Ouagadougou - "Timbuktu", film dénonçant les exactions des jihadistes au Mali, sera bien en compétition au Fespaco qui s’ouvre samedi à Ouagadougou, après des rumeurs faisant état de sa déprogrammation pour des questions de sécurité.
"Le gouvernement du Burkina Faso a décidé de la diffusion de +Timbuktu+", a déclaré au bout du suspense Jean-Claude Dioma, le ministre burkinabè de la Culture, vendredi à la radio nationale. Le Fespaco s’ouvre samedi à Ouagadougou.
"Mais pour accompagner cela, des mesures sécuritaires renforcées vont être prises", a-t-il poursuivi, faisant état de "risques" que les autorités avaient d’abord dû évaluer avant de trancher sur la projection du film.
"Timbuktu" a remporté sept prix lors de la dernière cérémonie des Césars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Abderrahmane Sissako.
Cette fiction, une chronique de la vie quotidienne dans le nord du Mali sous la coupe des jihadistes qui l’ont contrôlé plusieurs mois en 2012, a également été sélectionnée aux Oscars dans la catégorie "Meilleur film étranger".
Le président burkinabè Michel Kafando avait vivement soutenu jeudi sa projection. Quelques heures plus tôt, le réalisateur mauritanien avait crié sa "consternation" dans un communiqué, après avoir été informé, selon ses dires, d’un retrait de son film.
Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) "ne vaut pas la vie d’un homme", avait remarqué une source proche de l’organisation.
- ’Menaces’ -
"Il y a pas mal de problèmes sécuritaires qui se posent" autour de "Timbuktu", confiait jeudi le ministre Dioma à l’AFP, ajoutant toutefois "ne pas avoir eu vent de menaces sur le Burkina ou sur des quelconques intérêts"étrangers du fait du film.
Cette information a été confirmée à l’AFP par plusieurs sources diplomatiques.
"Mais il y a des menaces partout où les islamistes pensent qu’on est en train de toucher à des aspects de leur croyance", poursuivait le ministre de la Culture.
Des manifestations contre la publication d’une caricature de Mahomet dans l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo avaient viré mi-janvier en émeutes contre la minorité chrétienne au Niger voisin, faisant 10 morts et des dizaines de blessés.
"Ramdam", un festival se tenant à Tournai, dans l’ouest de la Belgique, avait un temps été annulé fin janvier par crainte d’attentats liés à la diffusion de "Timbuktu". Mais les autorités l’avaient ensuite maintenu,
marquant leur volonté de ne pas céder à une éventuelle menace.
Fondé en 1969, le Fespaco, un des principaux festivals de cinéma d’Afrique, se tient tous les deux ans au Burkina Faso, pays sahélien pauvre dont il constitue la carte de visite à l’international.
Au moins 12.000 festivaliers, dont 5.000 étrangers, sont attendus pour la 24e édition de cette manifestation populaire où le public se mêle aux réalisateurs, comédiens et acheteurs.
D’une durée d’une semaine, le Fespaco se conclura le samedi 7 mars. L’édition 2015 est la première depuis la chute du président Blaise Compaoré à la suite d’une révolte populaire fin octobre.
- Une ’photographie’ de l’Afrique -
La manifestation est "une photographie de la situation de l’Afrique au cours de ces deux dernières années", affirme à l’AFP Ardiouma Soma, son délégué général. "Il y a des films sur la guerre, sur les problèmes religieux, politiques"
19 fictions long-métrage, venues de 16 pays, concourent dans la catégorie reine. L’Algérie, le Burkina Faso et le Maroc y seront les plus représentés, avec deux films chacun.
La plus prestigieuse récompense, "l’Etalon d’or de Yennenga", sera décernée par le réalisateur ghanéen Kwaw Ansah. Le président du jury l’avait remportée en 1989 avec son film "Heritage Africa".
Abderrahmane Sissako, habitué du Fespaco, s’était vu décerner le trophée en 2003 pour "Heremakono, en attendant le bonheur".
D’autres grands noms du cinéma africain sont de retour. Le Malien Cheick Oumar Sissoko, lauréat de l’Etalon en 1995, présentera "Rapt à Bamako" et le Guinéen Cheick Fantamady Camara, prix du public en 2007, y dévoilera "Morbayassa: le serment de Koumba".
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