Les rebelles terroristes sont toujours en consultation, à Kidal, avec leurs bases pour savoir quel sort réserver au projet d’accord pour la paix et la réconciliation. Mais visiblement, les responsables de la coordination des mouvement de l’AZAWAD (CMA) semblent rencontrer de sérieux problèmes avec certaines franges virevoltantes qui exigent un statut politique et juridique pour l’Azawad.
Le 1er mars dernier, contrairement au gouvernement, à la médiation et aux mouvements de la Plateforme, la Coordination des mouvements de l’Azawad refusait de parapher le projet d’Accord pour la paix et la réconciliation. Son principal argument ? Consulter ses bases. Ce qui était une démarche logique vu que les signataires sont censés représenter les communautés de base et défendre leurs intérêts.
La CMA a toujours affirmé agir au nom des populations de l’Azawad, cette zone recouvrant, selon elle, les trois régions du nord et une partie de celle de Mopti. Mais curieusement, quand il s’est agi d’aller consulter les bases des mouvements de l’Azawad, la délégation s’est cantonnée à la ville de Kidal.
L’Azawad se réduit-elle à cette seule ville ? Il faut le croire car malgré la présence de gens comme Mahamadou DjériMaïga, Boubacar Hangadoumbou, Seydou Amadou Cissé, tous originaires de la région de Gao, il n’est pas venu à l’esprit des rebelles touaregs et alliés de fouler le sol de Tombouctou et de Gao pour une restitution.
Ces régions sont hostiles à toute forme de partition, quel que soit le nom qu’on lui donne, du pays. Cette hostilité est largement partagée par la majorité des communautés de la région de Kidal, Touareg ou Arabes ; lesquelles, notamment celles qui vivent dans le sud du pays, ont affirmé à plusieurs occasions leur attachement à un Mali laïc, un et indivisible.
Si les ressortissants de ces communautés au sud ont affirmé fort et haut leurs positions, c’est tout simplement parce qu’ils savaient qu’elles sont partagées par leurs frères et sœurs vivant au nord, y compris à Kidal. Effectivement, il y a peu, le nouvel amenokal des Touareg, Mohamed Ag Intallah, déclarait solennellement son attachement à un Mali uni et se dit hostile à toute forme d’autonomie pour la région de Kidal. Le chef des Touareg n’aurait jamais fait une telle déclaration s’il n’était pas sûr de l’accompagnement de la majorité de sa base. Alors pourquoi les rebelles tardent-ils à parapher un document qui a l’assentiment de toutes les autres parties ?
Depuis quelques jours, la CMA a eu toute une série de consultations avec les leaders communautaires, les autres responsables des différents organes des mouvements, les chefs militaires, la société civile, les jeunes, les femmes, etc. A l’issue de ces consultations, les interlocuteurs ont jugé que le projet d’accord est irrecevable en l’état actuel. Ils ont besoin d’un statut politique et juridique pour l’Azawad.
En fait, les rôles se sont inversés : au début des négociations, contre l’avis de la majorité de leur base, les responsables de la CMA se sont montrés intransigeants sur l’obtention d’un statut spécial pour les régions du nord. En clair, ni décentralisation ou régionalisation mais une autonomie poussée à l’extrême, pouvant aboutir à court ou moye terme à l’indépendance. Pendant des mois, ils ont tergiversé à Alger, laissant les bases, notamment les jeunes, s’imprégner de cette idée séparatiste.
Entre temps, les différentes composantes ont dû se rendre à l’évidence : l’indépendance n’est pas possible, pas encore. De fait, les rebelles, au fur du temps, ont réussi à se faire isoler, lâchés par leurs alliés traditionnels, dont l’ancien président burkinabé, Blaise Compaoré, et certains responsables militaires français qui ont fini par comprendre qu’ils ne leur seront d’aucune utilité dans la traque des terroristes dans un Sahel en haute insécurité.
Et ils se sont sentis acculés quand, comme pour confirmer leur isolement, la médiation internationale conduite par Alger, le gouvernement malien et les mouvements d’autodéfense ont paraphé le document sous l’œil approbateur de la communauté internationale. D’ailleurs, après les Etats-Unis qui ont salué le paraphe du document, un pas vers la paix, le parlement européen vient de remercier l’Algérie pour ces résultats prometteurs.
Tous, tout comme des partenaires récemment démarchés par une délégation de religieux et de membres issus de la société civile, invitent les rebelles à parapher au plus vite le projet d’accord. Ils connaissent donc les nouvelles options de la communauté internationale dont certains membres étaient soit leurs commanditaires soit leurs soutiens actifs, et savent que l’heure des tergiversations est terminée.
Mais malheureusement, la balle n’est plus tellement dans le camp des responsables de la CMA, mais dans celui de la base qui tient en otage le processus de paix. Seront-ils assez convaincants quand ils expliqueront à celle-ci que l’indépendance totale ou une large autonomie ne sont plus options viables ?
Difficile à dire même s’il ne fait aucun doute que le document sera tôt ou tard paraphé par la CMA. Sans doute le plus tard possible, car les rebelles, conformément au contenu du projet qui, estiment-ils, a besoin de certains amendements, savent qu’ils feront l’objet d’enquêtes, et certains, essentiellement les responsables, seront poursuivis pour crime de guerre, crime contre l’humanité, violences sexuelles, vandalisme, etc. Et que leur avenir n’est pas dans leur Azawad.
Cheick TANDINA
Source: Le Prétoire