Selon les habitués de la rue « Bla-bla » de l’Hippodrome, la scène de l’attentat sortait tout droit d’un film hollywoodien. Le vendredi soir, comme d’habitude, « La terrasse », un bar-restaurant, avait fait le plein. Entre minuit et une heure du matin, un individu armé jusqu’aux dents, fait irruption sur les lieux. Après avoir jeté des grenades, il a visé les expatriés en tirant des rafales d’arme automatique. Il est redescendu pour monter à bord d’un véhicule qui l’attendait dans la rue.
Dans leur fuite, les assaillants ont croisé une patrouille de police, sur laquelle ils ont lancé deux grenades, tuant un policier. La photo du jeune gardien de la paix a fait le tour des réseaux sociaux. Des hommages mérités lui sont rendus.
Le bilan de l’attaque est lourd. Cinq personnes ont été tuées (3 Maliens, un Français et un Belge) et huit blessés, dont trois Suisses, selon le dernier bilan de sources hospitalières.
Zakaria Maïga était dans le restaurant au moment fatidique. Il dansait à côté de son ami Fabien, le jeune Français qui a trouvé la mort. « Fabien et moi, sortions ensemble tous les vendredis soirs. Hier soir (ndlr l’entretien s’est déroulé samedi), on avait rendez-vous vers 23h30 », raconte je jeune homme que nous avons joint au téléphone. Encore sous le choc, il nous a décrit le film du drame avec une voix tremblante.
Les deux jeunes se sont donc rencontrés au milieu de la nuit et ont mis le cap sur leur restaurant favori. Fabien était loin de se douter, à un seul instant, qu’il faisait ainsi sa dernière virée nocturne. « La terrasse » comme son nom l’indique est située sur le toit d’un bâtiment de la célèbre rue « Bla-bla ». En bas, c’est une boîte de nuit qui est aussi très fréquentée.
« La Terrasse » est un restaurant qui propose aussi une piste de danse à ses clients. « Entre minuit et une heure du matin, pendant que Fabien et moi dansions sur la piste, la fusillade a commencé. C’était la panique », se souvient Zakaria. « Moi, je me suis jeté à terre avant de sauter pour me retrouver du côté du champ hippique », explique-t-il en sanglots. « Les choses se sont passés trop vite », au point que Zakaria n’a rien pu comprendre sur le coup. « Je n’ai pas pu voir le tireur », avoue le jeune homme qui s’est rendu le lendemain à la morgue pour identifier la dépouille de son meilleur ami.
C’est grâce à Zakaria que nous avons appris que la victime française s’appelait Fabien Louis Guyomard, né le 4 aout 1984 en France. Célibataire et sans enfant, il vivait dans notre pays depuis 2007 et travaillait pour ICMS Africa, une société américaine spécialisée dans la construction de luxe.
Après le drame, les forces de l’ordre ont procédé à la fermeture de tous les espaces de loisirs qui bordent la rue. Les témoins ont pu voir les corps des victimes transportés sur des civières. Tous ont été tués par balles ou par des fragments des grenades lancées par le tireur.
Un serveur, témoin de la scène macabre, raconte avoir « vu de loin un véhicule 4X4 de couleur noir garé. Un homme grand de taille en est descendu ». D’autres témoins assurent que l’assassin s’est d’abord dirigé vers la boîte de nuit située au rez-de-chaussée, avant de choisir de s’engager dans l’escalier menant à « La Terrasse ».
Selon la Minusma, l’assassin était masqué, sans préciser s’il portait un turban ou une cagoule. L’assaillant aurait crié « mort aux Blancs » en arrivant à l’étage, a affirmé une source diplomatique, précisant que la victime belge, un ancien parachutiste, était depuis quelques mois responsable régional de la sécurité de la délégation de l’Union européenne (UE).
Le gérant de « La Terrasse » évoque un « choc terrible ». « Je revois celui qui a tiré, monter là où nous étions. Je le revois tirer des coups de feu et lancer des grenades de guerre. Les gens fuyaient, d’autres se sont jetés du haut de l’étage. C’était la panique générale », explique-t-il. « Après, le tueur est descendu et reparti. Son complice l’attendait en bas avec un véhicule noir », poursuit-il.
Dès les premières détonations, la confusion s’est emparée du quartier. « Je n’était loin. Au début, je pensais qu’il s’agissait de simples vagabonds mais quelques temps après, j’ai compris que c’était grave», signale un témoin.
Quelques instants après le drame, les forces de l’ordre ont bouclé le secteur sans retrouver ni la voiture noire, ni l’homme masqué et son complice. Mais deux personnes ont été interpellées dans la foulée dès samedi. Après un interrogatoire, la police a conclu que ces suspects n’avaient aucun lien avec l’attentat. L’enquête se poursuit pour retrouver les auteurs de l’attentat. La mission de l’ONU a proposé des spécialistes de scènes de crime.
Tôt samedi matin, le président de la République Ibrahim Boubacar Keita, accompagné du Premier ministre, s’est rendu sur les lieux du drame, avant de se rendre à l’hôpital Gabriel Touré où sont admis les blessés.
Le chef de l’Etat est ensuite monté à Koulouba où il a présidé un Conseil de défense extraordinaire sur le sujet en présence du Premier ministre et des responsables des services de défense et de sécurité. A l’issue de cette réunion, Modibo Keita a dénoncé un acte ignoble et appelé à la solidarité nationale pour faire face cette situation difficile. Il a exhorté nos compatriotes à collaborer avec les services de sécurité dans la collecte des renseignements pour démasquer les malfaiteurs. Cet appel a été réitéré par le porte-parole du gouvernement Choguel K. Maïga qui a appelé tous les Maliens se considérer comme « des soldats au front ». Il a insisté sur le rôle important des populations dans la collecte des renseignements.
La solidarité internationale ne s’est pas fait attendre. Le président français qui était l’un des premiers à condamner l’attaque, a proposé son aide pour retrouver au plus vite les auteurs du crime. Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon a dénoncé un crime odieux, promettant qu’il ne restera pas impuni.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a condamné dans les termes les plus forts l’attaque terroriste. Les Etats-Unis aussi ont condamné l’attentat et exprimé leur « complète solidarité avec le Mali, la MINUSMA, la Belgique et la France et les familles des victimes ».
L’attentat terroriste a été revendiqué hier par le mouvement islamiste Al-Murabitoune du djihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar.
A. M. CISSE