De nos jours, Bamako, la capitale malienne «abrite» plus de 500 bars. Une véritable industrie du plaisir, qui est en train de prendre de l’ampleur, transformant la ville en un Las Vegas sous nos tropiques, un haut lieu de débauche où argent, drogue, alcool et sexe coulent à flot. Ils se la coulent douce, ces gérants et tenanciers d’établissements et bars « chinois » avec un chiffre d’affaires journalier avoisinant ou même dépassant les 500.000 F CFA. Enquête sur l’essor économique d’un milieu en pleine prospérité aux dépens de nos us et coutumes.
En effet, les bars communément appelés aujourd’hui « bars chinois », poussent comme des champignons un peu partout dans le District de Bamako. Une activité lucrative qui fait beaucoup d’heureux. Mais, selon le décret 06-340/P-RM du 10 aout 2006 portant sur les conditions d’ouverture d’un établissement hôtelier en République du Mali dispose que «aucun établissement de tourisme ne peut être établi à proximité des édifices ci-après : les lieux de culte, les cimetières, les établissements scolaires, les établissements hospitaliers et centres de santé et les casernes. Un établissement de tourisme ne peut être établi entre deux maisons d’habitation ou à proximité de maisons d’habitation s’il est de nature à créer des nuisances de voisinage».
A retenir ici que les conditions d’ouverture d’un bar restaurant ne sont pas différentes de celles d’un hôtel. Au Mali, il n’y a aucun texte qui interdit l’ouverture d’un bar, mais de là à se trouver au voisinage des habitations, reste une autre forme d’atteinte à la pudeur du citoyen. C’est pourquoi, des associations et organisations religieuses, les associations pour la défense des droits de l’Homme montent parfois au créneau pour dénoncer les conséquences de la prolifération de ces établissements sur l’éducation des enfants. Certaines de ces associations vont même jusqu’à pointer un doigt accusateur sur les riches propriétaires fonciers. A les croire, ces derniers encouragent la persistance du phénomène en louant à des centaines de milliers de nos francs aux exploitants des maisons qui, au départ, étaient uniquement à usage d’habitation, mais finalement ont été transformées pour servir des bars et des maisons de passe.
Cependant, il est à préciser que la ville de Bamako doit la multiplication de ces établissements de joie à l’arrivée des asiatiques, notamment des Chinois, Vietnamiens et Malaisiens. Les chinois sont venus révolutionner ce secteur jadis tenu par des maliens. Ils y ont mis leur talent et tout leur savoir faire, au point de transformer certains coins de Bamako en un véritable quartier chinois. Le constat est que l’ACI 2000 passe pour être l’un des coins les plus prolifiques en la matière. Selon nos sources, plus d’une vingtaine de bars chinois s’y trouvent, transformant du coup le quartier en un lieu de commerce d’alcool et de sexe.
Toujours selon nos sources, la rue Blabla à l’hippodrome, appelée aussi rue princesse, concentre, à elle seule, plusieurs maquis. Pendant la nuit, c’est un autre spectacle, un autre visage que prend cet endroit. Des affiches et des lumières multicolores. Bref tout y est investi pour signaler au visiteur et l’inviter à entrer dans ces nombreux coins de joie.
Le boom de ce secteur d’activités était d’abord le fait des asiatiques, qui ont su se frayer un chemin. Après, sont venus s’y ajouter, entre autres, des ivoiriens, européens, libanais, camerounais, togolais et maliens.
Un secteur en pleine prospérité
De Hamdallaye ACI à Baco-Djicoroni ACI et Golf en passant par Sébénicoro, Daoudabougou et autres, cet empire du mal s’installe dans la quasi-totalité des quartiers de la capitale malienne. Ainsi, une bonne partie de ces tenanciers se frottent aujourd’hui les mains. Sans tambour, ni trompette, ils agrandissent leur chiffre d’affaires, au jour le jour, en gagnant quelques centaines de milliers, voire même des millions de FCFA pour certains, en une seule journée.
Selon le gérant d’un bar situé dans le quartier de Baco-Djicoroni ACI, son chiffre d’affaire journalier est souvent de 500.000 F CFA ou même plus. Ainsi, dit-il, dans les boissons où plus d’une vingtaine de casiers de bière peuvent être vendus, les recettes journalières de la boite varient entre 250.000 à 400.000 FCFA, la cuisine qui marche moins est de 20.000 à 30.000 F CFA. Quant aux chambres dont l’heure varie entre 4000 et 2000 F CFA selon qu’elles soient climatisées ou pas, ont une recette journalière qui se situe entre 30.000 et 75.000 F CFA selon les jours.
Et à cet autre gérant d’un bar chic de Baco-Djicoroni d’ajouter que les affaires marchent à merveille. Parce qu’en cette période de crise, dit-il, «je peux avoir en une soirée plus de 400.000 F CFA de recette». Il est à noter que les opérateurs de ces bars louent les locaux à des centaines de milliers de nos francs comme en témoigne cette explication donnée par un gérant d’un bar : «nous louons ce bâtiment à 500.000 F CFA par mois». Et c’est ce qui explique souvent le fait que les propriétaires des villas n’hésitent pas de les donner en location aux exploitants du commerce de sexe ou d’alcool qui sont toujours à jour dans le paiement des frais de location ou souvent même en avance d’un an.
Le secteur fait gagner beaucoup d’argent. Ainsi, selon cet autre acteur du milieu, «si tu veux gagner beaucoup d’argent et rapidement, il faut penser à ouvrir un bar où on peut trouver de la bière, du sexe ou même de la drogue». Pour lui, dans ce milieu tout le monde gagne son pain à commencer par le gardien jusqu’au propriétaire du local en passant par les servantes, les gérants et autres. Et, à cette serveuse d’ajouter «je retourne souvent à la maison avec plus de 10.000 francs de pourboire.
Des plaintes
Selon les sources et vue le constat déshonorant nos us et coutumes à travers les pratiques dans ces lieux, les promoteurs de bars et restaurants chinois ont été sommés, à plusieurs reprises de respecter la législation en cours dans notre pays en matière de gestion d’un établissement hôtelier. Sous peine de subir une sanction dont la conséquence sera la fermeture pure et simple de l’établissement. Il est à noter que Bamako compte plus d’une centaine de bars chinois. Beaucoup d’autres se créent sans que souvent les conditions régissant leur ouverture soient respectées. Des plaintes les concernant sont régulièrement adressées à l’Office malienne du tourisme et de l’hôtellerie (OMATHO), soit par des associations ou organisations religieuses, ou par des associations pour la défense des droits des enfants pour exiger de ces établissements le respect de nos us et coutumes. Alors que les conditions régissant l’ouverture d’un établissement sont bien claires en la matière que «toute ouverture d’un hôtel ou d’un bar doit être sanctionnée d’un agrément et toute ouverture sans agrément est une atteinte à la loi».
L’autre problème et dont l’Omatho se trouve régulièrement saisi, est le non respect par les promoteurs des lieux d’emplacement de leurs établissements. Ceux-ci changent constamment de quartier et sont difficiles à repérer.
A retenir par ailleurs selon nos investigations beaucoup de ces établissements appartiennent à des opérateurs maliens. Les asiatiques, quant à eux, assurent la gérance de ces bars compte tenu de l’expérience qu’ils ont dans le domaine, en plus de leur rigueur dans la gestion. Selon les chiffres de l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie, les asiatiques n’ont que les 45% de la gestion. Comme pour dire que le reste tombe entre les mains des nationaux.
Selon nos constats, les valeurs sociétales et religieuses de notre pays étant contraires aux pratiques peu orthodoxes de ces établissements, les propriétaires ou associés maliens préfèrent rester dans la discrétion la plus totale tout en tirant profit de cette manne financière.
Quant à la fermeture, elle ne peut intervenir que lorsque les conditions d’hygiène, d’assainissement et de sécurité ne sont pas conformes aux normes prescrites. Si l’établissement ne procède pas à la déclaration et au reversement de la taxe touristique, l’activité exercée ne correspond pas à celle pour laquelle l’agrément a été accordé.
Des clients de plusieurs catégories
Selon les investigations, ceux qui fréquentent les bars et restaurants sont à tous les niveaux de la société. Ainsi, pour ce gérant dont nous taisons le nom, les différents clients de sa boite sont jeunes scolaires ou étudiants, opérateurs économiques ou hommes d’affaires ou encore de gros bonnets de la place.
En effet, selon lui, la plupart des bars ont des chambres ventilées ou climatisées avec le minimum d’équipement dont le prix à l’heure varie entre 2000 à 5000 FCFA l’heure, selon l’endroit et la qualité du mobilier.
Selon d’autres sources, les jeunes filles qui exercent dans les bars utilisent de faux prétextes de serveuses. D’ailleurs certaines de ces serveuses, sous le couvert, se transforment en prostituées de luxe qui profitent du contact avec les clients pour fixer des rendez-vous.
Selon les informations, la brigade des Mœurs avait procédé à un recensement exhaustif de bars et restaurants dans le district de Bamako. Au cours duquel, un certain nombre de bars qui se trouvaient en net déphasage avec la réglementation en cours dans notre pays avaient été fermés. D’autres bars restaurants ouverts à proximité d’établissements scolaires ont aussi fait l’objet de fermeture. Il ressort aussi que plus de 80% des bars ont un agrément, donc habilités à tourner. La Brigade des Mœurs mène régulièrement des contrôles de routine dans différents bars de la place, au cours desquels certains, pris en flagrants délits, sont fermés.
A chaque descente de la police dans la ville, elle peut appréhender plus d’une vingtaine de prostituées surprises au bord des routes.
Dieudonné Tembely