Aujourd’hui ces textes sont peu ou pas appliqués par les juges, même lorsqu’ils sont invoqués par les parties ou leurs conseils
Dans le cadre du renforcement des capacités professionnelles de ses membres, la Cour suprême accueille depuis lundi un séminaire sur le thème : « L’application par le juge des instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme ». La cérémonie d’ouverture de cette session dirigée par le président de la Cour suprême, Nouhoum Tapily, s’est déroulée en présence du représentant du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Tsagao Traoré, et du coordonnateur du Programme conjoint des Nations Unies d’appui à la promotion des droits de l’homme au Mali (PDH), Mamadou Diakité.
Le cadre normatif des droits de l’homme est constitué de textes nationaux, internationaux et régionaux que notre pays a ratifiés ou auxquels il a adhéré. Ces textes ont une autorité supérieure à celle de la loi. Après leur ratification et publication, les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme font partie de l’ordonnancement juridique national. L’affirmation solennelle des droits de l’homme par ces instruments, constitue en elle-même une garantie de ces droits. Mais cette garantie est insuffisante pour assurer leur respect et leur effectivité. Il faut nécessairement instituer des mécanismes de garantie qui soient effectivement au service et à la disposition des titulaires.
Le rôle de nos juridictions en matière de promotion des droits de l’homme ne souffre d’aucune contestation. Cependant, il est aussi établi que les instruments internationaux et régionaux relatifs à ces droits sont peu ou pas appliqués par les juges même lorsqu’ils sont invoqués par les parties ou leurs conseils. Le PDH organise justement ce séminaire pour remédier à ce problème. La session va dresser un état des lieux de la jurisprudence en matière d’application des instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme. Elle déterminera ainsi les raisons de leur non application ou de leur faible application par les juges.
Durant la rencontre qui prend fin aujourd’hui, les participants proposeront des solutions pour accroitre l’application par le juge de ces instruments et définiront les éléments d’une stratégie nationale de promotion des instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme, de leur application par les juges et de leur évocation par les avocats et leurs clients. Ils définiront également le rôle clef que la Cour suprême peut jouer en matière d’application de ces instruments juridiques.
Les experts se pencheront sur trois grands thèmes : « Les droits de l’homme : définitions, principes directeurs, cadre normatif et institutionnel » ; « Les systèmes juridiques du « dualisme » et du « monisme » : distinction et limites » ; « Le juge malien et l’application des instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme ».
Nouhoum Tapily a invité les participants à assurer une participation de qualité à un séminaire à l’issue duquel ils seront mieux outillés pour satisfaire les attentes des justiciables. Estimant que le thème intéresse l’ensemble des juridictions de notre pays, il a recommandé la tenue d’un séminaire de ce genre à l’intention des membres des Cours d’appel et des autres juridictions.
Pour le représentant du PNUD, l’actualité et la pertinence du thème du séminaire sont évidentes, si l’on se réfère à la situation des droits de l’homme au Mali depuis 2012 et au rôle central des juridictions dans la réponse à la forte demande sociale de justice suite à la crise. Tsagao Traoré a souligné l’importance attachée par les Nations unies à la session car celle-ci est destinée aux membres de la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays, dont la place et le rôle dans l’exercice du pouvoir judiciaire est primordial. De plus, note-t-il, le thème central fait écho à la consolidation de l’Etat de droit.
Depuis 2004, le PNUD appuie le gouvernement dans le domaine des droits de l’homme à travers divers programmes, a rappelé Tsagao Traoré. « En mettant en place, avec le gouvernement, le PDH-Mali, le PNUD a confirmé son engagement pour la promotion de la gouvernance démocratique au Mali », a-t-il souligné.
Pour lui, la rencontre arrive à point nommé avec le lancement du projet de réforme de la justice qui constitue, pour les partenaires techniques et financiers, le document de référence porteur de la vision du gouvernement en cette matière. Estimant que l’affirmation des droits de l’homme dans des instruments juridiques nationaux, régionaux et internationaux juridiquement contraignants ne suffit pas pour assurer leur efficacité, il a préconisé de suivre les procédures de transposition dans l’ordre juridique interne. L’application de ces textes internationaux par le juge national ne doit rencontrer aucun obstacle pour être appliqués, a t-il estimé.
Troisième programme dédié aux droits de l’homme, le PDH a été lancé en février 2012 afin d’accompagner le gouvernement et les organisations de la société civile dans leurs efforts de consolidation de l’Etat de droit. Il vise l’amélioration de l’accessibilité à la justice, le renforcement des capacités des acteurs des droits de l’homme, la promotion et la protection des droits de l’homme dans le pays.
Aminata Dindi SISSOKO