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Tribunal islamique de Gao : Les wahabites rompent un mariage, les juges le rétablissent
Publié le lundi 15 octobre 2012  |  Le Procès Verbal




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Les rebelles islamistes, après avoir pris militairement le contrôle des régions du nord du Mali, y ont vite implanté des tribunaux dits islamiques, chargés de trancher les litiges entre les populations. Beaucoup de procès se sont tenus dans ces tribunaux, avec leurs lots de condamnés amputés, lapidés ou fouettés. Le tribunal islamique de Gao vient, quant à lui, de terminer son procès le plus difficile et le plus long. L’affaire a mis aux prises les musulmans wahabites aux non wahabites. Elle a duré deux bonnes semaines et connu son épilogue le vendredi 5 octobre 2012.

Les faits remontent à la période d’avant l’occupation de Gao par les rebelles islamistes. A Gao, la communauté wahabite est bien organisée et il règne une forte solidarité entre ses nombreux membres. Lorsque, vous rejoignez la communauté, ses membres riches vous viennent immédiatement en aide, soit en vous donnant une épouse (ce qui n’est pas de refus!), soit de l’argent pour faire du commerce. C’est ainsi que le nommé Mahamadou Youssouf, pour avoir rejoint la communauté wahabite, s’est vu donner pour épouse Fatou Saadou, une jeune, belle et noble dame demoiselle de confession wahabite. Le couple aura plusieurs enfants. Mais courant 2011, les choses se gâtent. Mahamadou Youssouf, pour des raisons personnelles, décide de quitter la communauté wahabite. Il opte pour un islam plus simple et modéré et ne veut surtout plus porter la longue barbe et les pantalons courts des wahabites. Les barons de la communauté wahabite, mis au courant du soudain déficit de foi de leur frère Youssouf, se fâchent tout rouge. Après concertation, ils décident de retirer à l’ingrat sa femme et ses enfants. La décision est mise à exécution contre celui que les wahabites qualifient de « traître ». Impuissant, Mahamadou Youssouf voit un beau jour sa femme quitter son foyer et se remarier à un certain Abdoulaye Seydou.

Mahamadou Youssouf, rongé de colère, prend son mal en patience et après l’instauration du tribunal islamique par les rebelles islamistes, il porte plainte contre les seigneurs wahabites qui lui ont enlevé sa famille. Les juges islamiques mènent une enquête sur les faits allégués par le plaignant. A la suite de quoi, toutes les personnes concernées sont convoquées devant le tribunal islamique de Gao le vendredi 5 octobre 2012.

Le jour du procès, ont effectivement comparu à la barre Mahamadou Youssouf, son ex-épouse Fatou Saadou et Abdoulaye Seydou, le nouveau mari de la dame. Les juges en charge de l’affaire se nomment Kahaga Mahamane, Zourkaleymi et Amada, tous désignés par le Mujao, le mouvement armé qui règne dans la ville. A la question des juges de savoir si la dame avait divorcé de son propre gré ou si elle avait obéi à des ordres venant de la communauté wahabite, la dame répondra avoir quitté son mari à la demande des autres membres de la communauté wahabite. Elle ajoutera avoir accepté l’ordre de la communauté parce que son ex-mari, Youssouf, avait trahi ladite communauté. Toujours selon l’épouse, Mahamadou Youssouf ne s’était pas contenté de quitter la communauté wahabite mais il avait aussi entamé contre elle une véritable campagne de dénigrement, dans une ville où chaque courant musulman cherche à déstabiliser l’autre. Mahamadou Youssouf, pour sa part, reconnaîtra avoir quitté la communauté wahabite pour des raisons de principe et non pour autre chose; il déclarera garder de l’amour pour son épouse Fatou et exigera le retour de celle-ci au foyer conjugal.

Après les débats, les trois juges décident d’annuler le second mariage, c’est-à-dire celui intervenu entre Fatou et Abdoulaye Seydou. Le tribunal islamique a ordonné à Fatou de rejoindre sa famille paternelle jusqu’à ce qu’elle voie ses prochaines menstrues, afin qu’on s’assure qu’elle n’est pas tombée enceinte des oeuvres d’Abdoulaye Seydou, son second mari. « Après les prochaines menstrues, vous rejoindrez votre premier mari Mahamadou Youssouf », ont intimé les juges à la dame Fatou. Puis les magistrats ont fait signer une attestation de reconnaissance du verdict par les différentes parties au procès.

Ce verdict était très attendu par les différentes communautés religieuses de Gao. Les wahabites, selon nos informations, croyaient sûrement l’emporter pour la simple raison que les occupants sont eux aussi wahabites.Espoir déçu ! Cependant, des connaisseurs de la tradition islamique, que nous avons consultés, soulignent que si le tribunal avait pouvoir de dissoudre le second mariage de Fatou, il n’avait pas, en revanche, le droit de lui ordonner de rejoindre son premier mari si telle n’était pas la volonté de la dame. Allah seul est savant !

Abdoulaye Guindo

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