La capitale de l’ancien royaume bambara a des allures de ville fantôme, en ce début de saison touristique. Les restaurants sont fermés, les hôtels déserts. Les étals de gri-gri et les galeries d’art n’attirent plus les regards. Et pour cause : Ségou a vu ses derniers touristes plier bagage au printemps. Depuis, l’économie locale est en chute libre.
« On vit au jour le jour »
Raymond Jaara, propriétaire de trois hôtels-restaurants, peine à maintenir la tête hors de l’eau. « On vit au jour le jour. Malgré les baisses de salaires pour éviter les licenciements, je viens de mettre dix employés au chômage technique. Mes économies diminuent comme peau de chagrin », constate ce Libanais installé au Mali depuis trente-huit ans.
À quelques encablures de l’hôtel, les piroguiers font les cent pas sur les rives du fleuve Niger. « Finie, la navigation touristique. Je me suis reconverti en passeur. Mais la concurrence est rude, on termine régulièrement la journée sans un sou en poche », déplore Adama en toisant son embarcation.
Même constat du côté de l’artisanat local. À la sortie de la ville, Boubacar Doumbia puise dans les caisses de son atelier associatif de tissage artisanal pour nourrir ses jeunes apprentis. « La production se poursuit doucement, mais nous ne dépasserons pas les 10 % du chiffre d’affaires cette année », anticipe-t-il.
Espoir d’un retour à la normale
Principale attraction touristique de la localité, le « Festival sur le Niger »est toujours programmé pour le mois de février. « Nous restons confiants pour la tenue de l’événement. De toute façon, l’espoir d’un retour à la normale est tout ce qu’il nous reste ! », confie le secrétaire général du Conseil pour la promotion de l’économie locale.
À 450 km plus au nord, au-delà la cité portuaire de Mopti où 2 000 emplois ont été perdus dans le secteur du tourisme, la cité de Bandiagara et le pays Dogon ont aussi été désertés par les visiteurs étrangers. La ville du célèbre écrivain Amadou Hampâté Bâ est désormais le dernier verrou militaire d’une zone convoitée par les groupes islamistes armés. Au bord de la route, des pick-up surmontés de mitrailleuses ont remplacé les véhicules tout-terrain des guides touristiques.
Devant le dernier poste de contrôle tenu par les troupes gouvernementales s’étend le plateau Dogon. Cette étape incontournable des randonneurs d’hier est aujourd’hui une destination interdite aux étrangers : derrière ces collines, les jihadistes règnent en maîtres.