Il y a des mois, le Mali est confronté à une crise dont les sources sont loin de ses frontières. Et comme toute situation de crise impose au reste du monde de secourir le pays en danger, la France s’est trouvé un alibi pour justifier son ingérence dans la crise malienne par pions interposés : l’urgence de chasser les rebelles islamistes du Nord tout en empêchant l’armée malienne de le faire elle-même, c’est-à-dire d’assumer ses droits et devoirs. Or la défense de la souveraineté de l’Etat malien et son intégrité territoriale n’est pas et ne devrait pas être négociable.
La déstabilisation de la zone sahélo-saharienne, dont une partie est actuellement occupée par des rebelles, est l’une des conséquences directes de la guerre de l’OTAN contre la Libye, dont la France de Nicolas Sarkozy avait été la grande initiatrice. Ce conflit avait provoqué la prolifération et le renforcement de bandes armées djihadistes. Après la chute du régime libyen et la mort de Mouammar Kadhafi, on avait assisté à la dispersion de l’armée libyenne et la dissémination accélérée d’armes en tous genres et d’hommes armés dans le Sahel. Parmi les Touaregs rebelles et les islamistes au Mali figurent des vétérans de la guerre de Libye.
Ayant été, à l’heure actuelle, largement submergé par les groupes islamistes, le MLNA touareg serait repêché par un membre du sérail des géopoliticiens qui alimentent et assistent toute insurrection rebelle dans la sous-région. L’arroseur arrosé? Qui tire les ficelles occultes de ces mouvances ? L’offensive du MLNA permettait à ses parrains un scénario d’eaux troubles où l’ingérence politique et militaire étrangère comportait autant de causes que de conséquences.
Certains avancent des thèses bien plausibles de l’implication du Burkina Faso, (avec Blaise Comparé qui, pour l’occasion, a fait de son pays une base arrière), et de la France (du temps de Sarkozy) avec le MNLA qui avait pignon sur rue à Paris, avec un siège qui y agissait ouvertement et sans entrave. D’autres spéculent sur l’implication et les accointances du Qatar et de quelques services algériens avec des islamistes. Et le «Médiateur» Compaoré qui veut inviter le Qatar à la table des négociations ! C’est dire que les « pompiers pyromanes » n’ont aucun scrupule. Les hommes de paille et agents doubles semblant être partout, l’intoxication et la désinformation restent une efficace arme de guerre.
L’ingérence française dans le conflit interne malien se concrétise avec le «consentement» de la victime, à savoir le Mali car le 24 septembre dernier, le Président intérimaire malien avait demandé, au Secrétaire général de l’ONU, une intervention militaire étrangère au Mali. Aussi étonnant que cela puisse être, c’est le ministre français, Laurent Fabius, qui annonce cette nouvelle à New York : le Président Dioncounda Traoré a demandé à Ban Ki-Moon une résolution du Conseil de sécurité autorisant « l’intervention d’une force militaire internationale afin d’aider l’armée malienne à reconquérir ses régions occupées du Nord », tout en rajoutant que « le Mali souhaite la présence immédiate de cette force».
Aussi se demande-t-on si ce « consentement » est totalement libre et complètement éclairé. La preuve : dans son article sur le sujet daté du 25 septembre dernier, le journal « Le Monde » soulignait : «Dimanche (24 septembre), le Mali a finalement cédé à la pression de la CEDEAO qui, depuis des mois, soutient le principe d’une intervention militaire au Nord du Mali». D’où la question : ceux qui ont demandé cette intervention sont-ils légitimes et mandatés pour cela ? Au Mali, Cheick Modibo Diarra est le Premier ministre d’un régime qui n’est issu des urnes. Et Dioncounda Traoré est un Président intérimaire qui, disent certains, a été imposé aux Maliens par Ouagadougou et par une France interventionniste qui, pour la cause, a mandaté le peu démocrate Blaise Compaoré.
Dans le meilleur des cas, Dioncounda Traoré et Cheick Modibo Diarra sont soit des mannequins forcés apportant la parole de Paris, soit victimes d’une naïveté surprenante. Dans le pire des cas, ils seraient complices et partisans pro-français qui auraient bradé la souveraineté du Mali, manquant ainsi à leur devoir de défense de l’Etat et du peuple malien. Bref, c’est une affaire dans une affaire, un coup de force, un coup d’Etat en douce et à retardement opéré et gagné, pour l’instant, sur le « tapis vert d’une table lointaine » entre Ouagadougou, Paris et New York.