Les responsables politiques mauritaniens font part de leurs craintes concernant une possible intervention militaire au Mali.
Bien que la Mauritanie n’ait adopté aucune position officielle sur la crise au Mali, les partis politiques font connaître leurs positions sur une possible intervention.
Le Rassemblement national pour la réforme et le développement (Tawassoul) a mis en garde, le dimanche 30 septembre, contre les « conséquences négatives fatales pour le Sahel et le Sahara d’une possible intervention étrangère de la part des Etats occidentaux dans la région de l’Azaouad, dans le nord du Mali ».
« Nous refusons que le nord du Mali soit transformé en théâtre d’opérations d’une guerre régionale, dont personne ne saurait prévoir les conséquences et la durée, car la Mauritanie sera inévitablement le premier pays affecté par cette guerre, et que seul le terrorisme pourra en bénéficier », a déclaré ce parti islamiste dans un communiqué.
Il a insisté sur le fait que « les pays voisins, l’Union africaine et les Nations unies doivent mettre en oeuvre tous les efforts possibles et exercer toutes formes de pressions sur les frères rivaux pour qu’ils s’asseoient à la table des négociations et résolvent leurs problèmes par le biais du dialogue et du règlement à l’amiable, plutôt que par la force et la violence ».
Selon Tawassoul, le but est de « protéger l’intégrité territoriale du Mali, de préserver les droits de toutes les composantes du peuple malien frère et de répondre à toutes les doléances dont la région de l’Azaouad a été victime ».
Ce communiqué du parti islamiste a suscité des réactions mitigées de la part des élites mauritaniennes.
« Tawassoul rejette la politique du Président Mohamed Ould Abdel Aziz au Mali, notamment au vu de la publicité faite à cette intervention occidentale dirigée par la France dans ce pays et à la possibilité de voir la Mauritanie elle-même être le fer de lance de cette guerre », a expliqué à Magharebia le politologue Mohamed Salem.
« On sait que la Mauritanie sera le premier pays affecté du fait de la proximité d’al-Qaida et de la longueur de sa frontière », a-t-il ajouté.
Lors de sa visite de dimanche dernier à Alger, le commandant de l’US Africa Command (AFRICOM), le général Carter F. Ham a indiqué que « la seule alternative totalement exclue est une présence militaire américaine dans le nord du Mali ».
Salem a interprété cette déclaration comme « un soutien à la position algérienne » de la part des Etats-Unis, qui se fonde sur une solution politique.
« La participation de la Mauritanie à cette guerre affecterait négativement la sécurité de ce pays, parce que les organisations terroristes présentes dans le nord du Mali se retrouveraient contraintes de trouver un refuge après avoir souffert de graves revers et avoir été forcées de mobiliser leurs cellules dormantes en Mauritanie », a commenté le directeur de Sahara Media Sidi Mohamed Ould Younis.
Il a ajouté qu’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) n’a pas perçu « un réel danger » de la part de la Mauritanie au cours des dernières années, mais que cette perception pourrait être revue si la Mauritanie s’impliquait militairement au Mali. AQMI « utilisera alors tous les moyens pour viser le régime qui aura pris cette décision de guerre », selon Salem.
Un avis que ne partage pas le journaliste et poète Aboubacr Ould Elmami. Selon lui, la Mauritanie ne peut « rester oisive » alors que la situation sécuritaire au Mali a un impact direct sur elle.
« La meilleure preuve en est l’accident douloureux au cours duquel des imams mauritaniens ont été tués il y a quelques semaines. Par conséquent, les autorités mauritaniennes se doivent de définir comment elles peuvent contribuer à un retour à la normale de la situation au Mali », a-t-il expliqué.
Pour sa part, le jeune militant politique Mohamed Ould Amar espère que les différences d’opinion concernant la situation au Mali ne déboucheront pas sur des divisions politiques en Mauritanie.
« Les circonstances actuelles ne peuvent le permettre, et tous doivent rapprocher leurs positions sur une question qui est avant tout une question de sécurité avant d’être une affaire de nature politique », a-t-il expliqué. « Les citoyens ordinaires ne sont préoccupés que par leur sécurité personnelle et la protection de leurs vies. »