Nous devons revoir les règles d’engagement de l’armée malienne. L’article 71 de la Constitution qui habilite le Parlement à autoriser la guerre ne comporte aucun délai prévoyant les cas d’urgence ; ça c’est la forme, mais elle est importante parce qu’elle encadre le fond. Dans le fond justement, il nous faut avoir une armée de dissuasion.
Notre Parti la Coream a tiré la sonnette d’alarme en 2010 dans une lettre ouverte adressée au Président Amadou Toumani Touré, lorsque nous rappelions au Général qu’il est que la stratégie de guerre fait obligation aux grands pays (grands par la superficie) de se doter d’une force de dissuasion, étant entendu que les frontières sont d’autant plus difficiles à surveiller et à protéger que le pays est étendu.
C’est en ce moment là que les premières incursions rebelles ont commencé au Nord. Aujourd’hui, l’histoire nous a donné raison. Il ne faut jamais laisser du temps à la gangrène, sinon elle devient mortelle. Le temps devait être à la révolution (je n’aime pas ce mot, mais…) autour de notre grande muette.
Mais nous ne sentons même pas la moindre révolte. La France (pays en paix) fait régulièrement appel à de nouvelles recrues pour son armée. En Côte d’Ivoire, tout près, lorsqu’il s’est avéré que la guerre était inévitable entre les deux factions rivales (les pro-Gbagbo et pro-Ouattara), ‘’le petit’’ (rien de péjoratif) Blé Goudé a, à lui seul j’allais dire, fait enrôler plusieurs dizaines de milliers de jeunes (volontaires, milices et mercenaires confondus) pour renforcer l’armée de Gbagbo. Et si les forces internationales n’avaient pas prêté main-forte au camp Ouattara vainqueur de l’élection présidentielle, l’issue de cette guerre civile serait restée incertaine jusqu’à la fin. Depuis des temps anciens, le Mali est le pays de la stratégie de guerre.
Nous devons nous inspirer de cette mémoire guerrière pour (re) construire une armée qui sera respectée de tous nos voisins. A propos de voisins et pour donner un ordre de grandeur, l’Algérie compte plus 100 000 hommes dans son armée, sans compter plusieurs dizaines de milliers de gendarmes et policiers. Nous n’en avons pas plus de 10 000 et aucun recrutement massif n’est envisagé à ce jour, alors que, paradoxalement, la jeunesse malienne dans son immensité majorité est réduite à un chômage de longue durée, qui dure en tout cas depuis très longtemps.
Dans notre nouveau partenariat avec la France, autant dire que nous sommes partis pour connaître une longue période de réinstallation de bases militaires françaises que nous avions été fiers hier (1961) de mettre dehors. D’ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 26 du traité de défense entre le Mali et la France n’en fait aucun mystère lorsqu’il dispose que « Le présent traité, conclu pour une durée de cinq ans est renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de cinq ans… » Pas ‘’une’’ mais ‘’de’’ nouvelles périodes de cinq ans.
D’autant plus que cette France qui a volé à notre secours le 11 janvier 2013 est aujourd’hui dans un jeu trouble qui nous laisse penser qu’elle pense que Kidal n’est pas le Mali. Personnellement, je suis un francophile. J’adore la langue française et, par extension, la culture française. Mais, je suis entrain de devenir un francophobe parce que, comme une majorité de maliens, ma conviction est désormais faite sur le fait que Kidal serait revenu rapidement dans le giron malien si la France l’avait voulu. Elle n’est étrangère en rien dans l’attitude du résidu de rébellion que constitue aujourd’hui le Mnla.
Depuis que je me refusais à le croire jusqu’à ce qu’aucun doute ne subsiste plus dans mon esprit. Nous défendre à Konna, nous aider à reconquérir Tombouctou et Gao et nous empêcher ‘’d’entrer’’ à Kidal ! Mais, cher France, tu ne peux pas être l’amie des deux belligérants en même temps ! Chez nous on dit que « si tu passes la journée à porter un enfant à califourchon, à le bichonner, à le cajoler et que, le soir venu, tu le traînes par terre, c’est ce dernier acte qui lui restera à l’esprit », c’est-à-dire qu’il oubliera tout le bien que tu lui as fait auparavant.
Je pense que notre pays le Mali doit envisager toutes les options ; même celle de la dénonciation du traité de défense avec la France (l’article 26 alinéa 2 précité stipule que l’une des Parties peut le faire en le notifiant à l’autre six mois avant son expiration) ; au risque que les djihadistes viennent nous massacrer tous ici.
Au moins, nous mourons debout plutôt que de vivre à genoux. Mais cela n’est pas non plus une fatalité. Nous pourrions, par exemple, nous tourner vers d’autres alliés militaires ou, du moins raviver notre coopération militaire avec un ancien allié (suivez mon regard) dont l’amitié nous a valu bien de réussite en matière militaire de par le passé.
C’est bien parce que la Russie a refusé de lâcher la Syrie (contrairement à ce qu’elle avait fait en Lybie) que ce pays a tenu en échec sa puissante rébellion armée par la France et les Etats Unis et d’autres puissances occidentales qui demandent aujourd’hui à négocier avec Bachar (les USA en tout cas), reconnaissant ainsi leur défaite militaire (c’est bien la leur) sur le terrain.
Mais si, d’aventure, la France retournait maintenant (tout de suite) la veste du bon côté, alors notre nation montrera encore sa grandeur en lui restant reconnaissante sans jamais pouvoir rien lui refuser (sauf à continuer de protéger ses intérêts supérieurs) et moi, ainsi que des millions d’autres maliens, reviendrons à notre amour de la culture française qui, il faut le reconnaître, est l’une des plus belles.
Mais, encore une fois, nous devons tout envisager et nous mettre en situation de faire évoluer les choses pour reconquérir KIDAL.
Bamba Gagny KIABOU, président de la Coream
Source: Le Prétoire