Alger - Le gouvernement malien et les groupes armés qui le soutiennent ont paraphé dimanche à Alger un "accord de paix et de réconciliation" pour mettre fin aux violences du nord du pays, la rébellion réclamant un délai pour consulter sa base.
Cet accord, arraché après huit mois de laborieuses négociations, "a valeur d’une boussole crédible et efficace vers la paix", a observé le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, chef de file de la médiation internationale dans ce dossier. Il "sera signé par toutes les parties", a-t-il insisté.
Le document paraphé en milieu de matinée dans un palace algérois n’a pour l’instant pas reçu l’approbation de la Coordination des mouvements de l’Azawad, qui regroupe les principaux groupes rebelles à dominante touareg tels que le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA).
Cette Coordination a demandé un "délai raisonnable" pour consulter les populations qu’elle représente car un "accord non partagé avec les populations" a "peu de chances d’être appliqué sur le terrain", a expliqué à la tribune un de ses représentants, réaffirmant son engagement à respecter le cessez-le-feu.
Le délai demandé exprime tout simplement "l’ambition d’obtenir le maximum de soutien" pour ce texte et non une volonté de "se désolidariser", a relativisé M. Lamamra.
"Il n’est pas exclu que l’on paraphe l’accord (après avoir obtenu) l’accord de notre population", a déclaré à l’AFP un porte-parole de la Coordination, Mohamed Ousmane Ag Mouhamedoun, se disant "optimiste quant à une signature dans quelques semaines au Mali".
Le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, qui conduit la délégation gouvernementale à Alger, s’est également dit "absolument confiant dans l’avenir", affirmant sa "conviction que la signature aura lieu dans quelques semaines".
A Bamako, le Premier ministre Modibo Keïta a appelé les groupes rebelles à franchir le pas, remarquant "que certains protagonistes, certains mouvements armés hésitent encore à s’engager pour des motifs que nous respectons mais que nous comprenons difficilement de la part de ceux qui ont à coeur de construire l’édifice de la paix, du développement juste équilibré".
"Le projet d’accord soumis aux parties n’est certes pas parfait, mais il constitue un compromis que nous pouvons accepter tout en restant vigilants quant à sa mise en oeuvre", a-t-il indiqué lors d’une rencontre avec les représentants des partis politiques et de la société civile.
’Azawad mais ni autonomie ni fédéralisme’
"Cet accord ne répond pas aux aspirations du peuple Azawad (appellation du nord du Mali par les rebelles, NDLR). Je suis satisfait du déroulement mais pas du résultat", a déclaré à l’AFP à Alger un autre représentant de la Coordination, Almou Ag Mouhamed.
Celle-ci a "apporté un certain nombre d’amendements politico-institutionnels et surtout de défense et de sécurité" au projet d’accord présenté par la médiation algérienne, sans obtenir de réponse, a-t-il déploré.
Cet accord est destiné à conclure les négociations débutées en juillet 2014 à Alger, rassemblant l’ensemble des parties prenantes au conflit dans le nord du Mali, où a été lancée en janvier 2013 une intervention internationale initiée par la France, l’opération Serval.
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a salué "un texte équilibré et bénéfique pour le pays et la région" et appelé tous les groupes armés à le signer "sans délai".
Un porte-parole des mouvements armés pro-gouvernementaux, Harouna Toureh, a affirmé leur engagement à "faire tout pour que cet accord vive et qu’il permette à toutes les populations de se retrouver, de vivre ensemble comme par le passé".
Le texte, qui, comme le souhaitait Bamako, ne parle ni d’autonomie ni de fédéralisme, et insiste sur l’unité, l’intégrité territoriale du Mali, ainsi que sur le caractère républicain et laïc de l’Etat, cite néanmoins
l’appellation d’Azawad, comme une "réalité humaine", en réponse aux revendications des rebelles.
Il prévoit la création d’Assemblées régionales élues au suffrage universel direct, dotées de pouvoirs importants dans un délai de 18 mois, ainsi que le redéploiement progressif dans le nord du pays d’une armée restructurée, intégrant notamment des combattants des mouvements de cette région "y compris dans le commandement".
Etaient exclus des négociations les groupes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé pendant près de neuf mois le nord du Mali avant d’en être partiellement chassés par l’opération Serval, à laquelle a succédé en août 2014 l’opération Barkhane, dont le rayon d’action s’étend à l’ensemble de la zone sahélo-saharienne.
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