Au Mali, le CICR contribue à promouvoir le droit international humanitaire (DIH) auprès des forces armées maliennes (FAMa), des forces armées internationales présentes dans le pays, et d'autres porteurs d'armes. Le général de division Mahamane Touré, chef de l'état-major général des armées, revient sur l'importance du DIH.
« L'armée malienne est présente sur une grande partie du territoire où très souvent l'État et la justice sont absents. Nous y représentons donc en quelque sorte l'État et l'État malien doit être vu, perçu et compris comme juste et protecteur du citoyen. Il est donc très important que le militaire, partout où il se trouve, promeuve le droit et la justice. »
Diriez-vous que le DIH est bien connu et respecté par les FAMa ?
Le DIH est enseigné dans toutes les écoles militaires. Des actions de sensibilisation sont menées dans le cadre de toutes les formations et sur le terrain. Mais il faut du temps pour qu'il soit assimilé et intégré dans les habitudes.
La charte de « Kouroukan Fouka », qui précède la Déclaration universelle des droits de l'homme, démontre que le respect du citoyen, du droit et de l'ordre sont ancrés dans notre histoire. Aujourd'hui, nous devons montrer que nous sommes en phase avec notre histoire.
Le respect strict du DIH par tous nos hommes est encore un objectif à atteindre, mais je suis convaincu que la plupart des militaires ont compris son importance et s'efforcent de l'appliquer. Ce qui est très important, c'est que le militaire respecte les droits du citoyen et que le citoyen le respecte et vive avec lui en toute confiance. C'est à cette condition que le soldat peut correctement accomplir sa mission. Nous devons donc mériter et gagner ce respect et cette confiance.
Et la responsabilité du commandement ?
La responsabilité du commandement, c'est d'abord de s'assurer d'une bonne sélection des militaires, de leur encadrement et leur formation. Cela requiert des cadres de qualité, compétents, et conscients de leurs responsabilités vis-à-vis des jeunes militaires sous leur conduite.
La responsabilité du commandement, c'est aussi de sanctionner quand la loi n'est pas respectée. Nous sommes en train de bâtir une armée dont les responsables, sont conscients de leurs responsabilités.
Avez-vous des mécanismes internes de sanction des violations du DIH ?
Les sanctions existent ! Elles sont mentionnées dans la Constitution et dans le règlement du service dans l'armée. À titre d'exemple, l'article 3 de la Constitution de la République stipule que « tout individu, tout agent de l'État qui se rendrait coupable (...) de mauvais traitements, de sévices, de traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi ».
Nous avons également mis en place un dispositif d'accompagnement de toutes les unités militaires sur le terrain par des prévôts autonomes habilités à en évaluer les actions et à en référer à leur hiérarchie, voire au ministre de la Défense et des anciens combattants. Ces correspondances militaires sont transmises de droit à l'autorité judiciaire. Notons en outre l'effectivité de la Direction de la justice militaire et de son tribunal.
Nous avons donc toute une panoplie de sanctions, qui s'appliquent à tous.
Comment appréciez-vous le soutien du CICR aux FAMa ?
L'accompagnement du CICR nous aide à nous assurer que nous agissons dans le respect du droit. Il nous permet également de rattraper d'éventuels retards en la matière. Grâce à la participation de nos cadres à des formations, le CICR nous donne l'occasion de nous frotter aux autres, d'apprendre de leurs expériences et de nous développer.
Le soutien de proximité que le CICR nous offre en allant régulièrement au contact de nos militaires sur le terrain pour les former et leur rappeler leurs obligations vis-à-vis des populations est très important. Il en va de même du « Manuel de base du DIH » sur lequel nous travaillons ensemble depuis quelques mois. Nous allons ainsi disposer d'un outil didactique propre à l'armée malienne, qui tiendra compte de nos réalités et sera remis à tous les commandants d'unités.
J'aimerais aussi évoquer les visites que vous rendez aux prisonniers, notamment aux prisonniers de guerre, pour les écouter, leur apporter du soutien, leur transmettre les messages de leur famille et tout cela en toute discrétion. Sans oublier la confidentialité avec laquelle vous traitez certains sujets.
En quoi les outils développés avec le CICR vous sont-ils utiles ?
Ces outils pédagogiques sont excellents. Le petit manuel de DIH destiné aux soldats, qui est très simple et bien illustré, me semble particulièrement efficace. Comme on le dit souvent, la valeur pédagogique d'une image vaut bien plus que celle de centaines de mots. J'apprécie l'effort qui est fourni pour simplifier les messages, afin qu'ils puissent rentrer dans l'inconscient du soldat; ce qui, le moment venu, peut l'aider à avoir le bon réflexe et à agir correctement.
Si vous deviez en quelques mots transmettre un message sur le DIH à vos hommes, que leur diriez-vous ?
Je voudrais rappeler à tous les militaires maliens qu'il est de leur responsabilité de se respecter d'abord. La première des règles, c'est de savoir qui nous sommes, quelles valeurs nous transmettons et surtout que nous sommes Maliens. Le droit humanitaire international édicte un certain nombre de règles qui se retrouvent dans nos corpus doctrinaux, dans la Constitution de la République, dans les règlements et dans les codes de conduite de l'armée. Tous ces instruments tournent autour du respect cardinal de nos concitoyens.
Je compte sur chacune et chacun de vous, qui représentez l'État partout où vous vous trouvez, pour respecter ces règles, car elles constituent le fondement de notre société et des armées. C'est selon ces règles et à travers elles que nous serons jugés.