En réaction à la lecture de l’article « Ce disque dur à base d'ADN stocke des données durant 1 million d'années » de Patricia Courand, publié le mercredi 18 février 2015 dans l’édition en ligne du Journal de la Science, j’ai l’intention de vous inviter à visiter le laboratoire de l'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH) en Suisse, dont les derniers exploits nous plongent au cœur de la nanotechnologie. Les Helvètes, pour le commun des mortels, ce sont des esprits malins qui ont construit une prospérité insolente en attirant dans leurs coffres-forts le magot des autres. On leur envie aussi, avec nos yeux de jaloux irréductibles, leur horlogerie de luxe, le couteau suisse ou encore la garde suisse pontificale, cette soldatesque qui assure la sécurité du Pape et du Vatican depuis le XVème Siècle. Mais je suis prêt à mettre mon doigt au feu que très peu d’entre vous ont entendu parler du CERN, l’Organisation européenne pour la Recherche nucléaire fondée en 1954, sis de part et d’autre de la frontière franco-suisse, près de Genève. Pour la toute petite histoire, la nano-histoire donc, devrais-je écrire, le CERN est l’ancêtre du web, cette architecture géniale inventée dans le prestigieux laboratoire genevois à la fin de la décennie quatre-vingt, qui met en réseau des milliards d’ordinateurs de par le monde. Solar Impulse, ça vous dit ! Pas trop ! C’est cet avion futuriste, concentré de technologie, marchant à l’énergie solaire, et qui sort de l’imagination des Suisses Bertrand Piccard et André Borschberg. Construit à l'École polytechnique fédérale de Lausanne, ce joujou est capable de voler de jour comme de nuit. Ce coucou venu droit de la science-fiction s’est lancé, le 9 mars dernier, dans un challenge fou consistant à faire le tour du monde en 5 mois. Vous conviendrez avec moi que la Suisse, c’est ce nano-pays qui sait attirer les giga-cerveaux du monde entier pour faire reculer les frontières de la connaissance. Pour conclure ma longue digression, je m’empresse de vous dire que des scientifiques suisses, encore eux, viennent de mettre au point une technologie capable « de conserver des données durant un million d'années, en les stockant dans un fragment d'ADN inséré dans du verre ». Ah, que c’est dur d’avoir un cerveau qui ne pige pas au quart de tour. Mais ce n’est pas grave. J’ai un pouce d’avance sur vous et je vais vous expliquer par le menu. Plutôt, je vais vous servir de la littérature pour combler votre déficit. En effet, « Les scientifiques savent depuis longtemps que l'ADN est un support de stockage idéal. En théorie, à peine un gramme d'ADN peut permettre de stocker pas moins d'un milliard de gigabits. De quoi y stocker largement les données de tous les utilisateurs de Facebook... » Pour ce faire, il "suffit" d'affecter la valeur "0" ou "1" aux quatre célèbres bases azotées qui composent l'ADN : l'adénine, la thymine, la cytosine et la guanine. Par exemple, en affectant la valeur "0" à l'adénine et la cytosine, et la valeur "1" à la thymine et à la guanine. Mais la question est de savoir comment préserver durablement ces informations ainsi stockées dans le fragment d'ADN. En effet, sans protection, un fragment d'ADN peut facilement être détérioré si les conditions environnementales ne sont pas adéquates. Pour résoudre ce problème de la conservation des données, des chercheurs de l'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH) ont encodé dans un fragment d'ADN la Charte Fédérale Suisse de 1921, ainsi que la Méthode des théorèmes mécaniques d'Archimède. Soit un volume de données représentant au total 83 kilobits. Une fois ces données encodées, les scientifiques suisses ont encapsulé ce fragment d'ADN dans une sphère de verre de 150 nanomètres de diamètre. La sphère a ensuite été exposée à une température de 60 à 70°C, afin de simuler les attaques environnementales qu'un tel objet subirait au cours de plusieurs centaines d'années. Résultat : malgré ce processus de vieillissement accéléré, les auteurs de ces travaux se sont aperçus que les données ainsi stockées pouvaient être parfaitement lues. Fort de ce résultat, les scientifiques suisses ont calculé que des données stockées de cette manière, et conservées à une température de -18°C, pourraient être parfaitement préservées durant un million d'années. Et voilà que tout est à présent clair comme de l’eau de roche ! Plus c’est petit, plus c’est beau ! De cela, les Anglo-Saxons avaient fait une religion depuis fort longtemps, à travers cette formule bien sentie restée à la postérité « Small is beautifull ».
Serge de MERIDIO
NB : Ces travaux ont été publiés le 4 février 2015 dans la revue Angewandte Chemie, sous le titre "Robust Chemical Preservation of Digital Information on DNA in Silica with Error-Correcting Codes".