Sur la base de quel fichier électoral va-t-on organiser les premières élections régionales au Mali ? Comment les bureaux de vote vont-ils être organisés ? Y aura t-il deux bureaux de vote l’un pour les communales et l’autre pour les régionales ? Ou deux équipes de vote dans un même bureau pour prendre le vote des électeurs ? Ou tout simplement allons nous avoir des élections séparées en des jours différents ? Pour la première fois de son histoire, le Mali a décidé d’organiser des élections régionales. Reportées sine die, il ya quelques jours, ces dites élections seront sans nul doute un test grandeur nature pour notre jeune Démocratie qui n’a que 22 ans.
Le Mali, pressé par la communauté internationale, de finir définitivement avec la crise septentrionale, a décidé comme ce fut le cas avec la communalisation qui a vu l’élection des 703 maires du Mali, de mettre en place une nouvelle architecture institutionnelle et territoriale sensée être une des solutions aux revendications des groupes armés rebelles. Ces élections régionales sont censées permettre aux populations de toutes les régions du Mali en général, et surtout celles des régions du nord en particulier de gérer leurs propres affaires, sur la base de la régionalisation fondée sur le principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales, une sorte de discrimination positive régionale et ethnique.
Ainsi, aux termes de l’article 6 du projet d’accord entre le Gouvernement malien et les mouvements armés du nord du pays, la région sera dotée d’une assemblée régionale élue au suffrage universel direct, bénéficiant de très large transfert de compétences, de ressources et jouissant des pouvoirs juridiques, administratifs appropriés». Les nouveaux accords disent qu’au niveau de la région, un Président de l’Assemblée sera élu au suffrage universel direct. Il sera également le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la région. C’est ce qui a conduit le Gouvernement à décider d’organiser précipitamment des élections régionales sans que les textes, surtout électoraux, ne soient en conformité avec les principes d’organisation d’élections régionales. Car, ces élections demandent des spécificités comme l’existence d’un ficher électoral régional et jusque-là inconnu de l’Administration électorale. Le Mali n’a qu’une seule liste. Il faut aussi un mode de scrutin particulier comme la proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel qui a été récemment introduite à la loi électorale sans une explication préalables sur les tenants et les aboutissants de ce mode de scrutin aux acteurs concernés. L’article 4 de la nouvelle Loi électorale indique que pour tout ce qui concerne les élections régionales, la circonscription électorale est constituée par la région, laquelle ne comporte pas de sections électorales distinctes. Et pour les élections du district, la circonscription électorale est constituée par le district, lequel ne comporte pas aussi de sections électorales distinctes. Or, pour des élections régionales, il faut forcement une liste électorale par région. Sur cette liste seront inscrits tous les électeurs de la région ou ceux qui y payent des impôts pour au moins la cinquième année consécutive. Il faut aussi une restriction pour les candidats selon certains critères pour les employés de la fonction publique liés à des collectivités se situant dans la région qui ne pourront pas participer au scrutin.
Alors, il est clair que les élections régionales ne peuvent être organisées sans une révision appropriée de l’actuelle loi électorale ou même comme le prévoit l’article 3 du projet d’Accord d’Alger, qui devrait en principe être signé dans quelques jours, sans une nécessaire relecture des textes électoraux et de la Constitution révolutionnaire malienne de 1992.
Pour rappel, en France, qui est notre pays de référence en matière de gouvernance, le premier scrutin régional n’a lieu qu’en 1986 après plus de 197 ans de pratique démocratique. Les conseillers régionaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les partis politiques et les autorités sont interpellés face au danger réel d’un désordre imminent qui pourrait survenir si les élections régionales sont organisées dans ces conditions de précipitation. Il est donc du devoir des Partis politiques qui concourent au suffrage pour gérer les affaires de la cité, de tirer la sonnette d’alarme pour que des mesures idoines soient prises afin d’éviter les troubles post électoraux aux conséquences désastreuses par une grande campagne nationale de sensibilisation et d’appropriation de ce nouvel arsenal électoral l que constitue les premières élections régionale du Mali.
Youssouf Sissoko
Dieudonné Tembely