Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a qualifié jeudi à Gao la mort de trois manifestants dans cette ville du nord du pays de "crime qui ne restera pas impuni", tout en assurant que la force de l’ONU contre laquelle ils protestaient n’était "pas l’ennemie" du Mali.
Le chef de l’Etat malien est rentré dans l’après-midi de Gao, où il était arrivé dans la matinée, 48 heures après la mort des trois manifestants, renonçant ainsi à participer au sommet de l’Union africaine (UA) prévu vendredi et samedi à Addis Abeba (Ethiopie), selon son entourage.
"Des enquêtes seront menées pour établir les responsabilités. Ce crime ne restera pas impuni", a déclaré à la presse M. Keïta, accompagné par le numéro deux de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), Arnauld Akodjènou.
"Je suis venu vous témoigner mon affection. Je suis de tout coeur avec vous, le Mali est de tout coeur avec vous", a-t-il ajouté lors d’une rencontre avec des représentants de la société civile et des habitants.
"Je voudrais également vous dire que la Minusma n’est pas notre ennemie. Il faut éviter d’être influencé par d’autres individus qui n’aiment pas notre bonheur", a lancé M. Keïta, sans préciser qui il visait.
Cette visite intervient au lendemain d’une attaque lancée par un groupe armé pro-gouvernemental qui a fait une dizaine de morts, six rebelles et plusieurs assaillants, dont des kamikazes, près de Tabankort, à mi-chemin entre Kidal, fief de la rébellion, et Gao, contrôlé par les forces favorables
à Bamako.
Le chef de l’Etat a rendu visite à l’hôpital aux blessés et aux familles des trois tués lors de cette manifestation devant le siège de la Minusma contre la "zone temporaire de sécurité" que voulait instituer la force multinationale à Tabankort, en accord avec les rebelles, afin de parvenir à un
cessez-le-feu.
Les affrontements meurtriers, notamment pour les civils, se succèdent depuis un mois dans cette région entre rebelles et groupes armés favorables à Bamako, à dominante touareg et arabe de part et d’autre.
La Minusma, déployée dans le nord du Mali depuis juillet 2013, a renoncé à instaurer cette "zone temporaire" après la mort des manifestants, hostiles au désarmement ou au retrait des forces loyalistes de Tabankort, et a ouvert une enquête sur l’action de ses policiers.
Le gouvernement malien s’est félicité mercredi de l’abandon de ce projet et a exhorté la Minusma à assurer la "protection de toutes les populations civiles", tout en appelant "au calme et à la retenue".
Les affrontements à Tabankort mettent en péril le processus de paix, engagé par des négociations à Alger à l’été 2014, avaient prévenu le 23 janvier l’Algérie et l’ONU.
Le 20 janvier, des hélicoptères de la Minusma avaient détruit un véhicule rebelle près de Tabankort. L’ONU avait invoqué la "légitime défense", mais la rébellion l’avait accusée de violation de neutralité, faisant état de sept morts et 20 blessés dans ses rangs.
Le nord du Mali était tombé au printemps 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, en grande partie chassés par l’opération Serval, lancée à l’initiative de la France début 2013, à laquelle a succédé en août 2014 l’opération Barkhane, dont le rayon d’action s’étend à l’ensemble de la
zone sahélo-saharienne.
Des zones entières du nord du pays échappent encore au contrôle du pouvoir central.
M. Keïta s’était ainsi rendu pour la première fois dans la région de Mopti, située à la limite du nord du pays, en mars 2014, plus de sept mois après son élection en août 2013.
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