La première édition de la Journée internationale de la fille a été lancée le jeudi 11 octobre à Bamako et à Addis-Abeba. La capitale malienne était ainsi à l’honneur. Le ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et celui de l’Education nationale et de l’Alphabétisation ont coprésidé la cérémonie officielle.
Une bonne initiative qu’il faut encourager pour changer la mentalité des Maliens vis-à-vis de l’éducation des filles. Nous savons tous que la discrimination des filles est largement connue et pratiquée couramment dans notre société. Parfois, elles sont sources de revenu car on les « offrent » aux plus riches. Pouvez-vous imaginer un instant qu’en ce 21è siècle encore, il se trouve qu’au Mali, des filles de moins de 16 ans sont contraintes de se marier à des hommes deux fois plus âgés qu’elles ? Certes, on dira que c’est courant. Bien sûr ! Mais ce qui est immonde, c’est que la nuit de noce, ces hommes, pour satisfaire leur libido et « être à la hauteur », prennent des « pilules de plaisir » pour consommer le mariage. Quand par malheur, une fille résiste, c’est des mains fortes qui viennent à la rescousse. Cette personne, en général un homme de caste, plaque la fillette sur le lit pour l’immobiliser. Au même moment, monsieur prend son plaisir sur la fille qui crie de douleur dans la chambre nuptiale. Par la suite, les filles blessées (déchirures vaginales) sont conduites à l’hôpital pour que ces déchirures soient cousues.
Ces pratiques sont une triste réalité que vivent certaines filles , et cela, maliennes au vu et au su de tout le monde. Imaginez que si c’était notre fille, comment réagirons-nous?
La tragédie n’est pas les blessures visibles mais la douleur intérieure et l’humiliation qui leur donnent l’impression d’être sans valeur. L’adulte, lui abuse de son pouvoir, de son autorité et de sa religion au détriment de ces demoiselles obligées d’encaisser durant tout le restant de leur vie de femme déplorable. Nous avons remarqué que ces hommes qui s’adonnent à ses pratiques se retrouvent au finish avec trois à quatre femmes. La ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille doit s’intéresser à ce fléau. Quant au ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, il doit revoir la copie de quelques éducateurs qui sont sous sa tutelle.
Pendant les grandes vacances, sur la télévision nationale ORTM, nous avons assisté à une émission très grave dans laquelle des enfants de la Maternelle jouaient une pièce théâtrale. La star (héroïne de l’émission) était une belle petite fille de 5 ans habillée en princesse. Des prétendants tournaient autour d’elle. Le but était de choisir un préféré parmi ces garçons, tous beaux. Le premier fait son numéro : charmant, très bien habillé en chemise et culotte, les mains dans la poche, il tourne autour de la mademoiselle qui détourne la tête : ce qui veut dire « non ». Un deuxième arrive sur son « trente et un », élégant, avec costume et cravate, mais rien à faire : la demoiselle le rejette. A notre grande surprise, voilà le troisième qui se présente habillé en bazin riche. Aussitôt, il met la main dans sa poche pour sortir des billets de banque. Du coup, la demoiselle bondit et accepte le garçon plein aux as.
Quelle ne fut notre surprise quand nous avons assisté à cette scène aberrante ! Comment peut-on inciter une petite fille de cet âge à aimer l’argent plutôt que l’amour si ce n’est pour la pousser à la prostitution dans l’avenir ? Venant d’une éducatrice, c’est vraiment choquant, et de surcroît, en présence de parents éblouis, plongés dans une ignorance totale et qui ne voient que l’image de leurs bambins sur un plateau télévisé. Il convient que notre société ait beaucoup à faire dans le domaine de l’éducation et une Journée internationale de la fille peut aider non seulement à faire inculquer aux parents la valeur de l’être qui est la fille, mais aussi à leur apprendre la parité entre sexes.
Quant aux éducateurs, ils devront faire des formations pour enseigner les bonnes manières à nos filles notre avis est qu’un éducateur doit enseigner aux filles la façon la plus noble de gagner leur vie. Les filles doivent apprendre que c’est uniquement en travaillant avec toute honnêteté qu’on peut être un être humain à part entière et que choisir l’amour est préférable aux billets de banque. C’est à nos autorités que revient toute la responsabilité. C’est à elles d’obliger les familles à respecter les droits de la fille et préparer activement les institutions scolaires et les services hospitaliers à la détection des mauvais traitements infligés aux jeunes filles. Le rôle et la responsabilité de chacun devraient être définis. Aussi, les responsables doivent s’engager à signaler ou dénoncer aux autorités les maltraitances subies par les fillettes, sous peine de sanction pénale.
Si aujourd’hui, nous pouvons dire que la campagne sur l’excision a fait du chemin, il semble qu’un viol de ce genre ne peut pas être dissocié du premier, étant donné que tous deux sont des agressions « légales » pour ces pratiquants, au nom d’une certaine tradition.
Neïmatou Naillé Coulibaly