la chaine de télévision privée sénégalaise, Canal Info, diffusé à plusieurs reprises (la dernière remonte à hier après-midi) dresse un tableau accablant de la responsabilité de l’ex-président ATT dans la situation dramatique que vit son pays depuis le coup d’Etat militaire du 22 mars 2012, suivi de sa partition de fait en deux entités. Celui qui fut gratifié du sobriquet flatteur de « soldat de la démocratie » et a joui d’un rayonnement mondial en raison du rôle déterminant qu’il a joué dans l’avènement et l’affermissement du « meilleur des systèmes politiques jamais inventés par l’Homme » selon l’historien grec Hérodote, y est accusé par Dr Seydou Badian Kouyaté (ancien ministre), Pr Aly Nouhoum Diallo ( ex-président de l’Assemblée nationale) et le Capitaine Amadou Haya Sanogo, chef des putschistes, de n’avoir pas doté le Mali d’une « armée digne de ce nom ». Pire, si l’on ose l’écrire, d’avoir accueilli à bras ouverts et sous une flopée de cadeaux les ex-légionnaires islamiques de Kadhafi « puissamment armés » alors que nos voisins nigérien, algérien et mauritanien avaient pris soin de les désarmer avant de les laisser pénétrer sur leurs territoires. Un acte assimilable à de la « haute trahison » dira l’un d’eux.
Une source militaire très au fait de ce dossier, que nous avons approchée pour vérifier la véracité de ces accusations, les a battues en brèche. En faisant un état des lieux des équipements dont disposait l’armée malienne avant le déclenchement des hostilités, ceux acquis depuis et en souffrance dans les ports des pays voisins. Elle évoque aussi les actes posés pour améliorer les conditions de vie des militaires de toutes catégories, ainsi que la gestion faite des ex-combattants de Kadhafi.

Notre source, qui tient à garder l’anonymat pour une raison évidente, révèle que les forces de défense et de sécurité du Mali (l’appellation lui parait plus appropriée dans le contexte que celle d’ « armée ») occupaient, avant le déclenchement des hostilités à la mi-janvier dernier, le deuxième rang au sein de la CEDEAO après celle du Nigéria, en hommes et en matériels.

Les forces de défense et de sécurité du Mali comptent autour de 25 000 hommes dont 15 000 sont mobilisables dans des combats classiques. C’est un peu moins de la moitié de cet effectif, soit 7 000 hommes, qui avaient été programmés pour les récents affrontements au nord du Mali. Dans les faits, très peu d’entre eux ont eu l’occasion de se battre, les combats ayant cessé plus tôt que prévu à cause de la mutinerie ayant conduit au coup d’Etat.
Les autorités militaires maliennes ont toujours soutenu que « l’armée malienne ne manque pas d’hommes mais de moyens ». Notre source soutient, pour sa part, qu’elle ne manque ni d’hommes ni de moyens.

En effet, les forces de défense et de sécurité possédaient, avant les dernières hostilités, environ 1200 véhicules tous genres, du transport des troupes aux blindés légers et lourds. Au moins 350 véhicules (des jeep) ont été fournis par les Etats Unis d’Amérique dans le cadre de l’ETIA (Echelon Tactique Interarmes), une soixantaine d’autres types de véhicules ont été offerts par la France, 150 par le Japon et 160 par le Canada. Beaucoup d’engins ont été achetés par le Mali lui-même notamment auprès de l’Algérie. Certains de ces véhicules et engins de guerre ont été exhibés au public lors du grand défilé militaire à l’occasion du Cinquantenaire du Mali, le 22 septembre 2010, au grand étonnement de plusieurs personnalités étrangères de haut rang présentes à cette cérémonie sur l’Avenue du Mali, à l’ACI 2000.

Les forces de défense et de sécurité du Mali possèdent en quantité suffisante tous les types d’armes et munitions en usage dans les armées similaires, peut-être davantage et les mutins, qui n’en ignoraient rien, ont pu le vérifier lorsqu’ils se sont emparés des magasins d’armes et de munitions de Kati. Une partie seulement des stocks qui s’y trouvaient suffisait pour faire sauter tout le nord du Mali, tout au moins faire cesser les combats dans un délai rapide. Mais au lieu de repartir à l’assaut du nord, ils ont préféré utiliser ces armes pour vandaliser des biens publics et privés et régler leurs comptes avec les bérets rouges.
« Les forces de défense et de sécurité du Mali n’ont pas été surprises par les attaques au nord. Elles les ont vues venir et des dispositions avaient été prises pour équiper les principales garnisons du pays en armes, en munitions et véhicules conséquents » ajoute notre source.

L’armée de l’air du Mali n’est pas en reste. En plus des deux MIG 21 révisés sur les douze cloués au sol faute d’argent pour les entretenir et les remettre en état de voler et qui ont été exhibés le 22 septembre 2010, elle a acquis quatre MI 24 (des hélicoptères blindés qu’aucun autre pays de la CEDEAO ne possède à l’exception peut-être du Nigéria). Ce sont ces hélicoptères qui ont donné l’avantage aux forces de défense et de sécurité les premières semaines. Ayant compris la tactique de l’Etat-major général des armées, les agresseurs ont changé leur façon d’agir. Au lieu de se concentrer sur une localité et de s’exposer ainsi aux tirs des hélicoptères, ils se sont organisés en petits groupes qui attaquaient plusieurs localités en même temps, de préférence dans des zones très éloignées (la frontière algérienne) où le rayon d’action des aéronefs ne permettait pas de les joindre.

En plus de ces quatre hélicoptères dont un a été touché lors d’une attaque mais a été réparé et est en état de marche, l’armée de l’air compte deux Marchetti. Ces petits avions de fabrication italienne avaient été prêtés par Kadhafi pour participer au Grand défilé militaire du Cinquantenaire. La cérémonie terminée, plutôt que de les faire rapatrier comme prévu, le Guide, dans un élan de solidarité et de fraternité à l’endroit du peuple malien, les lui a offerts gracieusement. Ces appareils sont très utiles pour la reconnaissance et peuvent mitrailler l’ennemi à basse altitude.

Ce n’est pas tout. L’armée de l’air du Mali possède sous ses hangars, dans diverses localités du pays, dix avions offerts par la France pour le survol, l’observation et le renseignement. On imagine bien leur utilité dans le contexte qui prévaut au nord du Mali.

En prévision de la guerre qui s’annonçait, les forces de défense et de sécurité ont acheté cash, au dernier trimestre de 2011, deux avions de combat SUKOÏ 25 auprès d’un pays de l’ex-URSS. Leur livraison n’a pu se faire avant le coup d’Etat du 22 mars à cause du gel qui avait rendu impraticable la mer Baltique. Le SUKOÏ 25 est réputé pour sa rapidité et sa fiabilité. Il peut relier Bamako et Mopti (640 km) en 25 minutes, Bamako et Gao (1200 km) en 35 minutes, frapper son objectif et revenir à son point de départ avec son plein de carburant, ce que les hélicoptères MI 24, dont le rayon d’action est de 588 km, ne peuvent pas faire.

En plus des deux SUKOÏ 25 dont l’entrée en scène aurait pu modifier le cours de l’histoire, les forces de défense et de sécurité attendaient la livraison de trente engins blindés, de trente tanks, d’importantes cargaisons d’armes et de munitions de tous genres devant transiter par les ports de Dakar et Conakry, des véhicules pick-up devant transiter par le port d’Abidjan, quinze véhicules blindés également offerts par Kadhafi et devant transiter par la Mauritanie. A signaler que quatre jours avant le coup d’Etat, le 18 mars, un cargo avait atterri à Bamako avec à son bord 5 000 pistolets mitrailleurs et une quantité appréciable de lance-roquettes. Le 19 mars, trois jours avant le putsch, un autre cargo était arrivé avec, cette fois-ci, 50 mitrailleuses lourdes.

Cet état des lieux montre que les forces de défense et de sécurité du Mali possédaient bien les moyens militaires terrestres et aériens adéquats avant le coup d’Etat pour défendre le nord du Mali et protéger ses populations. Ces moyens pouvaient être accrus considérablement s’il n’y avait pas eu le coup d’Etat militaire et le blocage des cargos chargés d’équipement dans les ports des pays voisins pour des raisons administratives et juridiques auxquelles est venu se greffer l’embargo de la CEDEAO décidé en relation avec les partenaires internationaux jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé sur les modalités de l’intervention envisagée de la force africaine.

Amélioration des conditions de vie des militaires

Par ailleurs, les forces de défense et de sécurité du Mali ont bénéficié d’importantes mesures visant à améliorer leurs conditions de vie. C’est ainsi que leurs salaires et pensions ont augmenté à deux reprises au même titre que ceux de la fonction publique.

Conséquence de ces relèvements, un adjudant-chef peut toucher actuellement, salaire et prime confondus, environ 200 000 francs CFA, ce qui était impensable il y a une dizaine d’années.

Les militaires, gendarmes, policiers, douaniers, agents des eaux et forêts ont désormais droit à une tenue d’identification renouvelable chaque année, ce qui n’était pas le cas par le passé.

La création du grade de Major a décongestionné l’avancement des sous-officiers et celle de la Deuxième Sexions a rendu plus fluide la promotion des officiers, tout en prolongeant la durée de leur carrière, du moins pour certains d’entre eux.

Le ministère de la Défense s’est vu octroyer 5 milliards de francs CFA sur la cagnotte issue de la privatisation partielle de la SOTELMA pour la réhabilitation, la rénovation, voire la construction de casernes pour les militaires sur toute l’étendue du territoire national.
Des dispositions ont été prises pour rendre les militaires éligibles aux logements sociaux (les Attbougou) jusque-là réservés aux seuls civils.

D’autres dispositions ont été initiées pour favoriser la promotion des jeunes au sein des forces de défense et de sécurité.

Gestion des « ex-combattants » de Kadhafi

Venons-en à présent à l’autre accusation à savoir que ATT a laissé entrer au Mali les « hommes de Kadhafi » avec leurs armes, munitions et moyens mobiles en déroulant un tapis rouge sous leurs pieds quand les pays voisins que sont l’Algérie, le Niger, la Mauritanie ont pris soin de les désarmer. Notre source relève avec pertinence que si le Mali a pu accueillir ces hommes et leurs matériels de guerre, c’est que, contrairement à ce qui a été dit et répété dans le reportage, ils n’ont pas été « désarmés » par l’Algérie et le Niger, pays qui font tampon entre la Libye et le Mali.

Dès lors, une fois parvenus aux portes de Tinzawatten, deux possibilités s’offraient à ATT : leur livrer une guerre immédiate pour les rejeter d’où ils venaient, c’est-à-dire l’Algérie et le Niger, ou négocier pour les désarmer et les intégrer.

C’est la voie choisie par Bamako. Deux fers ont été mis au feu à cet effet : l’un politique, l’autre militaire. Le premier a consisté à l’envoi d’une délégation gouvernementale forte de six ministres, dirigée par le général Kafougouna Koné pour dialoguer avec les ex-légionnaires de retour au bercail des voies et moyens susceptibles de préserver la paix sociale et la sécurité des populations. Elle séjournera deux mois dans le septentrion, associant les notables, les élus nationaux et les citoyens ordinaires à l’entreprise. Résultat de la course : les populations civiles renouvellent leur adhésion à la République, leur attachement au « Grand Mali » mais des dizaines de jeunes ex-combattants en Libye, qui ont aussitôt rallié les grottes difficiles d’accès, refusent l’offre de paix.

Le fer militaire mis au feu produit des gains plus visibles. C’est le colonel El Hadj Gamou, Touareg loyaliste, qui a porté des coups sévères à AQMI, dans les années 2008-2010, quand la Mauritanie et l’Algérie avaient laissé au seul Mali le soin de lutter contre le terrorisme, se contentant, eux, de déclarations d’intention sans jamais lever le petit doigt, c’est donc Gamou qui est chargé par le président ATT d’obtenir le désarmement et le ralliement du plus grand nombre d’ex-légionnaires à la cause nationale. A la tête de soldats aguerris, qui s’honorent de mourir à ses côtés parce qu’ils ont vu la manière chevaleresque avec laquelle il a conduit et gagné des batailles, Gamou se rend dans les bleds de Tinzawatten, portant dans une main la Kalachnikov dont il ne se sépare jamais (même en dormant dit-on) et dans l’autre, le rameau d’olivier.

Les discussions avec ses congénères de retour sont productives : 600 d’entre eux acceptent de mettre leurs armes et leur savoir-faire acquis dans les camps d’entrainement libyens, les maquis tchadiens, soudanais et darfouriens au service de la patrie retrouvée en devenant des soldats. Si Tessalit, qui abrite l’une des bases les plus importantes du Mali, a résisté plusieurs semaines aux coups de boutoir du MNLA et d’Ançar Dine appuyés par AQMI, c’est grâce à la bravoure de ces hommes rompus aux ficelles de la guerre dans le désert. Les seuls soldats qui y sont tombés au champ d’honneur sont des leurs. Et s’ils ont quitté la ville, c’était sur l’ordre du chef de la garnison et pour rejoindre Gao d’où ils gagneront le Niger voisin. Ils y résident depuis, sous le commandement de leur tuteur Gamou, perçoivent leurs soldes du ministère de la Défense et attendent d’être redéployés sur le terrain le moment venu.

150 autres ex-combattants de Kadhafi, récupérés par le consul Abdrahmane Gala, ont servi le drapeau national, continuant à être fidèles et loyaux aux forces de défense et de sécurité et à la République, portant ainsi leur nombre à 750. Ce chiffre doit représenter entre la moitié et les deux tiers des ex-combattants en Libye, ce qui ne peut être considéré comme une mauvaise chose.

Au total, selon notre source, si les forces de défense et de sécurité ont reculé face à l’ennemi au nord, c’est moins par « manque de moyens matériel et logistique » ou parce que l’ex-président ATT a laissé rentrer au pays des « hommes lourdement armés » venant de Libye qu’à cause d’un déficit de volonté de se battre chez les soldats. Tout le monde s’accorde là-dessus : la mutinerie, en brisant la chaine de commandement pour ensuite renverser l’autorité centrale, a précipité la débâcle et ouvert un boulevard à la partition.

Saouti Haïdara

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