Contre toute attente, après la consultation de sa base, motif de son refus de parapher le projet d’accord proposé par la médiation internationale, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) a rejeté ledit document. Et demande la réouverture des négociations.
Les pourparlers d'Alger s'acheminent vers l'impasseLes concessions faites par chacune des parties ayant abouti à l’élaboration d’un projet d’accord vient d’être remises en cause par la Coordination des Mouvements de l’Azawad. Celle-ci, dans sa volonté de ne jamais aller à la paix a, dans un premier temps, refusé de parapher le projet d’accord proposé par la médiation internationale le 1er mars dernier. Au motif qu’elle doit au préalable consulter sa base, notamment sa branche militaire qui visiblement n’appréciait pas le contenu du document. Pensant qu’elle allait s’investir pour convaincre son armée du bien fondé de ce document dans lequel le Mali a fait preuve de bonne foi en violation de certaines dispositions de sa Constitution, la CMA semble se prêter au jeu de ses maquisards .
Après huit mois de négociation et deconcessions faites de part et d’autre, la médiation internationale avait laissé entendre qu’il n’y aura plus de possibilité de revenir sur le document élaboré. Que chaque partie devrait le parapher avant de le signer à Bamako.
Mais cette médiation internationale semble changer de langage. Elle caresse la CMA dans le sens du poil. Car, nonobstant le refus de cette dernière de parapher le projet d’accord, la médiation conduite par l’Algérie, longtemps soupçonnée d’être de mèche avec les indépendantistes du nord, a transporté la médiation dans l’Adrar des Ifoghas. Au lieu de convaincre ou de contraindre ces indécis à parapher le document, elle a prêté une oreille attentive aux nouveaux amendements faits par ceux-ci. Tout en leur donnant espoir de l’ouverture de nouvelles discussions, contrairement à ce qui avait été dit à Alger. Comme si les résultats des huit mois de pourparlers venaient de tomber à l’eau. Ces amendements, faut-il le rappeler, visent à contraindre le Mali à concéder à la CMA ce qu’il avait refusé de faire lors des négociations formelles. Il s’agit entre autres de la reconnaissance officielle de I’Azawad comme une entité géographique, politique et juridique; de la création d’une assemblée interrégionale regroupant les régions de Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni, dont les prérogatives relèvent des domaines spécifiques à l’Azawad ; Surseoir à l‘organisation de toute élection jusqu’au retour des refugiés et la mise en œuvre effective du nouveau découpage; prévoir et déterminer le quota qui sera affecté à l’Azawad pour les Départements de souveraineté, les grands services de l’Etat, les représentations diplomatiques et les organisations internationales.
Ce n’est pas tout, au plan sécuritaire, la CMA exige que les forces de défense et de sécurité à l’intérieur de I’Azawad soient composées à 80% de ressortissants de l‘Azawad, ainsi qu’au niveau des postes de commandement. Pendant la période intérimaire, elle demande la mise en place des unités spéciales mixtes comprenant 80% de ressortissants de l’Azawad. Que ce soit elle qui définisse la liste des combattants et détermine leurs grades. Ensuite, que le Mécanisme opérationnel de Coordination (MOC) soit présidé par la Minusma et co-présidé par les deux parties. Et de retenir le casernement pour les combattants qui feront partie des forces armées et de sécurité reconstituée et le cantonnement pour ceux à réinsérer. Les zones de défense et de sécurité seront sous le commandement d’un ressortissant de l‘Azawad, revendique la Coordination des Mouvements de l’Azawad. S’agissant du développement, la CMA demande entre autres l’affectation d’un fonds spécial pour l‘Azawad sur le budget de l’Etat à hauteur de 40% sur une période de 20 ans en vue de résorber un retard de plus de 50 ans; l’exploitation des ressources minières et énergétiques de l’Azawad soumise à l’autorisation préalable de l’Assemblée interrégionale après avis de l’Assemblée régionale. Un quota de 20 % de la production sera affecté à l’Azawad, avec priorité à la Région concernée.
Face à de telle exigence à caractère de chantage, de sources proches du dossier, le gouvernement du Mali n’entend plus parapher quoi que ce soit si ce n’est ce qu’il a déjà paraphé. Encore moins d’envisager une quelconque discussion avec la CMA avant la signature du projet d’accord. Des informations qui nous parviennent, l’Etat malien demande à la médiation internationale de s’assumer. Soit, la CMA paraphe l’accord en attendant les discussions qui vont suivre sa signature à Bamako, soit elle doit être sanctionnée. A défaut, rapportent nos sources, on doit faire usage de la force, si cela est le seul langage que ce mouvement comprend.
En tout cas, Bamako est catégorique. Il n’y a plus question d’apporter d’amendement à ce projet d’accord.
De l’autre côté, dans l’Adrar des Ifoghas, il faut vaille que vaille revenir sur le projet d’accord.
Face à cette attitude de la CMA, si la médiation internationale ne s’assume pas, on risque d’assister à une détérioration considérable de la paix qu’on tentait de construire peu à peu.
Oumar KONATE