Le Conseil des ministres du mercredi 18 février 2015, sous la présidence du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita a décidé d’organiser les élections communales, régionales et du District de Bamako le 26 avril 2015. Et comme le territoire national est émaillé de zones d’insécurité et de conflits ouverts dans de nombreuses localités du Mali, le gouvernement veut tenir ces élections « partout où c’est possible ». Dans un contexte de rébellion et de revendication indépendantiste, cette option du pouvoir IBK pour l’organisation des élections dans certaines localités et laisser d’autres frise l’abdication, la renonciation et la caution à la partition du Mali. Aujourd’hui, dans de nombreuses localités maliennes, comme, Nampala, Anefis, Tabankort, Gao, Ménaka, Inarinkidane, Tessalit, Ber, Mandiakoye, Bamba, Zarho, Tenenkou, Agouni, Kano, Bamba, Tonka, à cause de la dégradation de la situation sécuritaire, il n’est pas possible d’organiser les élections. Attendre que la situation sécuritaire permette la tenue des élections sur toute l’étendue du territoire malien ou miser sur « partout où c’est possible » ? Faut-il renoncer au reste du Mali en tenant les élections sans les populations qui sont doublement victimes de l’insécurité récurrente et de l’abandon par l’Etat ?
Les populations de Nampala, dans le cercle de Niono en quatrième région administrative du Mali, ne sont pas encore remises du choc de l’attaque du 5 janvier. Avec 11 décès et 3 blessés du côté de nos Forces armées maliennes, on peut imaginer la violence des combats livrés pour s’opposer à l’occupation de la ville par les Jihadistes.
Trois jours plus tard, le 8 janvier, puis le 16 janvier, c’était le tour de Ténékou de recevoir la visite des combattants armés d’un certain « Mouvement de Libération du Macina » se revendiquant de l’ancien empire théocratique peul du Macina, un ordre ancien que les hommes du prêcheur Hammadoun Koufa veulent faire renaitre de ses cendres.
La bataille de Tenekou entre l’armée malienne et les présumés disciples du prêcheurs a fait 3 morts et 5 blessés du côté des forces maliennes. Recrutant leurs combattants au sein de la population locale, le fléau Jihadistes n’est pas prêt de désamorcer, minant la société dans une progression fulgurante du nord au centre. La bande s’étendant de Nampala, Léré à Tenekou (dans la région de Mopti) est loin de connaitre une accalmie qui rime avec élections apaisées, transparentes et crédibles.
Les localités d’Anéfis et Almoustrat en passant par Tabankort, restent, depuis les affrontements de Kidal de mai dernier, le champ d’affrontements sanglants, entre groupes armés de la coordination des mouvements de l’Azawad et ceux de la plateforme (favorables à l’unité nationale) pour le contrôle de zones stratégiques sur l’axe Gao-Kidal.
Les affrontements sanglants entre la Minusma et les populations de Gao le 27 janvier 2015, occasionnant trois morts et une vingtaine de blessés ont révélé que partout le feu couve sous la cendre et qu’il suffit de peu de vent pour raviver la flamme. Chaque jour, des sauts d’humeur entre groupes armés, malgré le cessez le feu, les attaques et attentats contre les forces onusiennes ou l’armée malienne donnent un tableau peu rassurant, faisant du Mali un pays qui n’est pas prêt pour les élections communales et régionales. Sauf à organiser une parodie d’élections, excluant de nombreuses localités et en rajoutant chez les populations, à leur sentiment de rejet et d’abandon par l’Etat. C’est le cas aussi pour les populations de Ténénkou dans la région de Mopti au centre du pays.
La situation à Menaka dans la région de Gao n’est pas plus rose, la localité étant aux mains du Mnla sans conteste. Dans cette localité, quelle élection crédible l’Etat malien peut-il prétendre organiser ?
Le 3 janvier dernier, soit deux jours avant l’attaque de Nampala, le maire de la commune d’Aderanboukane, dans le nord du Mali, Aroudeiny Ag Hamatou a été mortellement blessé dans une embuscade sur une route près de Ménaka. Il succombe à ses blessures. Son chauffeur et un autre compagnon sont tués lors de l’attaque menée par des hommes non identifiés.
A Ber, localité située à 70 km de Tombouctou, groupes armés pro-gouvernementaux dont le Gatia et rebelles du Mnla se regardent assez souvent en chiens de faïence, malgré la présence des casques bleus de l’ONU. Là aussi ce n’est l’accalmie.
Le 30 décembre dernier le bateau Général Abdoulaye Soumaré en partance à Tombouctou a essuyé des coups de feu dans les environs de 04 heures du matin à proximité du village Tinaten PK85 de Rharouss. Ainsi à Bamba, Zarho, Tessalit et Mandiakoye, la situation sécuritaire s’est dangereusement dégradée au Nord.
La localité d’Agouni, Chef-lieu de la commune de Salam à 30 km de Tombouctou a été récemment occupée par des séparatistes (le 16 février 2015). Les séparatistes ont fait irruption dans la localité avant de hisser leur drapeau sur le bâtiment abritant le siège de la mairie. Le fait qu’ils aient quitté par la suite n’est pas synonyme d’une situation rassurante dans cette localité de la région de Tombouctou.
Rapts, razzia et assassinat, autant d´actes crapuleux perpétrés sur les populations de Kano, un village du cercle de Gourma Rharous, et le forfait du vendredi 30 janvier 2015 ne fait que prolonger la liste. Des témoignages font état d’individus «lourdement armés», débarquer de «7 véhicules» et assaillir la ville. Plus «23 personnes du village de kano enlevées et transportées à Ber». Parmi eux: «le chef de village, l’imam, et deux conseillers», indique-t-on. Enlèvement de «10 motos, 4 futs de gasoil et d’essence, des téléphones portables» ainsi que le vol de «1 650 000 FCFA» et l´incendie « à la grenade de deux maisons », selon des sources. Les assaillants seraient venus de Ber et y seraient retournés. Située à une soixantaine de km de Tombouctou, chef lieu de la région, et à 18 km de Kano, la localité sert également de base à la MINUSMA.
La liste des localités d’insécurité ne fait que se prolonger avec l’attaque et le pillage, le vendredi 30 janvier 2015 des populations de Bamba dans le cercle de Bourem, qui ont assisté impuissantes au pillage de leurs biens matériels par des groupes armés à bord de trois à cinq véhicules venus de Ber. « Ils ont enlevé cinq motos dont un de type SANILI 125 appartenant à un enseignant et quatre appartenant à un commerçant arabe ; pillé toutes les boutiques de la place du marché excepté cinq, soustrait sous la menace d’armes à feu ; de l’argent des commerçants avant de donner de crosses à un jeune qui assistait à la scène. Ces attaques développent en les populations un sentiment d’abandon, un sentiment d’absence de l’Etat » rapporte notre confrère la Mutation.
Goundam et Tonka ne sont à l’abri de cette dégradation avec l’attaque contre le Chef de Brigade de Gounadam sur la route Niafunké-Goundam et les enlèvements de véhicules à Tonka.
Partout l’autorité de l’Etat s’aménuise comme peau de chagrin. Et l’autorité décide de tenir les élections …
B. Daou
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Le Régime IBK opte pour le « projet séparatiste du Mali»
La date du 26 avril 2015 prévue pour la tenue des élections communales et régionales dans notre pays n’est plus un simple vœu de ministre. Malgré les réserves émises par l’opposition républicaine sur les dangers de l’organisation d’une telle élection sans les régions du nord à cause de l’insécurité débordante, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita a fait son choix au Conseil des ministres du mercredi dernier et adhère, désormais, au projet de partition du Mali en maintenant la date 26 avril 2015 pour la tenue des élections « partout où c’est possible », au moment ou les populations des trois régions du nord décrient le comportement de son régime « d’abandon ». Le régime IBK s’achemine-t-il vers la division de fait du Mali ? S’il est encore trop tôt aujourd’hui de répondre, avec certitude, à cette interrogation, une chose est sûre et certaine. En prenant cette décision, le régime IBK, pour l’unité du Mali et l’égalité entre les Maliens, se met la pression avec l’obligation d’organiser ces élections sur toute l’étendue du territoire nationale à la date indiquée. Car tout entêtement de sa part d’organiser ces élections sans les régions du nord ou sans une partie de ces régions, en ces moments de frustrations et de crise de confiance entre l’Etat et les populations, serait synonyme de division du pays. Pour ne pas tomber dans l’erreur que l’opposition républicaine voulait lui éviter, le Président IBK et son gouvernement n’ont pas de calcul à faire. Car le temps presse et l’accord définitif de paix devant faciliter la tenue des élections crédibles et sécurisées dans les régions du nord peine toujours à accoucher. Et tout le monde sait que la situation sécuritaire actuelle du pays ne permet aucunement, aujourd’hui, la tenue des élections communale et régionale couplées dans les régions du nord.
Surtout quand on sait aussi que l’absence des administrateurs, des juges dans la plupart des localités des 8è, 7è, 6è régions ainsi que dans des cercles des 5è et 4è régions sont, aussi, un handicap pour la tenue des élections. N’est-ce pas que l’entêtement et la gestion solitaire du pays sont des vilains défauts.
Youssouf Z KEITA