Bamako - Un Français, un Belge et trois Maliens ont été abattus dans la nuit de vendredi à samedi dans un restaurant en plein coeur de Bamako, premier attentat visant des Occidentaux dans la capitale du Mali qui vit depuis 2012 sous la menace jihadiste.
L’attaque, qualifiée de "terroriste" par le gouvernement malien, n’a pas été revendiquée, mais Bamako a affirmé qu’il ne se laisserait "pas intimider par ceux qui n’ont d’autres desseins que de faire éloigner les perspectives de la paix", en allusion aux jihadistes.
Quelques heures plus tard, à Gao, principale ville du nord du pays, la tension est montée soudainement: la foule a lynché à mort deux poseurs de bombes présumés, avant de les brûler.
"Les deux jeunes avaient posé des bombes non loin de la police fluviale de Gao. Ils voulaient les actionner à distance, quand ils ont été surpris par des habitants de Gao qui les ont brûlés", a expliqué une source de sécurité, confirmée par une source onusienne.
Le ballet diplomatique n’a pas tardé à se mettre en place: dans un communiqué, le président français, François Hollande, qui avait déjà dénoncé "avec la plus grande force le lâche attentat", a dit samedi avoir convenu avec son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta, de "mesures communes pour renforcer la sécurité au Mali".
"Les Maliens doivent comprendre qu’il n’y a rien au-dessus de la paix", a déclaré pour sa part le Premier ministre Modibo Keïta. Il a appelé à "ne pas se laisser distraire" à un moment crucial des négociations avec la rébellion à dominante touareg du nord, qui est sous forte pression internationale, y compris de l’ONU, pour parapher d’ici fin mars un accord de paix, comme l’a déjà fait le gouvernement le 1er mars à Alger.
Il s’est rendu avec le président malien sur les lieux de l’attentat, dans le quartier de l’Hippodrome, haut lieu de la vie nocturne dans la capitale.
"C’est le premier attentat de ce type à Bamako", explique Pierre Boilley, directeur de l’Institut des mondes africains (IMAF).
Outre les tués, la fusillade a fait au moins huit blessés, dont trois Suisses grièvement touchés, selon des sources hospitalières. La Suisse pour sa part affirme que seuls deux militaires ont été sérieusement blessés.
- ’Mort aux Blancs’ -
Selon des témoins et des sources policières, au moins un homme armé est entré peu après minuit (heure locale et GMT) à "La Terrasse", un établissement sur deux niveaux (boîte de nuit au rez-de-chaussée et bar-restaurant à l’étage) apprécié des expatriés.
Il a lancé des grenades avant d’ouvrir le feu, puis jeté deux autres grenades en partant à bord d’un véhicule conduit par un complice, en direction d’une patrouille de police, tuant un policier.
Entre-temps, l’assaillant, qui était masqué, selon la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), a également tué un ressortissant belge, ainsi que deux Maliens
- un gardien et un policier - dans une rue voisine.
D’après une source diplomatique, il a crié "mort aux Blancs!"
Selon le Quai d’Orsay, le Français tué, 30 ans, se nommait Fabien Guyomard. Installé à Bamako depuis 2007, il travaillait à ICMS Africa, une société américaine spécialisée dans la construction de luxe, a indiqué à l’AFP un ami de la victime, Zakaria Maïga qui a "identifié sa dépouille".
Le parquet de Paris a immédiatement ouvert une enquête pour assassinat en lien avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroristes, comme toujours en pareil cas lorsqu’il y a une victime française à l’étranger.
La Minusma, qui a déployé quelque 10.000 militaires et policiers dans le pays, annonce avoir "mis à la disposition des autorités maliennes des enquêteurs et experts en scènes de crime".
Deux suspects maliens, arrêtés et interrogés peu après l’attaque, se sont avérés être des délinquants "pas impliqués" dans l’attentat, selon la police.
Alors que le secrétaire d’Etat américain John Kerry a fustigé une attaque "horrible et lâche", le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders a confirmé la mort d’un citoyen belge.
Il s’agit d’un ex-militaire responsable de la sécurité pour la délégation de l’Union européenne au Mali, père de deux enfants, selon une source diplomatique.
Le nord du Mali était tombé au printemps 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, en grande partie chassés par l’opération militaire "Serval", lancée par la France en janvier 2013, à laquelle a succédé en août 2014 "Barkhane", dont le rayon d’action s’étend à l’ensemble de la zone sahélo-saharienne.
Des zones entières du nord du pays échappent toujours au pouvoir central, mais les attaques jihadistes, qui s’étaient multipliées depuis l’été, surtout contre la Minusma, ont diminué d’intensité.
L’ambassade de France dit avoir "constitué une cellule de crise, averti les Français, qui sont environ 6.000 au Mali, dès cette nuit et renforcé la sécurité de nos implantations en liaison avec les autorités maliennes".
bur-sst/tmo/dom